Julie : « C’est compliqué d’être entraîneur de haut niveau quand tu es une femme… »Préparateur physique, 33 ans

Julie Bezard

Propos recueillis par Valérie Domain

Publié le 07 mai 2020 à 16h04, mis à jour le 29 juin 2021 à 15h35

«  Ma mère était championne de France de kayak, mon père maître-nageur, j’ai toujours été encouragée à faire du sport. Je jouais à la poupée avec ma sœur sur les abords des terrains de tennis où nos parents tapaient dans la balle. J’ai vite eu envie moi aussi de le pratiquer.

Puis, ça s’est enchainé : j’ai été repérée par un entraîneur de la ligue, je pratiquais dix heures de tennis par semaine, j’ai été classée dans les 30 meilleures Françaises junior.

Pour autant, même si j’ai toujours adoré la competition, je n’ai jamais eu l’ambition de devenir joueuse professionnelle, j’ai rapidement voulu entraîner, vivre cette compétition côté coulisses.

Julie Bezard

Je suis partie à 18 ans en fac de sport, ce qu’on appelle STAPS, puis j’ai intégré l’INSEP, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance. J’ai poursuivi ma formation là-bas pour être préparateur physique de haut niveau.

Ma première mission, en 2011, a été de préparer l’équipe de France d’escrime masculine pour les JO de Londres.

« J’ai reçu un super accueil de la part des escrimeurs, pas de misogynie, pas de machos ! »

L’INSEP souhaitait une femme pour tester une autre approche d’entraînement. Ce n’était pas évident dans un métier qui touche au corps, mais ils ont fait ce pari. Pari réussi, j’ai reçu un super accueil, pas de misogynie ni de machos  !

Je n’ai pas ressenti de différences entre le fait d’entraîner une femme ou un homme, car tu t’intéresses uniquement à la performance.

Le plus complexe est de gérer la pression des JO. On attend beaucoup de toi  : pour les athlètes, c’est l’objectif de toute une vie. Malheureusement, nous n’avons pas eu les résultats escomptés aux JO…

« Quand j’ai dû entraîner l’équipe de France de tir, je me suis sentie moins à ma place. C’est un milieu assez fermé, où l’on vit entre mecs…»

Parallèlement, j’entraînais la n°1 du badminton français, Hongyan Pi, également à l’INSEP. C’était très différent car Hongyan allait participer à sa dernière compet, elle devait finir en apothéose.

Or, elle avait le corps abîmé. Depuis ses 8 ans, elle faisait trente heures de sport par semaine. Je devais donc la préparer sans la blesser et elle avait un sacré caractère  ! C’était plus dur de l’entraîner elle que toute l’équipe d’escrimeurs !

Ma dernière mission avec l’INSEP a été avec l’équipe de France masculine de tir, à partir de 2012.

Un milieu assez fermé, où l’on vit entre mecs, moins ouvert à la nouveauté, des façons de travailler différentes des miennes… J’avoue, je me sentais moins à ma place, moins légitime, moins acceptée que dans l’escrime, et la relation entre entraîneurs et entraînés est primordiale, sinon ça ne marche pas.

Julie Bezard et Hongyan Pi
Avec Hongyan Pi, ancienne n°1 française de Badminton, avant son départ aux JO de Londres en 2012

A un an des JO de Rio, en 2015, j’ai fait un burn out. Je travaillais trop, je me mettais trop la pression. Mon but était alors de fonder une famille et c’est compliqué d’être entraîneur de haut niveau quand tu es une femme.

Tu bosses tout le temps, les jours fériés, les week-ends, tu cales tes vacances en fonction des compet, tu vis pour tes athlètes. Et si tu n’as pas de résultats, tu te fais virer.

« J’ai dû faire un choix : ma carrière ou ma vie de femme. »

C’est un travail exigeant et c’est normal car on est dans le haut-niveau, mais ce n’est pas compatible avec le fait de vouloir des enfants.

J’ai dû faire un choix  : ma carrière ou ma vie de femme. J’avais 28 ans. Je commençais à être usée mentalement, j’avais besoin de faire une pause, de souffler.

J’ai quitté l’INSEP et j’ai rejoint mon compagnon entraineur de ski à Serre Chevalier, dans les Hautes-Alpes.

Ça a quand-même été dur pour moi de partir, mais aussi pour les joueuses que j’entraînais. L’une de ces joueuses est d’ailleurs la marraine de mon fils Sacha, preuve de la relation particulière qu’on peut parfois entretenir avec ses athlètes…

Julie Bezard

J’ai complètement changé de vie, j’ai eu ma fille pendant les JO, c’était encore plus beau que d’entraîner des athlètes  ! Après la naissance de mon deuxième enfant, ça m’a repris, j’ai eu envie d’entraîner de nouveau, c’est un virus cette carrière !

Mais aujourd’hui, je suis plus en amont, je m’occupe de la relève. Je prépare physiquement des jeunes espoirs du ski de moins de 16 ans. La plupart sont en sport étude, dans le but d’être sportifs professionnels plus tard. 

Je suis également coach pour des sportifs amateurs, ils sont sacrément motivés et c’est vraiment passionnant.

