Héloïse CourvoisierLa para-triathlète guidée par l’amour

Héloïse Courvoisier, la para-triathlète guidée par l’amour
C’est une histoire digne d’une comédie romantique. Déficiente visuelle et championne d’aviron, Héloïse Courvoisier se lançait, il y a quatre ans, dans le para-triathlon en rencontrant son compagnon Thibaut Rigaudeau, lui aussi malvoyant, adepte de la discipline. Le scénario fait rêver, surtout lorsqu’on apprend que c’est également un couple qui les guide… L'aventure de ces Jeux Paralympiques de Paris se vit doublement pour ces duos en miroir. Moteur… action !

Par Claire Bonnot

Publié le 02 septembre 2024 à 10h28, mis à jour le 09 septembre 2024 à 17h28

« Pouvoir montrer qu’on peut quand même faire des trucs cool ». C’est le souhait d’Héloïse Courvoisier, para-athlète française qui en met plein les yeux et fera assurément le show ce 2 septembre 2024 pour le para-triathlon féminin catégorie « déficient visuel ». À 27 ans et seulement quatre ans après avoir débuté dans la discipline, elle se place dans le Top 10 des meilleures para-athlètes de la planète.

Pour ses derniers championnats d’Europe – à Madrid, en 2023 – Héloïse Courvoisier s’est, en effet, offert le 6e rang mondial. Mais qui est cette étoile filante du para-athlétisme français ? Sans aucun doute, une sacrée battante, douée d’un optimisme à toute épreuve.

©Héloïse Courvoisier/Facebook

La petite Héloïse naît en 1997 avec un rétinoblastome, un cancer de la rétine d’origine génétique : « On m’a diagnostiqué dix-huit tumeurs et récidives de tumeurs dans les deux yeux entre mon sixième jour, à l’été 1997, et mes 18 mois », explique celle qui a été soignée à l’Institut Curie. Concrètement, cela signifie : une vision fortement diminuée lorsque la lumière varie et donc une impossibilité de courir à la nuit tombée ou de pratiquer le vélo sans compagnon de tandem, par exemple.

Pour autant, elle se met vite au sport, l’endroit idéal selon elle pour s’épanouir quand on est en situation de handicap : « Le sport m’a permis de m’exprimer car c’est un espace où les différences n’existent plus ».  Malgré les épreuves au quotidien, Héloïse Courvoisier fait de son handicap une force, sa force : « J’ai été habituée à surmonter les difficultés, c’est dans mon éducation de fille de non-voyant. Dans mon quotidien, mon handicap n’est pas un frein. »

Et surtout, en se dépassant chaque jour, elle explique avoir transformé sa vie en une « expérience incroyable ». Un mental de championne, déjà !

©Héloïse Courvoisier/Facebook

Avant de s’élancer sur la piste du para-triathlon, ce petit bout de femme pratiquait l’aviron, à haut niveau. La prépa idéale pour son nouveau sport ? Ils ont un fort point commun, admet-elle car « il faut aimer se faire mal ! ».

Bref, Héloïse Courvoisier était parée à virer vers une discipline à l’exigence absolue… Et c’est finalement l’amour qui lui offrira la révélation de son talent pour le para-triathlon. En 2016, à Paris, alors qu’elle étudie à l’institut de formation en masso-kinésithérapie, elle croise un autre déficient visuel, Thibaut Rigaudeau. Ils sont tous deux atteints d’une maladie génétique affectant leur vue. Ils sont tous deux atteints par la passion du sport. Elle en aviron, lui, en football – il a été un membre de l’équipe de France de cécifoot de 2011 à 2014 – et en athlé.

C’est une évidence : ils se tombent dans les bras. Alors quand son cher et tendre se spécialise en para-triathlon en 2018 et déniche le guide parfait en 2019 – Cyril Viennot, champion du monde longue distance en 2015 et grand nom de la discipline, les roues du destin s’enclenchent. Le tandem est parfait entre les deux hommes qui enchaînent belles performances et médailles (4e place aux JOP de Tokyo) et deviennent même amis !

