Simone Thiero « J'ai caché mon handicap car on est vite catalogué dans le monde du sport. »
Handballeuse française qui a compté sur le terrain, en France comme à l’international, Simone Thiero, aujourd’hui graphiste et mannequin, remet la balle au centre avec un livre témoignage dans lequel elle révèle son handicap. Rencontre avec une trentenaire en pleine acceptation d’elle-même.
Par Claire Bonnot
Publié le 07 janvier 2024 à 19h38, mis à jour le 08 janvier 2024 à 9h53
Tu es une ex-handballeuse internationale pro. Tu as été championne de France, tu as participé, en 2015, aux championnats du monde avec l’équipe nationale du Congo,et tu as remporté la Coupe de Guadeloupe. Un sacré beau parcours que tu stoppes en 2018. Tu as 25 ans. Pourquoi ?
Depuis toute petite, je savais que je ne pourrais pas faire carrière jusqu’à plus de 30 ans à cause de mes soucis de santé. Mais je voulais quand même vivre une expérience à l’étranger. Donc, après avoir quitté Toulon en 2016 (Toulon Saint-Cyr Var Handball, club français de D1, Ndlr), je suis partie jouer un an en Allemagne avec le Bundesliga GmbH.
Mais, au même moment, alors que j’étais en stage avec l’équipe nationale, je me suis cassé la main.Entre ça etla distance avec ma famille qui devenait difficile à supporter, je me suis dit stop !
Tu parles de problèmes de santé, tu souffres effectivement d’un handicap qui aurait pu t’empêcher de faire du sport…
Oui, le jour de ma naissance, le 15 mars 1993, j’ai subi un accident médical. J’ai, depuis, une paralysie partielle et pas de rotation sur le bras droit : je ne peux pas faire certains mouvements.
Malgré deux opérations réalisées sur mon bras aux âges de 7 et 8 ans, je n’ai jamais pu retrouver une bonne rotation. Depuis l’enfance, j’enchaîne donc les séances de kiné et j’étais effectivement censée ne jamais faire de sport.
Comment le sport s’est imposé à toi alors, et pourquoile choix du handball qui sollicite énormément les bras ?
Je ne connaissais pas du tout ce sport, je n’en avais jamais vu à la télé et jamais fait à l’école. Mais ma grand-mère avait décidé que tous les enfants devraient faire un sport. Mes oncles se sont inscrits au basket et au foot alors, moi, j’ai choisi le handball en me disant que c’était peut-être un peu plus féminin !
Dans ma famille, on disait que j’avais mal au bras tout le temps, mais le mot « handicap » n’était jamais abordé, je n’ai donc pas grandi avec cette notion en tête. J’ai débuté le handball à Massy, là où j’habitais, à l’âge de 10 ans, avec le club Massy Essonne handball. Ça s’est très bien passé et j’ai intégré un sport-étude à l’âge de 14 ans.
Je voyais bien que j’avais un handicap, que je n’arrivais pas à bouger le bras comme tout le monde, je faisais tout avec la main gauche. Mais, au début de ma carrière, je voyais peu de différences avec les autres. C’est quand ça a été plus professionnel et beaucoup plus physique avec les séances de musculation notamment, que j’ai commencé à percevoir une vraie différence.
Plus je vieillissais, plus je compensais sur le côté gauche. Quand on est jeune, on a mal nulle part, on fonce ! C’est donc véritablement aujourd’hui que je ressens mon handicap.
Ce n’est qu’en 2020 que tuparles officiellement de ton handicap. Pourquoi à ce moment-là ?
Parce que je sors de D1 et que j’ai fait un Championnat dumonde… Bref, j’ai un CV !Les gens ne peuvent pas dire : « Elle a un handicap, elle ne pourra pas progresser ».
Quelles ont été les réactions suite à ce témoignage ?
J’ai eu pas mal de retours de personnes avec qui j’avais joué me disant qu’elles n’avaient jamais remarqué que j’avais quelque chose ou bien qu’elles savaient que j’avais mal au bras mais qu’elles n’auraient jamais imaginé que c’était un handicap.
C’est toujours le mot handicap qui affolent les gens, en fait. On m’a même dit « Mais Simone, on a tous mal, si tu ne dis pas le mot « handicap », on ne peut pas comprendre. »
Penses-tu qu’il y a eu une sorte de déni, une volonté de ne pas voir ton handicap ?
On ne m’a jamais vraiment posé la question de ce que j’avais. Personne, durant ma carrière, ne s’est jamais assis avec moi pour me dire : « Qu’est-ce que tu as ? ».Sauf en Allemagne. J’ai apprécié qu’on me pose enfin la question. On m’a dit « Tu as une posture bizarre, qu’est-ce que tu as ? » Tout simplement.
J’ai toujours eu des kinés dans tous mes clubs, j’étais bien prise en charge partout, médicalement. Mais, mentalement, pas forcément, car les entraîneurs ne s’étaient jamais posés avec moi pour en parler.
Est-ce que tu t’es sentie différente à cause de cehandicap « caché » durant ta carrière et est-ce que ça a impactéta santé mentale justement ?
Je n’ai pas eu l’impression de baisser en niveau durant ma carrière malgré mon souci de santé. Nous, les sportifs, on a l’habitude de composer avec la douleur et parfois même de jouer blessés. J’ai donc toujours eu l’habitude d’intérioriser mes douleurs et ce depuis toute petite.
Comme le dit le titre de mon livre, L’image du sportif parfait*, on se cache derrière cette image, on a peur de dire qu’on a mal, qu’on a des problèmes psychologiques… C’est pour ça que je n’ai jamais dit que j’étais handicapée, je me cachais derrière cette image. Je pense que le dire m’aurait fermé des portes et je ne pense pas que les mentalités aient changé.
Côté santé mentale, je me rends compte que c’est comme si j’avais eu les yeux fermés pendant tout mon parcours sportif. Je vivais au jour le jour, je continuais comme si de rien n’était.
Je n’ai rien ressenti de particulier jusqu’à ce que j’en sorte tout récemment. Là, je me suis dit : « C’était quoi tout ça ? ». Ce n’est qu’à ce moment-là, quand j’ai tout stoppé, que je me suis rendu compte que beaucoup de choses n’allaient pas. Je sais, par exemple, que je ne me sentais jamais bien en juillet et août, pendant la préparation physique car j’étais en difficulté. Je le vivais comme une phobie, mais je n’ai compris le pourquoi qu’après.
Donc, si tu devais refaire ta carrière, tu ferais la même chose ou est-ce que tu parlerais immédiatement de ton handicap ?
Oui, je referais la même chose et non, je ne parlerais pas de mon handicap. Je sais que cela jouerait sur ma progression, je ne veux pas avoir l’étiquette de la fille handicapée. On est vite catalogué dans le monde du sport et donc du handball.
Et qu’en est-il du handisport ? Est-ce que tu aurais pu faire carrière comme para-athlète ?
Même encore aujourd’hui, je ne me verrais pas aller dans le handisport car aucune discipline n’est adaptée pour mon cas. Je ne rentre pas dans les critères. Je ne suis pas assez handicapée entre guillemets.
Quelles peuvent être les avancées alors pour les athlètes qui se retrouvent dans ton cas ?
Je pense qu’il faut adapter les séances d’entraînement pour chacun.On est tous différents, on n’a pas tous les mêmes problématiques. Si j’avais voulu continuer jusqu’à 35 ans, je n’aurais jamaispu faire comme les autres joueurs valides.
En complément, je crois que le coaching mental est un point à développer.C’est comme lorsqu’on arrive chez le médecin et qu’il nous demande nos antécédents médicaux.
Tu sors un livre, L’image du sportifparfait, qui retrace ton parcours, tes difficultés et qui aborde justement la santé mentale du sportif. Quel était le message en écrivant cet ouvrage ?
Lorsque j’ai arrêté le hand, je n’ai pas fait de communiqué, je suis juste partie comme je suis arrivée.Je ne pensais pas que ça pouvait intéresser les gens et, pourtant, on m’a posé plein de questions parce que je partais jeune.
En fait, je me suis rendu compte que je n’avais jamais rien expliqué de ma situation à personne. J’ai alors parlé de mes soucis de santé. Et j‘ai eu encore plus de questions… Je me suis donc lancée dans l’écriture d’un livre. Ça a duré deux ans.
