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Kim Robitaille« Mon cœur de sportive bat pour le volley »

Kim Robitaille
Passeuse-philosophe de l’équipe canadienne féminine de volley-ball et des différents clubs européens dans lesquels elle officie depuis cinq ans, la québecoise Kim Robitaille joue au volley comme au jeu d’échecs. Tactique, réfléchie, adaptable, la sportive cosmopolite lance aussi la balle dans le champ des inégalités du sport féminin. Rencontre avec une nana qui sait ce qu’elle veut et ce qu’elle vaut.

Par Claire Bonnot

Publié le 26 mai 2021 à 18h30, mis à jour le 29 juillet 2021 à 12h04

Membre de l’équipe féminine de volley-ball canadienne, une expérience internationale dans différents clubs, un poste de vice-capitaine du Quimper Volley actuellement… Un sacré parcours à tout juste 29 ans… Comment tout a commencé pour toi dans le volley ?

Je viens d’une famille très active et orientée multisports ! J’ai commencé à jouer au foot parce que ma sœur en faisait à un bon niveau. Ça me donnait envie même si, moi, ça restait plus un loisir récréatif !

J’ai eu envie de sauter à pieds joints dans un sport d’équipe quand j’ai eu la chance d’assister aux matchs de ma sœur. Et c’est quand je suis rentrée au secondaire, vers l’âge de douze ans, que j’ai découvert le volley.

Je devais choisir une activité parascolaire et il y avait une équipe de volley féminin. J’ai eu le coup de foudre pour ce sport et son esprit. Aujourd’hui, ça fait dix-sept ans que mon cœur de sportive bat pour le volley !

Comment es-tu devenue une joueuse professionnelle ? Ton parcours semble très fluide…

J’ai toujours rêvé d’aller vers le plus haut niveau. Alors, après l’université, j’ai tout fait pour intégrer la sélection nationale. J’ai fait plusieurs essais, en 2015, 2016, 2017 puis, en 2018, j’ai été prise !

Côté clubs, j’ai débuté en joueuse pro aux Pays-Bas dès 2017 puis en Allemagne, en 2018 et 2019, et, enfin, en France à Quimper, ces deux dernières années. Pour la prochaine saison, 2021-2022, je m’apprête à rejoindre le club Saint-Raphaël Var Volley-Ball.

Je travaille, depuis mes débuts, avec un agent néerlandais qui connaît bien les différents clubs et avec qui je me fixe des objectifs perso et pro par rapport au niveau que je veux atteindre.

Depuis deux ans, on avait pour objectif, par exemple, que je revienne en première division. Mon but était de pouvoir bouger dans ma carrière, découvrir d’autres cultures !

Quelle sportive es-tu sur le terrain ?

J’ai le poste de passeuse depuis le départ. C’est-à-dire que je suis, en quelque sorte, le cerveau sur le terrain et l’assistant du coach puisque je me charge de mettre en place ce que l’entraîneur souhaite voir sur le terrain.

Il faut alors avoir des qualités en communication et une bonne facilité d’adaptation car il faut parvenir à ressentir chacune des coéquipières sur le terrain, être assez forte mentalement pour prévoir quelle sera la meilleure des situations pour se mettre dans la position de gagner.

Et je touche au ballon à chaque échange. Je suis un peu comme le meneur de jeu au basket ou le quarterback au football américain.

Comment as-tu atterri à ce poste stratégique ?

Ça a été une petite surprise ! Ce sont les entraîneurs qui ont jugé que je serai efficace à ce poste de passeuse. J’ai le même poste en clubs et en équipe nationale.

C’est super intéressant car, au fil des années, ma technique s’améliore et je bosse beaucoup : je regarde des vidéos pour étudier les stratégies de jeu, par exemple.

L’idée ? Trouver les clés pour faire échec et mat à l’équipe adverse !

Quel est ton point fort à ce poste?