©Héloïse Courvoisier/Facebook

En juillet 2020, Héloïse Courvoisier rejoint alors son compagnon en stage dans le Jura. Elle y rencontre son guide et la femme de ce dernier, Anne Henriet, une ancienne triathlète. Tiens donc ! C’est au même moment que Thibaut offre un tandem à Héloïse. Ni une ni deux, elle l’essaye avec Anne, connaisseuse en la matière. Et la magie (de la vie) prend.

Trois semaines après leurs premiers essais, les deux sportives se prennent au jeu et décident de faire les championnats de France 2021 ensemble. Comme un défi… qui devient vite très sérieux. Le duo inattendu termine à la deuxième place, rien que ça ! « Ma femme s’est remise à fond à l’entraînement vers cet objectif, explique Cyril. Avec même un niveau supérieur à celui qu’elle avait quand elle faisait de la D2-D1. Héloïse est partie d’une feuille blanche. Elle ne nageait pas, ne roulait pas du tout et courait peu. »

Héloïse Courvoisier intègre l’équipe de France en avril 2022 et décroche son premier podium (3e place) en Coupe du monde en octobre 2022. La suite des résultats confirme que c’est une affaire qui roule : Héloïse Courvoisier se classe sixième des championnats du monde en novembre 2022 à Abu Dhabi puis en seconde place sur le podium lors de la Coupe du monde de Besançon en juin 2023 à seulement 11 secondes de l’autre binôme tricolore et, enfin, sixième aux Championnats d’Europe de Madrid en 2023.

©Héloïse Courvoisier/Facebook

Comment se passe cette collaboration entre les deux femmes ? Aussi bien que celle de leurs compagnons. Quelle belle histoire de sport ! Pour l’épreuve de natation, un lien élastique relie la guide et la para-athlète au niveau de la cuisse. Attention les bleus, cependant ! « Parfois, on se nage un peu dessus (…) Elle m’a mis des gros coups pendant toute la natation. Mais ça fait partie du jeu », racontait Héloïse au monde.fr. Pour la partie cyclisme, la rapidité est de mise et les loupés peuvent être à prévoir : « Parfois, je ne saute pas sur la selle. J’espère que ça n’arrivera pas le 2 septembre ».

Et maintenant, cap sur les Jeux Paralympiques de Paris, en duo, et même, en quatuor. L’histoire est trop belle. Les deux binômes, Thibaut Rigaudeau et son guide Cyril Viennot et Héloïse Courvoisier et son guide Anne Henriet, vont s’élancer sur la même piste, celle de l’arène paralympique.

Un « joyeux ménage à quatre » en tout bien tout honneur, comme s’amusent à l’écrire les observateurs !

©Héloïse Courvoisier/Facebook

« C’est particulier et important pour nous de participer à ces Jeux en couple. Comme nous faisons la même chose, nous nous comprenons mieux et nous pouvons nous entraîner ensemble. C’est une source de motivation supplémentaire », racontaient-ils à La Voix du Jura. Le scénario idéal ? « Avoir tous une médaille », répond Cyril au figaro.fr.

La girls team fait son baptême paralympique, au contraire des mecs qui, à une place du podium olympique à Tokyo, visent au moins une médaille de bronze cette fois. Héloïse Courvoisier et Anne Henriet sont championnes de France en titre et elles ont décroché deux médailles de bronze à l’été 2023 sur les WTPS de Montréal et de Swansea. Leur objectif ? Il était déjà de se qualifier aux Jeux paralympiques. « Si on arrive à accrocher un Top 5, ce sera une bonne course. On sera très contentes. »

Au programme : 750 mètres de natation, suivi d’un circuit de 20 km à vélo, puis de 5 km de course à pied dans les rues de Paris. À vélo, Héloïse et Ann rouleront en tandem. À la course et à la nage, elles seront reliées par une corde élastique.

©Héloïse Courvoisier/Facebook

Durant sa préparation pour Paris 2024, Héloïse Courvoisier a jonglé entre ses entraînements à la piscine Keller, ceux sur la piste d’athlétisme de l’hippodrome d’Auteuil, ses stages avec l’équipe de France et son emploi de kiné au Centre médico-social Lecourbe de la Fondation Saint-Jean-de-Dieu, où elle s’occupe d’enfants de 5 à 16 ans tous en situation de handicap moteur. Autant dire qu’elle a une énergie sans limite.