Julie Bezard

Je joue moins au tennis, c’est plutôt course, ski, musculation, mais je ne lâche pas le sport, autant par plaisir que pour conserver un bon niveau physique : quand je pars courir avec des athlètes, je dois avoir le niveau pour les suivre.

Et puis, il y a les enfants… Ma fille de 3 ans adore faire du sport avec moi. La relève est assurée !  »

 

Julie Bezard

Elles aussi sont inspirantes...

Lison Bornot : « Je veux mettre en avant l’Ultimate. C’est lui qui m’anime. »

Lison Bornot : « Je veux mettre en avant l’Ultimate. C’est lui qui m’anime. »

Avec sa sœur Éva, elle truste les premières places depuis 2015 en Ultimate. Membre essentiel de l’équipe de France, Lison Bornot est Championne d’Europe outdoor 2023 et championne du monde d’Ultimate sur sable 2023. La voici maintenant en piste pour les World Games, l’antichambre des JO, qui se déroulent en Chine, du 7 au 17 août 2025. Témoignage d’une fille pétillante devenue l’une des ambassadrices françaises d’un sport trop peu connu.

Lire plus »
Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

En à peine trois ans, cette passionnée de vélo a décroché un podium sur 500 kilomètres et bouclé sa première course d’ultra, la fameuse BikingMan, en tant que première féminine. Carburant aux défis, pédalant sans relâche, surmontant tous les obstacles grâce à un mental d’acier, la Savoyarde n’a pas fini d’enfiler les kilomètres dans ce sport de l’extrême. En piste !

Lire plus »
Emelyne Heluin: « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Emelyne Heluin : « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Gymnaste jusqu’à son adolescence, Emelyne Heluin a dû raccrocher le justaucorps après une prise de poids inexpliquée et d’autres symptômes invalidants. Diagnostiquée d’une maladie endocrinienne chronique et évolutive, le SOPK, à l’âge de 17 ans, elle erre pendant des années entre perte de confiance en elle et détresse psychologique avant de retrouver le chemin du sport comme outil de santé. Ce sera la marche, puis la course à pied jusqu’à se lancer sur des marathons.

Lire plus »
Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève, jusqu’à avoir la peau en sang ! »

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève… »

Tombée dans la marmite du sport toute petite, Loïs, 17 ans, est une sportive tout-terrain qui n’a peur de rien et surtout pas des garçons sur un terrain de foot ou un ring de boxe. Future pompier professionnel, elle s’essaye autant au wakeboard ou au ski qu’au tennis et à l’escalade, histoire de s’éclater et de se préparer à s’adapter à toutes situations. Une tête bien faite dans un corps surentraîné.

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Claire la sirène

Sport de sirène : enquête sur une vague déferlante

Dans la famille natation, je demande le dernier-né palmé : le “mermaiding“ ou comment nager comme une sirène. Désormais reconnu comme une activité sportive, à l’enseignement encadré, il prend dans ses filets de plus en plus d’adeptes heureux de plonger dans leurs rêves d’enfant. Immersion toute !

Lire plus »
Héloïse Courvoisier, la para-triathlète guidée par l’amour

Héloïse Courvoisier, la para-triathlète guidée par l’amour

C’est une histoire digne d’une comédie romantique. Déficiente visuelle et championne d’aviron, Héloïse Courvoisier se lançait, il y a quatre ans, dans le para-triathlon en rencontrant son compagnon Thibaut Rigaudeau, lui aussi malvoyant, adepte de la discipline. Le scénario fait rêver, surtout lorsqu’on apprend que c’est également un couple qui les guide… L’aventure de ces Jeux Paralympiques de Paris se vit doublement pour ces duos en miroir. Moteur… action !

Lire plus »
Capucine : « Être entre filles nous permet d’oser nous lancer. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une pionnière de la planche, une fille de la glisse qui n’a peur de rien (Capucine avec ses copines les Shreddeuses sur notre photo), un récap’ de l’Euro de hand, une runneuse toujours ÀBLOCK! (même en diagonale) ou une Question qui tue spécial insomniaques… C’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!

Lire plus »
La question qui tue

Pourquoi, le soir, je suis ballonnée ?

Cette question qui tue, on nous l’a posée plusieurs fois. Genre, des sportives et des pas (toujours) sportives, si si ! Il semblerait que gonfler le soir venu soit malvenu. Et que ça concerne aussi celles qui font leurs abdos consciencieusement. Parce que (hey, on vous le dit, là, tout de suite, ça a pas forcément à voir). Alors, on va tenter une réponse avec notre coach, Nathalie Servais. Mais, on est d’accord qu’on n’est pas gastro, hein ?

Lire plus »
Noa Diorgina, la prodige au rêve olympique

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une course pour les amoureux de l’inclusivité, une histoire qui mène au sommet, une autre sur les hauteurs urbaines, des kids et un sélectionneur on ne peut plus ÀBLOCK!, c’est le meilleur de la semaine !

Lire plus »
Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

En à peine trois ans, cette passionnée de vélo a décroché un podium sur 500 kilomètres et bouclé sa première course d’ultra, la fameuse BikingMan, en tant que première féminine. Carburant aux défis, pédalant sans relâche, surmontant tous les obstacles grâce à un mental d’acier, la Savoyarde n’a pas fini d’enfiler les kilomètres dans ce sport de l’extrême. En piste !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner