Emmanuelle Bonnet-Oulaldj« Ma candidature au CNOSF contribue à faire bouger les lignes. »
Elle avait déjà candidaté, en 2021, à la présidence du Comité national olympique et sportif français. Après la démission de Brigitte Henriques, la co-présidente de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail reprend son bâton de pèlerin pour tenter, de nouveau, de convaincre qu’elle a les épaules. Interview avec celle que l’on présente comme l’outsider de cette élection qui aura lieu le 29 juin prochain.
Par Valérie Domain
Publié le 20 juin 2023 à 11h09, mis à jour le 10 juillet 2023 à 15h44
En 2021, vous aviez déjà fait campagne pour ce même poste de présidente du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), sans succès. Pourquoi replonger ?
Je replonge dans le grand bain car je suis convaincue que le mouvement sportif fédéré doit porter une vision pour l’avenir dans une société en pleine transformation.
Il y a beaucoup de crises, des crises écologique, sociale, économique, et si on ne pense pas le sport de demain, on risque de passer à côté, déjà de l’héritage de Paris 2024, mais aussi de ne pas relever le défi de démontrer que le sport est essentiel pour le développement de l’être humain, ses capacités physiques, cognitives, pour le lien social, la formation citoyenne-citoyen.
Je me suis alors dit que, dans ce contexte difficile parce que ce n’est pas une élection ordinaire, j’étais prête à relever le défi, non pas de repartir d’une page blanche parce qu’il y a des actions qui ont été mises en place par Brigitte Henriques, par l’équipe précédente, tout ça à mon avis doit se se poursuivre, mais de passer un temps plus important à affirmer l’expression du mouvement sportif sur des enjeux sociétaux, et évidemment le tout dans une parfaite autonomie et d’indépendance par rapport au gouvernement.
Il faut savoir accompagner les politiques publiques, mais le CNOSF doit aussi jouer son rôle de corps intermédiaire, on est en démocratie et donc dire aussi quand ça ne va pas.
Brigitte Henriques qui vient de démissionner de la présidence du CNOSF
Ce qui s’est passé avec Brigitte Henriques, les reproches, les accusations, parfois avec la plus grande brutalité, puis sa démission, vous en pensez quoi de tout ça ?
Je pense que le fait d’être une femme n’a pas rendu les choses faciles, même si elle a commis des erreurs, mais aurait-on réagi de la même manière si ça avait été un homme ? Je ne sais pas.
Ce qui est certain, c’est qu’avoir été la pionnière à cette fonction, ça n’a pas dû être une mince affaire. En même temps, je suis administratrice au CNOSF, j’ai quand même participé à pas mal d’échanges, et il y a plein de choses qui nous échappent, il y a des phénomènes humains qui nous échappent.
Je pense qu’il faut changer le rapport au pouvoir et, le sport, comme d’autres enjeux dans la société, a été fait par et pour les hommes, on peut revenir sur l’histoire des Jeux Olympiques par exemple. C’est important de comprendre que le pouvoir, ce n’est pas décider tout seul, mais c’est partager les délibérations, les prises de décisions.
Dans une société patriarcale comme la nôtre, les femmes ont encore une grande charge mentale, assument encore énormément de choses dans leur vie, et forcément quand on se retrouve à assumer les responsabilités majeures sans que ce rapport au pouvoir ait évolué, ça coince. Peut-être qu’on a aussi là une explication à ce qui s’est passé avec Brigitte Henriques.
J’ai entendu un jour une allusion au fait qu’elle avait pris des congés par exemple, ce qui me paraît quand même invraisemblable de se dire qu’aujourd’hui on ne peut pas être présidente du CNOSF et s’accorder quelques jours de congé, je ne suis pas sûre que ce genre de reproches aurait pu être fait à un homme, même si encore une fois je pense qu’il y a des responsabilités partagées dans cette affaire.
C’est un message de mixité que vous voulez faire passer ?
On peut être une femme et un homme et vouloir travailler intelligemment ensemble, sans qu’il y ait forcément de la concurrence à tout va. Tout le monde peut travailler dans la mixité évidemment mais, moi, j’aime bien le mot aussi d’égalité, ça ne veut pas dire qu’il y a la parité partout, mais l’égalité, c’est aussi l’égalité des chances, se dire que, dès le départ, les femmes et les hommes sont à égalité pour accéder à un poste à responsabilités.
Le jour où on en sera là, je pense qu’on aura gagné beaucoup et ma candidature comme celle d’autres femmes, comme celle de Brigitte en 2021, contribue aussi à faire bouger les lignes.
Rien ne vous arrête alors ?
Les femmes partent très souvent avec des freins, n’osent pas toujours. Moi, si je me suis lancée dans l’aventure, c’était pour garantir le fait qu’il y ait au moins une femme candidate et, pourquoi pas, donner une chance à une seconde femme présidente.
Pour autant, j’ai toujours pensé que le seul fait d’être une femme ne permettait pas d’être élu et d’assumer des responsabilités, preuve en est, par exemple, que je n’ai pas voté pour une femme au second tour des dernières élections présidentielles, il faut avant tout se baser sur la personnalité.
Vous parlez de vous lancer dans l’aventure, ce ne serait pas plutôt dans la bataille ?
Pas vraiment, parce qu’en 2021 j’ai vécu une aventure extraordinaire, à la fois sur le plan collectif, tous les échanges que j’ai pu avoir, mais aussi sur le plan de la connaissance. J’ai découvert beaucoup de choses, il y a des fédérations que je ne connaissais pas forcément très bien, comme toutes celles, par exemple, autour de l’aviation et j’ai appris notamment comment, dans l’histoire, on a voulu démocratiser l’accès au vol qui est quand-même quelque chose d’assez mythique, un rêve de gosse.
Certaines activités associatives sont trop peu connues. Et puis, sur le plan personnel, j’ai beaucoup grandi. Depuis mon expérience de 2021, j’ai renforcé mes compétences, mon réseau. Je garde un excellent souvenir de cette précédente candidature.
Une élection, c’est quand-même une bataille…
Oui, il y aura de la bataille, mais ça fait plus de vingt ans que je suis engagée et je sais que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Je sais aussi qu’il faut savoir se protéger, être bien entourée, savoir prendre de la hauteur sur les difficultés. Je pense que, là-dessus, je suis armée. Et je vais continuer à apprendre.
Vous avez face à vous un homme présenté comme le favori, David Lappartient, président de l’UCI (Union cycliste internationale) et membre du Comité International Olympique, le CIO. Pourquoi est-il présenté ainsi et vous comme une outsider ?
Bonne question. Je suis pourtant la première à avoir officialisé ma candidature, mercredi dernier, et j’apprends aujourd’hui celle de David Lappartient.
À quoi tient la légitimité d’être présidente ou président du CNOSF ? C’est une excellente question et je pense que la légitimité tient d’abord à la vision politique qu’on a du sport associatif fédéré en France d’une part ; d’autre part, à l’expérience et évidemment aux compétences. J’ai envie de dire qu’on est à égalité sur la ligne de départ. À nous de convaincre maintenant.
D’après les observateurs, en effet, je suis l’outsider, peut-être aussi parce que je n’étais pas prévue au départ, pas attendue, même si certains m’attendaient quand-même puisque j’ai eu des sollicitations en ce sens. On dit que j’ai créé la surprise car je n’ai pas été élue en 2021. J’espère alors proposer une autre forme de surprise, le 29 juin prochain, quand on aura les résultats des élections.
Peut-on imaginer que Brigitte Henriques avait été élue parce que c’est une femme et que ça fait sens avec les premiers Jeux paritaires en 2024 ?
Oui, peut-être, et ça ferait sens qu’il y ait de nouveau une femme à ce poste. Je ne vais pas dire le contraire et puis ça permettrait aussi de continuer à accompagner le programme des 300 dirigeantes qui a été mis en place par le CNOSF et puis à accompagner l’égalité d’accès aux femmes à la présidence des comités des fédérations, notamment olympiques, parce que le plafond de verre aujourd’hui, il est toujours là ! Il y a encore trop peu de femmes présidentes de fédérations olympiques.
Même si au sein du Conseil d’administration du CNOSF, il n’y a toujours pas la parité, un certain nombre de fédérations dirigées et présidées par des hommes a joué le jeu, en 2021, de proposer des femmes candidates au Conseil d’administration du CNOSF. Et, de ce point de vue-là, je trouve que c’est quand même une avancée intéressante.
Vous pensez que la ministre des Sports a un rôle à jouer dans une élection de ce type, comme la présidence du CNOSF ?
L’important, c’est de rester indépendant. L’autonomie du mouvement sportif est vraiment une valeur cardinale, ça ne veut pas dire que le ministère des Sports et la ministre des Sports des Jeux Olympiques et Paralympiques n’a pas évidemment un regard à apporter et je trouve que, pour le coup, son positionnement lors de la dernière assemblée générale en appelant à l’apaisement a été le bon positionnement à avoir.
La coopération est nécessaire entre le CNOSF, l’État et les différents ministères concernés donc c’est important de se dire qu’on pourra travailler ensemble, mais qu’on pourra également avoir des points de vue différents pour œuvrer, évidemment, dans le sens de l’intérêt général.
Co-présidente de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (FSGT), Emmanuelle Bonnet-Oulaldj (au centre) part à la découverte de disciplines peu connues comme ici le walkingfoot avec la FSGT 13…
Le CIO a également appelé à l’apaisement. À un an des JO de Paris, la démission de Brigitte Henriques et cette nouvelle élection en catastrophe, démontre quand-même un manque de professionnalisme, voire de respect envers les actrices et acteurs du sport.
C’est vrai qu’il pourrait y avoir meilleur contexte. J’espère que les sportives et sportifs qui préparent les Jeux sont mobilisés avec leur encadrement, en lien avec l’Agence nationale du sport, avec les fédérations et dans le cadre du dispositif gagnant en France.
Et j’espère qu’ils arrivent à rester concentrés, mais c’est vrai que, plus vite l’apaisement sera retrouvé et mieux ce sera. Le CIO est inquiet, le CIO veut accompagner, mais ce n’est pas à lui, comme ce n’est pas au gouvernement de décider de qui présidera le CNOSF, encore une fois c’est l’intérêt général qui doit prendre le dessus.
Si vous êtes élue le 29 juin, quelles seront vos premières mesures ?
Le mouvement sportif doit avoir une vision claire de ce qu’il veut pour demain et je pense que c’est ce qui a manqué, malgré tout, ces deux dernières années. Pouvoir débattre et s’exprimer, avoir des prises de position sur différentes questions comme par exemple la continuité du dispositif Pass Sport et dans quelles conditions ; la loi sur les Jeux olympiques et Paralympiques ; le contrat d’engagement républicain ou le Service National Universel.
Il y a plein de sujets sur lesquels il faut être plus clair, plus offensif, et être force de propositions.
Et si vous n’êtes pas élue ? Jamais deux sans trois ?
J’espère gagner le 29 juin ! Mais si ce n’est pas le cas, je suis convaincue que j’aurais à minima contribué à changer le regard et que l’avenir sera plus égalitaire entre les femmes et les hommes.
En tout cas, pour moi, c’est vraiment une motivation importante.
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