J’y parle de ma santé physique et mentale, mais aussi d’autres sportifs de très haut niveau dont certains qui n’ont pas pu percer car leur handicap était trop voyant. On leur a fait comprendre que ce n’était pas possible pour la suite. Un garçon sourd et muet que j’ai connu en inter-ligue à l’âge de 14 ans était gardien de but, très doué, mais il n’a pas pu entrer en sport-étude car rien n’était mis en place à l’époque pour les personnes atteintes de ce type de handicap ; une fille qui boitait a, elle aussi, vuson évolution remise en cause. Elle aurait très bien pu, selon moi, jouer en valide comme j’ai pu le faire et bénéficier d’exercices adaptés.
En comparaison, mon handicap était, en quelque sorte, « invisible ». J’ai donc pu faire carrière. On se disait juste : « Elle a mal au bras comme tous les autres joueurs qui ont toujours mal quelque part »…
Mon idée avec ce livre, c’est juste de témoigner. C’est aussi pour les gens qui aimeraient vivre la même chose et qui ont un handicap. Après, si ça fait changer les choses et évoluer les mentalités, tant mieux ! Mais je ne suis pas du tout dans un combat. Prendre la parole m’a permis d’apaiser mes douleurs donc je me suis lancée. Écrire a été une thérapie.
Outre ton handicap, tu parles de pressions, de dysfonctionnement lorsque tu étais en club…
J’explique tout l’aspect hors handball qui joue sur l’aspect mental du sportif : par exemple, on quitte notre famille pour aller en sport-étude et le problème, c’est qu’on est plongés dans une bulle handballistique. Personne ne nous parle d’autre chose, on ne connaît rien à l’administratif, on ne sait rien des déclarations d’impôts, de la vie quotidienne…
Aussi, on te demande d’être performante sur le terrain, mais tu n’as pas encore ton appartement et ta seule option est de dormir sur un matelas par terre chez une autre joueuse ou bien tu stresses pendant tout le match parce que tu ne sais pas comment tu vas rentrer chez toi et tu te retrouves seule sur un parking à deux heures du matin. Tous ces petits aspects là, tous ces à-côtés sont angoissants et pas pris en charge par le club, alors qu’on nous demande de gérer sur le terrain.
C’est aujourd’hui, après être sortie de cette bulle, que je me rends compte que ce n’était pas normal.
Où en es-tu aujourd’hui avec le handball ?
J’ai totalement arrêté le handball même si des équipesm’appellent encore chaque année. J’ai tout de même repris en mars dernier pour deux mois en Guadeloupe, en haut niveau.
J’ai retrouvé mes anciennes sensations, c’est agréable, mais je ne me vois pas reprendre le hand à très haut niveau ou jouer toute une saison.Physiquement et mentalement, je n’y arrive plus.
Quel serait ton messagepour les jeunes fillesqui hésitent à se lancer dans un sport ?
Sans le sport, je n’en serais pas là où j’en suis aujourd’hui. Ça m’a énormément apporté.Çarenforce d’être sportif, on est très résistants au stress, on côtoie tout le temps de nouvelles personnes, on voyage.Je viens de la banlieue parisienne et j’ai habitéàTours,à Toulon, en Allemagne, en Guadeloupe et j’ai voyagé en Afrique. Humainement, c’est très enrichissant.
Donc, je diraisà tous, garçons ou filles, d’y aller ! Côté haut niveau, c’est l’excès qui peut entraîner des problèmes et il y a des améliorations à faire comme je l’explique dans mon livre. Mais je ne regrette pas du tout d’avoir faire du sport et d’avoir fait carrière.
Et puis, concernant la situation des femmes sportives dans le handball, les choses évoluent bien : les clubs n’hésitent plus à recruter des femmes qui ont eu des enfants, à l’image de Cléopatre Darleux par exemple.
Aimerais-tu tout de même avoir un impact sur ces questions du handicap dans le monde du sport ?
Oui, j’aimerais revenir dans le monde du sport en tant que dirigeante pour une équipe nationale dans lehandisport, pour apporter mon point de vue et mon expérience à des personnes en situation de handicap.
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