« Ma mère était championne de France de kayak, mon père maître-nageur, j’ai toujours été encouragée à faire du sport. Je jouais à la poupée avec ma sœur sur les abords des terrains de tennis où nos parents tapaient dans la balle. J’ai vite eu envie moi aussi de le pratiquer.
Puis, ça s’est enchainé : j’ai été repérée par un entraîneur de la ligue, je pratiquais dix heures de tennis par semaine, j’ai été classée dans les 30 meilleures Françaises junior.
Pour autant, même si j’ai toujours adoré la competition, je n’ai jamais eu l’ambition de devenir joueuse professionnelle, j’ai rapidement voulu entraîner, vivre cette compétition côté coulisses.
Je suis partie à 18 ans en fac de sport, ce qu’on appelle STAPS, puis j’ai intégré l’INSEP, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance. J’ai poursuivi ma formation là-bas pour être préparateur physique de haut niveau.
Ma première mission, en 2011, a été de préparer l’équipe de France d’escrime masculine pour les JO de Londres.
« J’ai reçu un super accueil de la part des escrimeurs, pas de misogynie, pas de machos ! »
L’INSEP souhaitait une femme pour tester une autre approche d’entraînement. Ce n’était pas évident dans un métier qui touche au corps, mais ils ont fait ce pari. Pari réussi, j’ai reçu un super accueil, pas de misogynie ni de machos !
Je n’ai pas ressenti de différences entre le fait d’entraîner une femme ou un homme, car tu t’intéresses uniquement à la performance.
Le plus complexe est de gérer la pression des JO. On attend beaucoup de toi : pour les athlètes, c’est l’objectif de toute une vie. Malheureusement, nous n’avons pas eu les résultats escomptés aux JO…
« Quand j’ai dû entraîner l’équipe de France de tir, je me suis sentie moins à ma place. C’est un milieu assez fermé, où l’on vit entre mecs…»
Parallèlement, j’entraînais la n°1 du badminton français, Hongyan Pi, également à l’INSEP. C’était très différent car Hongyan allait participer à sa dernière compet, elle devait finir en apothéose.
Or, elle avait le corps abîmé. Depuis ses 8 ans, elle faisait trente heures de sport par semaine. Je devais donc la préparer sans la blesser et elle avait un sacré caractère ! C’était plus dur de l’entraîner elle que toute l’équipe d’escrimeurs !
Ma dernière mission avec l’INSEP a été avec l’équipe de France masculine de tir, à partir de 2012.
Un milieu assez fermé, où l’on vit entre mecs, moins ouvert à la nouveauté, des façons de travailler différentes des miennes… J’avoue, je me sentais moins à ma place, moins légitime, moins acceptée que dans l’escrime, et la relation entre entraîneurs et entraînés est primordiale, sinon ça ne marche pas.
A un an des JO de Rio, en 2015, j’ai fait un burn out. Je travaillais trop, je me mettais trop la pression. Mon but était alors de fonder une famille et c’est compliqué d’être entraîneur de haut niveau quand tu es une femme.
Tu bosses tout le temps, les jours fériés, les week-ends, tu cales tes vacances en fonction des compet, tu vis pour tes athlètes. Et si tu n’as pas de résultats, tu te fais virer.
« J’ai dû faire un choix : ma carrière ou ma vie de femme. »
C’est un travail exigeant et c’est normal car on est dans le haut-niveau, mais ce n’est pas compatible avec le fait de vouloir des enfants.
J’ai dû faire un choix : ma carrière ou ma vie de femme. J’avais 28 ans. Je commençais à être usée mentalement, j’avais besoin de faire une pause, de souffler.
J’ai quitté l’INSEP et j’ai rejoint mon compagnon entraineur de ski à Serre Chevalier, dans les Hautes-Alpes.
Ça a quand-même été dur pour moi de partir, mais aussi pour les joueuses que j’entraînais. L’une de ces joueuses est d’ailleurs la marraine de mon fils Sacha, preuve de la relation particulière qu’on peut parfois entretenir avec ses athlètes…
J’ai complètement changé de vie, j’ai eu ma fille pendant les JO, c’était encore plus beau que d’entraîner des athlètes ! Après la naissance de mon deuxième enfant, ça m’a repris, j’ai eu envie d’entraîner de nouveau, c’est un virus cette carrière !
Mais aujourd’hui, je suis plus en amont, je m’occupe de la relève. Je prépare physiquement des jeunes espoirs du ski de moins de 16 ans. La plupart sont en sport étude, dans le but d’être sportifs professionnels plus tard.
Je suis également coach pour des sportifs amateurs, ils sont sacrément motivés et c’est vraiment passionnant.
Je joue moins au tennis, c’est plutôt course, ski, musculation, mais je ne lâche pas le sport, autant par plaisir que pour conserver un bon niveau physique : quand je pars courir avec des athlètes, je dois avoir le niveau pour les suivre.
Et puis, il y a les enfants… Ma fille de 3 ans adore faire du sport avec moi. La relève est assurée ! »