Le mot de la fin avant que la championne ne se jette à l’eau ? « Je vais donner le meilleur de moi-même, dit-elle à lanouvellerepublique.fr, sachant que le 2 septembre ce n’est pas non plus une fin, la saison de compétition se poursuivra avec les championnats d’Europe dès fin septembre ».

C’est vrai, mais ce lundi 2 septembre, la légende sera en marche, que dire, en course, pour voir partir, sous le pont Alexandre III deux tandems reliés par l’amitié, l’amour et la passion du sport. Quelle affiche ! Digne du scénario idéal…

©Héloïse Courvoisier/Facebook

Ouverture ©Héloïse Courvoisier/Facebook

Vous aimerez aussi…

Emmanuelle Bonnet-Oulaldj : « Ma candidature au CNOSF contribue à faire bouger les lignes. »

Emmanuelle Bonnet-Oulaldj : « Ma candidature au CNOSF contribue à faire bouger les lignes. »

Elle avait déjà candidaté, en 2021, à la présidence du Comité national olympique et sportif français. Après la démission de Brigitte Henriques, la co-présidente de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail reprend son bâton de pèlerin pour tenter, de nouveau, de convaincre qu’elle a les épaules. Interview avec celle que l’on présente comme l’outsider de cette élection qui aura lieu le 29 juin prochain.

Lire plus »
Manaé Feleu : « Quand t'es une fille et que tu dis que tu joues au rugby, on te répond que c’est un sport de brutes . »

Manae Feleu : « Quand je dis que je joue au rugby, on me répond que c’est un sport de brutes . »

Elle mène de front études de médecine et sport de haut niveau. Manae Feleu, 22 ans, a fait ses premières passes au ballon ovale à Futuna avant de tenter l’aventure sur le continent. La deuxième ligne des Amazones de Grenoble, cinq sélections en équipe de France A, n’a qu’un souhait : continuer à tout mener de front et être championne du monde de rugby en 2025. Rencontre.

Lire plus »
Marie-Antoinette Katoto, droit au but

Marie-Antoinette Katoto, droit au but

« Une tueuse devant les buts », selon ses coéquipières. Et c’était le cas lors du premier match de l’équipe de France ce 10 juillet contre l’Italie. Marie-Antoinette Katoto qui compte plus de cent buts à son actif a fait le job. Pour l’attaquante du PSG qui avait souffert de ne pas avoir été retenue en sélection pour la dernière Coupe du Monde en 2019, l’Euro sonne comme une revanche.

Lire plus »
Le sport feminin

La laborieuse ascension du sport féminin

Le sport féminin est-il en danger ? Malgré les efforts entrepris depuis une trentaine d’années pour plus d’égalité en matière de pratique sportive, la situation n’évolue que doucement. La pandémie de Covid-19 n’a pas arrangé les choses. Ce serait même tout le contraire.
Décryptage avec Carole Gomez, directrice de recherche en géopolitique du sport à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et autrice d’un rapport intitulé : « Sport mondialisé : les défis de la gouvernance ».

Lire plus »
Anouk Garnier : « En grimpant la Tour Eiffel à la corde, je ne serai plus seulement “unstoppable“ mais monumental. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une gymnaste qui a dépassé la dépression et les embûches pour mieux performer, une warrior qui a passé la corde au cou à la Tour Eiffel (Anouk Garnier sur notre photo) ou encore une nageuse ambitieuse et une runneuse qui nous emmène dans les coulisses de sa vie, c’est le meilleur d’ÀBLOCK!

Lire plus »
Angely Bouillot : « Je suis juste une nana qui est allée au bout de son rêve »

Angely Bouillot : « Je suis juste une nana qui est allée au bout de son rêve. »

Elle a posé, temporairement, kitesurf et bagages en Afrique du Sud. Angely Bouillot a la bougeotte et ce n’est pas nouveau. La rideuse lyonnaise, qui a débuté par le ski, fonctionne, depuis toujours, à l’instinct, à l’envie, et ça lui réussit. Première femme invitée à participer au Red Bull King of the Air, elle pourrait, sous peu, reprendre la route et mettre le cap plus au Nord, sur l’Alaska et le Groenland pour d’autres aventures. Rencontre avec une kitesurfeuse qui manque de tout, sauf d’air !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner