Angeline Berva « J'adore être une Strongwoman, c'est du 100 % plaisir ! »

Angeline Berva : « Le Strong, c’est soulever n’importe quoi, n’importe où, n’importe quand !
Elle est la femme la plus forte de France. Les 12 travaux d’Hercule, c’est un peu la vie sportive d’Angeline Berva, 30 ans, strongwoman et fière de l'être. Son truc, c’est de soulever des poids mais pas seulement, les voitures aussi. Rencontre avec une force (tranquille) de la nature.

Par Claire Bonnot

Publié le 14 avril 2025 à 7h17, mis à jour le 14 avril 2025 à 10h39

Tu viens de participer, pour la première fois, aux Arnold Classic 2025 à Columbus, soit la 36e édition de l’Arnold Sports Festival qui se déroulait du 29 février au 3 mars 2024. Est-ce que c’était une consécration pour toi ?

Aux Arnold, ils ont plusieurs manches et, là, c’était le World Championship, donc oui c’était un sacré rendez-vous pour moi ! Cette compétition fait partie des plus belles du Strong. Pour y aller, il faut se qualifier. Comme j’avais fait un top 5 aux championnats du monde du Official Strongman Games, j’avais ma qualification d’office. J’ai fini deuxième de ma catégorie, U82, et j’ai fait un record sur le log lift. Mon maximum était de 100 kilos, j’ai ajouté deux kilos.

Tu es donc montée d’un palier, tu es TOP 2 mondial ?

D’une certaine façon, pour les Arnold, en tout cas.

©️Angeline Berva

La question, c’est comment devient-on une « strongwoman ». Quand tu étais petite fille, tu voulais déjà être une superwoman ?

Disons que j’ai toujours fait du sport : j’ai commencé par l’équitation, avec le saut d’obstacles puis le dressage, et j’ai continué avec la boxe, le bodybuilding et la force athlétique. J’ai toujours été une compétitrice dans l’âme. Parce que dans ma vie de tous les jours, je suis une mauvaise perdante !

©️Angelina Berva

À quel moment rencontres-tu le Strong, un sport méconnu et peu commun ?

Ça s’est fait assez récemment et un peu par hasard, il y a environ quatre ans. En force athlétique, j’ai rencontré un athlète qui faisait du Strong. Et c’est lui qui m’a proposé de faire une initiation à ce sport. J’ai tout de suite adoré.

©️Angeline Berva

Pourquoi tu as adoré ?

Ce qui m’a plu, c’est la diversité offerte par ce sport, parce que je suis quelqu’un qui se lasse super vite. Mais aussi le défi et puis le petit côté spectacle. Soulever une voiture, ça envoie du fun direct ! Et l’ambiance autour est très sympa, ça galvanise. C’est une sorte de performance.

Comment tu gravis les échelons jusqu’à te hisser au top du top de la discipline chez les femmes ?

Je me suis très vite inscrite aux compétitions. En France, il y a des compétitions amateurs et des compétitions élites. Les premières permettent de tester les mouvements, c’est assez accessible, donc ça aide pas mal à progresser.

©️Angelina Berva

Les épreuves du Strong, c’est un peu les travaux d’Hercule…

Au Strong, notre défi, c’est de soulever n’importe quoi, n’importe où et n’importe quand ! Si demain, en compétition, il est décidé que nous devons soulever un canapé, eh bien, on s’y mettra. Ils peuvent inventer quelque chose à chaque épreuve. Après, il y a forcément les grands mouvements du Strong, comme le soulevé de terre, les sandbags, le loglift, les stones, le farmer walk ou le yoke mais aussi du tirage de camions, du soulevé de voitures, il va y avoir plein de choses comme ça. Mais à chaque épreuve, ils peuvent inventer quelque chose.

©️Angeline Berva

Dans tout ça, quel est ton exercice favori ?

Moi, ça va être les farmer et le car deadlift, le soulevé de voitures. Parce que c’est là où je vais être la plus forte au niveau de la prise.

Comment as-tu la force mentale de soulever de tels poids, de souffrir autant, qu’est-ce qui te drive ?

C’est vraiment juste parce que j’aime ça, c’est ça ma motivation. Je m’entraîne énormément à côté. Mais c’est vrai que pour certains mouvements, comme les tirages de camions, il n’y a pas d’entraînement possible. On le fait le jour de la compétition ! Et puis moi, je suis le genre de personne à ne pas aimer quand on me dit : « Il faut prendre du repos avant la compétition ». Si je me repose, je m’embête… Il me manque toujours quelque chose.

Qu’est-ce qui se passe dans ta tête quand tu es en plein soulevé ?

C’est vraiment le truc de me dire : « Je vais le faire ». Je suis à fond dans le dépassement de moi-même. Et après, c’est la sensation que ça procure une fois qu’on l’a fait.

©️Angeline Berva

Le truc le plus dingue que tu aies soulevé ?

Aux derniers championnats du monde, on devait marcher à l’intérieur d’une voiture. Ils avaient découpé une voiture dans laquelle ils avaient déposé une barre. On devait la soulever et marcher avec. Et bon, on ne peut pas s’entraîner à faire ça… Ou sinon, avoir soulevé des fûts de bière pour les faire passer à plus d’un mètre vingt, au-dessus d’une barre.

Ce sport te démontre que tu es puissante littéralement. C’est ça que tu ressens intérieurement ?

Je sens que j’arrive à m’adapter quelle que soit l’épreuve. Donc, oui, c’est powerful !

©️Angelina Berva

Comment tu gères la peur potentielle de te blesser ? Parce que ce sport, c’est un peu comme partir au combat.

Alors, je croise les doigts parce que je ne me suis jamais blessée dans mon sport. Absolument jamais. Parce que je suis quelqu’un qui fait très attention à mon échauffement. Si on a la bonne position et le bon gainage, on a peu de risques de blessure. Moi, je suis plutôt du genre à me blesser en me tordant la cheville dans la rue, sur le trottoir, car je ne fais pas attention à ce que je fais …

©️Angeline Berva

Y’a-t-il eu, à un moment de ta carrière, un moment difficile qui a failli te faire arrêter et qui t’a finalement permis de retrouver la flamme ?

Alors, c’est vrai que l’année 2024 a été une renaissance pour moi. Parce qu’en 2023, j’avais réalisé tout ce que je pensais pouvoir être capable de faire et je pensais avoir atteint ma limite dans le strong. J’avais comme objectif de me qualifier aux championnats du monde. C’était le top du top parce qu’il y a énormément d’athlètes chaque année qui essaient de se qualifier et qui n’y parviennent pas. Il faut être dans le top 10 des qualifications en ligne pour être retenu, c’est super dur de se qualifier. On n’était que deux Français finalement ! Et j’ai fini douzième. Je ne voyais pas comment donner plus que ce que j’avais donné. Et les Américaines étaient clairement loin devant…

Mais l’année 2024 m’a réservé de belles surprises. Notamment, lors d’une compétition à Singapour à laquelle j’ai été invitée. On était les meilleurs de chaque pays. Et il n’y avait pas de catégorie chez les femmes. Contre toute attente, j’ai gagné cette compétition. Je ne m’attendais même pas à faire un podium ! Il y avait beaucoup de filles plus lourdes que moi, je crois bien que j’étais l’une des plus légères. Ça m’a donné la pêche pour retenter les championnats du monde. J’ai fait une quatrième place. J’ai bien fait de tenter ! Et je me rends compte que je continue toujours de progresser.

Quelles sont tes forces, justement, dans le Strong ?

Je suis hyper déterminée. Et je suis assez régulière sur quasiment toutes les épreuves en compétitions. C’est ça qui me permet de battre des filles plus fortes que moi, parce qu’en additionnant les épreuves, je me maintiens toujours dans le Top 10.

Dans le Strong, si une fille fait première puis 40e, elle perd tous ses points d’un coup. Alors qu’en faisant deuxième à chaque épreuve, on peut très bien finir première à la fin de la compétition.

D’ailleurs, quel est ton degré d’entraînement ?

C’est du 6 jours sur 7, environ 2 heures par jour. Je fais un mouvement polyarticulaire lourd dans ma séance : ça peut être le log, le soulevé de terre ou le squat par exemple. Et après, je fais des mouvements de renforcement.

©️Angelina Berva

Est-ce que tu es entourée de coachs ou d’entraîneurs ?

Pas du tout, je m’entraîne toute seule. Et comme il n’y a pas vraiment de salles de sport de Strong, j’ai fini par acheter pas mal de matériel que je stocke dans une salle de CrossFit. En France, c’est plutôt courant de s’entraîner seul, mais en Angleterre, Australie, Canada ou aux États-Unis, c’est pas la même… La pratique de ce sport est hyper développée : ils ont des salles énormes et des entraîneurs.

Ça joue sur les performances en compétition, non ?

Ah oui bien sûr, ce sont toujours ceux qui sont les plus forts. Généralement, ils sont hyper suivis : ils ont la totale, un coach nutrition, un coach sportif et un coach mental.

©️Angeline Berva

En même temps, la discipline est récente et peu développée en France.

En fait à l’international, ce sont d’énormes organisations privées qui créent de grosses compétitions comme OSG, Arnold…

En France, ce sont des associations qui tentent de développer le Strong et les compétitions, mais il n’y a pas beaucoup d’argent. Au niveau des participants, ça augmente chaque année, mais on est peu nombreux par rapport à d’autres pays. Quand j’ai commencé, je crois qu’il n’y avait qu’une catégorie pour les femmes en France par exemple. Les catégories de poids et de niveau Amateurs/Élites sont arrivées après.

©️Angeline Berva

Pour une femme, c’est comment d’être au milieu des « hommes les plus forts du monde », littéralement ?

C’est vrai que ce sont toujours les hommes qui sont mis en avant dans ce sport, ce sont eux qu’on voit à la télé. Mais il faut savoir qu’il y a aussi des petites catégories hommes, les hommes légers, qui ne sont donc pas très visibles comme les femmes parce qu’on associe ce sport aux poids lourds, aux statures impressionnantes.
Aujourd’hui, en France, il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes, chaque catégorie a son importance, les femmes sont très bien intégrées.

©️Angeline Berva

Tu es la « femme la plus forte de France » et l’une des pionnières de cette discipline dans l’hexagone. Est-ce que c’est important pour toi de tracer la voie pour la prochaine génération de strongwomen ?

Ça me fait toujours plaisir quand il y a des femmes qui me disent que je les motive à faire de la force ou du Strong. Parce que, pour moi, tout le monde peut en faire quel que soit l’âge, le sexe, le poids ou le niveau.

©️Angelina Berva

Une sportive qui t’inspire particulièrement ?

Mélissa Peacock, dans le Strong, parce qu’elle est l’une des seules femmes les plus fortes dans les Élites qui concourent avec les Open à un poids relativement léger, dans les 82 kilos. Ça me permet de me dire que c’est possible pour moi !

Donc le Strong démonte tous les clichés, c’est parfait pour faire bouger les lignes ça…

Carrément ! Il n’y a aucune barrière à l’entrée avec ce sport. Aujourd’hui, n’importe quelle femme en France peut venir participer à une compétition. En plus, la satisfaction est énorme après coup, le fun est au rendez-vous, c’est du 100 % plaisir.

©️Angeline Berva

Autre cliché que tu veux balayer : manger de la viande n’est pas forcément synonyme de force !

Oui, je suis vegan depuis des années, j’ai commencé à 17 ans. Alors que j’étais une bonne mangeuse de viande. Mais j’ai toujours été une « Brigitte Bardot », j’ai toujours recueilli des animaux : des chats, des chiens, des lapins… Je ne comprenais pas comment on pouvait continuer à traiter les animaux comme ça dans notre société et j’ai décidé, sur un coup de tête, d’arrêter de manger de la viande ou du poisson, entre autres.
Tout le monde l’a pris pour un caprice d’ado, c’était peut-être le cas, mais je n’ai jamais lâché. J’ai commencé à me forger une vraie culture de l’alimentation.

Ton rêve aujourd’hui, c’est quoi ?

Vivre du Strongman, bien sûr !

  • Ici, ça soulève du lourd, c’est le compte Insta de Angeline Berva
  • Le palmarès de Angeline Berva : Quadruple championne de France Strongwoman / Championne du monde au Static Monsters / Vice-championne du monde des Arnolds / Actuellement classée 4e femme la plus forte au monde dans la catégorie U82.
Ouverture ©️Angelina Berva

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