
Sandra Pétrus
Du haut de son 1,50m, Sandra Pétrus se présente comme « une femme accomplie, professionnellement et personnellement ».
Publié le 29 juin 2022 à 17h49
C’est une petite annonce qui a tout déclenché. En 1894, les lecteurs du Daily Graphic découvrent, éberlués, dans les colonnes de leur hebdomadaire, un appel à volontaires pour monter une équipe de football… féminine !
Une étrange requête signée d’une certaine « Miss P » derrière laquelle, on le découvrira plus tard, se cache en réalité une tout aussi mystérieuse Nettie Honeyball. La démarche, pour le moins osée pour l’époque, va, contre toute attente, faire écho.
Dans les jours qui suivent, l’aspirante footballeuse reçoit une trentaine de courriers parmi lesquels vingt émanant d’intrépides et courageuses candidates à l’aventure.
Le British Ladies Football Club, première formation féminine de football association, venait de voir le jour, avec, pour présidente, l’Écossaise Lady Florence Dixie, fille cadette du marquis de Queensberry et célèbre militante féministe.
Lady Florence Dixie, écrivaine, correspondante de guerre et féministe écossaise.
La phase de recrutement achevée, les Ladies décidaient, sans plus tarder, de se mettre au travail.
Nettie Honeyball, dont personne ne connaît, aujourd’hui encore, la véritable identité, se tournait alors vers Bill Julian pour leur prêter main forte. À charge, pour le défenseur central des Hotspurs de Tottenham, de leur inculquer les rudiments du jeu et ses subtilités.
Joseph William Julian alias Bill Julian
La tâche est tout sauf aisée. Les entraînements ont lieu deux fois par semaine mais aucune de ces dames ne rechigne. Il faut dire que la pression est grande : le BLFC est en mission et toutes ont conscience que jouer relève, dans leur cas, bien plus de l’acte militant que du loisir.
« J’ai fondé l’association avec la ferme résolution de prouver au monde que les femmes ne sont pas les créatures « ornementales et inutiles » que les hommes ont décrites, martèle Nettie Honeyball dans le Daily Sketch en 1895. Je dois avouer que mes convictions sur toutes les questions où les sexes sont si largement divisés sont toutes du côté de l’émancipation et j’attends avec impatience le moment où les femmes pourront siéger au Parlement et avoir une voix dans la direction des affaires, en particulier celles qui les concernent le plus. »
Le 23 mars 1895, le British Ladies Football Club est enfin prêt à entrer en scène et prouver que le sport, en général, et le football association, en particulier, se conjuguent aussi au féminin.
Pour ce faire, rendez-vous a été donné à qui veut sur la pelouse de l’Alexandra Park de Crouch End, à quelques miles au nord de Londres, pour ce que la FIFA considère comme le premier match officiel de l’histoire de la discipline. Les curieux se pressent, nombreux, les journalistes aussi.
Au total, ce sont plus de 10 000 personnes qui ont fait le déplacement.
Sans adversaire à qui se mesurer, Nettie Honeyball et ses coéquipières ont scindé leurs rangs en deux : d’un côté les Nordistes vêtues de rouge, de l’autre, les Sudistes en tenue bleue.
Au coup d’envoi, les drôles de dames se jettent courageusement dans l’arène. Les premiers pas sont hésitants, le niveau encore faible mais le spectacle est néanmoins bel et bien là.
Très vite, le Nord se démarque. Et s’impose 7-1 grâce, notamment, aux prouesses de Miss Graham, son intraitable gardienne.
Le lendemain, les réactions sont contrastées. Le corps médical, dans sa grande majorité, réprouve la pratique : le football association est bien trop violent pour être supporté, sans dommage, par des organismes féminins frêles et délicats. Du côté des reporters, les avis sont partagés.
Certains fustigent ces femmes honteusement vêtues de pantalons bouffants qui ne savent pas courir, ne comprennent rien aux règles de la discipline et en bafouent l’esprit.
D’autres, à l’image de l’envoyé spécial du Sportsman, saluent la prestation et encouragent les néo-amazones à continuer : « Il est vrai que les jeunes hommes courraient plus fort et donneraient des coups de pied plus puissants, mais, au-delà de cela, je ne peux pas croire qu’ils montreraient une plus grande connaissance du jeu ou une plus grande habileté dans son exécution. Je ne pense pas que la femme footballeur doive être étouffée par un certain nombre d’articles de premier plan écrits par des hommes âgés qui n’ont aucune sympathie pour le football en tant que jeu et pour les aspirations des nouvelles jeunes femmes. »
Fortes de leur succès, les joueuses du BLFC vont se lancer dans une grande tournée à travers tout le pays entre avril et mai 1895. On les retrouve dans le Sussex, le Lancashire, le Berkshire, il y aura aussi une halte à Bristol, un arrêt à Newcastle…
Les Ladies jouent jusqu’à deux matches par semaine et se frottent, de temps à autres, à des adversaires masculins. En 1896, elles mettent le cap sur l’Ecosse. Sans Nettie Honeyball.
L’énigmatique « Miss P » disparaît des radars aussi discrètement qu’elle y était apparue. C’est Miss Graham qui reprendra le flambeau. Mais l’engouement pour le BLFC s’essouffle.
La fréquentation baisse et les footballeuses ne semblent pas faire l’unanimité partout où elles passent. Les réceptions sont parfois houleuses et il leur arrive d’être accueillies par des jets de pierres.
Le 3 juillet 1896, elles se produisent à West Calder pour ce qui semble être leur dernière apparition. Le British Ladies Football Club cessera toute activité sept ans plus tard.
Le football féminin retourne à l’anonymat et il faudra attendre une quinzaine d’années pour qu’il renaisse en Angleterre sous l’impulsion des « Munitionnettes ».
Entre 1915 et 1918, plus de 150 équipes « Munitionnettes » vont organiser des matchs de charité au profit des hôpitaux.
D'autres épisodes de "Football : ces sportives qui vont droit au but"
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