« À l’école, je faisais tout pour ne pas faire de sport. J’étais asthmatique, j’étais dispensée, et ça m’allait très bien !
À 24 ans, j’étais en vrac : des maux de dos, mal à la nuque… Être toujours devant l’ordi, ça ne pardonne pas !
Ce fut une évidence : « Il faut que je fasse un peu de sport. » J’ai enfilé des baskets et je suis allée courir.
Me mettre à la course avec mon asthme, ce fut un défi. Je l’ai relevé : j’ai bouclé mes premiers 5km puis je les ai enchaînés, et au bout de deux ans, j’en étais à 21km.
Ajouté à quelques séances de renforcement musculaire le matin, j’ai vite commencé à en ressentir et à en voir les effets.
« J’avais été victime d’une agression sexuelle dans le métro qui m’avait mise en colère. Contre moi-même. Car je n’étais pas capable de me défendre. »
Je me préparais à faire un semi-marathon, mais ça s’est passé autrement : je me suis inscrite dans un club de boxe.
Ça faisait un moment que je pensais à pratiquer un sport de combat, mais je ne m’en sentais pas capable.
Et puis, ça a fait son chemin. Je me suis dit : on y va ! C’était le moment.
J’avais été victime d’une agression sexuelle dans le métro qui m’avait mise en colère. Contre moi-même. Car je n’étais pas capable de me défendre. Et je venais de vivre une séparation amoureuse très douloureuse.
Ça faisait beaucoup, je me sentais désemparée.
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A Paris, je suis donc entrée dans une salle de boxe. J’avais dans l’idée de m’inscrire à un cours pour femmes, mais ils ne proposaient que des cours mixtes. Je me suis pointée quand même et ça m’a plu.
Assez vite, j’y suis allée au moins trois fois par semaine, parfois deux fois par jour, c’était complémentaire avec la course.
Je suis passée du rien au tout. Mais j’ai toujours fait attention de ne pas faire du sport au détriment de mes autres activités, ça ne prend pas toute la place dans ma vie. C’est important à dire car la bascule entre épanouissement et addiction est très fine.
Ce qui m’intéresse dans la boxe, c’est la confrontation, le fait de prendre des coups, de devoir en donner. J’étais terrifiée au début, mais la peur te fait plus de mal que le coup en soi, il faut la dépasser.
« Je suis plus sereine depuis que j’apprivoise la peur. »
La boxe te donne la possibilité d’exprimer ta combativité, d’expérimenter le rapport à l’autre. Je voulais aussi ne plus être une victime, pouvoir réagir pour me protéger si j’étais encore confrontée à une agression, pouvoir courir vite, me défendre. Je suis plus sereine depuis que j’apprivoise la peur.
On m’a dit : tu vas maigrir des seins, te faire casser le nez ; on m’a dit que j’allais perdre de la valeur sur le terrain de la séduction, mais c’est faux, très culpabilisant, très enfermant.
« Le rapport au corps est décisif dans le sport, la femme n’a pas sa valeur comme objet de désir. »
Mon corps s’est modelé à son rythme, je ne suis pas trop musclée, je me sens bien.
Le rapport au corps est décisif dans le sport, la femme n’a pas sa valeur comme objet de désir. On oppose souvent la boxe et la féminité… mais ce n’est pas ça, il faut sortir des stéréotypes.
Le seul moment peut-être où tu es confrontée à ton genre, c’est lorsqu’un mec combat contre une fille et qu’il essaye de ne pas taper dans les seins. Sinon, homme comme femme, c’est pareil. Tu te rends compte que c’est plutôt une question de caractère ou de personnalité, une question de fluidité dans le jeu, d’être à l’aise ou pas.
Quant à savoir si une femme préfère combattre contre une femme que contre un homme, je ne crois pas que ce soit important. En tout cas, pour la plupart des boxeuses que je connais. Mais l’inverse… Pour certains mecs, on a parfois l’impression que combattre contre une fille, c’est un peu dévalorisant.
Le Podcast « Premier crochet », je l’ai créé pour raconter tout ça. Pour aller à la rencontre d’autres pratiquantes de sports de combat, en commençant par la boxe, un lieu d’énorme brassage culturel, où l’on se trouve à discuter avec des gens très différents de soi. Ça t’apporte une lucidité sur ce que tu es et ce que tu vis.
J’ai choisi de donner la parole à des femmes car les injonctions envers nous s’expriment encore trop facilement, nous les subissons énormément. Il faut décrypter et détricoter les stéréotypes.
« On prend un plaisir intense à pouvoir lâcher les chiens, à oser frapper. »
Et puis, je trouve que toutes les pratiquantes de boxe ont des choses en commun : comme moi, elles prennent un plaisir intense à pouvoir lâcher les chiens, à oser frapper, ça donne envie de les écouter.
Mais la façon dont les normes de la masculinité s’articulent avec la boxe m’intéresse aussi. Parce que c’est humain que tu aies envie de chialer après ton premier coup et ça peut aussi être le cas pour un mec. J’aimerais ouvrir mon micro à un homme qui ose le dire.
J’aime le podcast, car nous ne sommes pas dans l’image, il est plus facile de libérer la parole. C’est pourquoi, généralement, je n’affiche pas les visages des femmes que je rencontre : sur les photos, ils restent dans l’ombre. C’est le cas pour moi aussi, je me livre dans le premier épisode et c’est un exercice assez délicat.
C’est simple, Premier Crochet est un podcast qui veut donner de la visibilité à la voix.