Je dirais que c’est l’adaptation. C’est quelque chose que j’ai toujours voulu développer chez moi : l’ouverture d’esprit, s’adapter aux différentes personnalités… D’où mon envie de bouger dans des clubs internationaux.

Et tes ressentis quand tu joues ?

Ce qui est beau dans le sport d’équipe, c’est qu’on vit toutes la même chose. On n’a pour ainsi dire pas d’autre choix que de se serrer les coudes et ça soude !

L’équipe devient vraiment une deuxième famille parce qu’on vit des moments tellement intenses. C’est ça que j’aime avec le volley et le sport d’équipe, savoir qu’on partage toujours un truc fort.

As-tu un petit rituel ou un porte-bonheur pour tes matchs ?

Pas nécessairement, je ne suis pas superstitieuse. J’aime juste prendre le temps de me préparer : me maquiller, me coiffer les cheveux, bien manger…

En devenant joueuse pro, y a-t-il une étape qui a été déterminante dans ta carrière ?

Je crois que ça a vraiment été la première compétition avec la sélection nationale, en 2019, pour les Jeux Panaméricains de Lima. C’était un événement de rêve et ma première grande compétition.

On réalise qu’on fait quelque chose de plus grand que soi dans ces moments-là, en pleine compétition internationale d’envergure.

Il y a un match ou un résultat qui a boosté ta carrière et, à l’inverse, qui a entraîné un coup d’arrêt, mais t’a permis de mieux te relever ?

En fait, je ne me souviens pas forcément des matchs victorieux, mais surtout de l’esprit d’équipe à ce moment-là et de la joie de partager ça ensemble ! Pour ce qui est des coups durs, on s’en souvient, ils sont tenaces.

Il y a deux ans, justement, au début de ma saison avec l’équipe du Canada, j’étais pleine de confiance en cette nouvelle étape de mon parcours : je me sentais hyper bien, physiquement et mentalement, et le courant était très bien passé avec l’équipe.

Trois semaines d’entraînement plus tard, je me prends un ballon au visage et j’ai une commotion cérébrale. J’ai mis deux mois avant de ne plus ressentir les symptômes d’anxiété sur le terrain.

Rien que de regarder mon équipe s’entraîner, je ressentais une pression, celle du temps perdu… Et je n’ai pas pu aller aux qualifications pour les JO de Tokyo… Quelqu’un d’autre a été sélectionné à ma place.

C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’on ne pouvait pas tout contrôler dans la vie. Aujourd’hui, je suis pleinement heureuse là où j’en suis.

Quel serait, justement, ton plus grand rêve sportif ?

Je vais bientôt avoir 30 ans et ça fait dix-sept ans que je suis dans ce sport. Je vois la compétition d’un œil différent maintenant… Les prochains JO seront en 2024 à Paris soit dans trois ans !

C’est déjà très difficile pour le corps et le mental d’enchaîner la sélection nationale et la saison pro, donc, j’essaye de ne plus me fixer d’objectifs précis pour ne pas me mettre la pression. J’essaye d’être dans le moment présent.

Mon but est juste de continuer à performer à un niveau qui me plaît et me challenge !

Quelle va être la suite pour toi ?

L’arrivée à l’automne dans un nouveau club, celui de Saint-Raphaël pour la saison 2021-2022. L’objectif est de terminer septième aux Championnats de France après sa saison difficile. L’idée est de revenir en milieu de peloton et, personnellement, j’aimerais aller plus haut, mais j’ai conscience qu’il y a beaucoup de concurrence dans la Ligue !

En parallèle, cet été, je débute une compétition avec la sélection nationale canadienne qui concentrera les seize meilleures équipes du monde. Ça va me préparer à la rentrée !

Qu’est-ce que ce sport, ce milieu sportif et le haut niveau t’ont apporté dans ton développement personnel ?

Être très loin de ma famille pendant plusieurs années, ça m’a permis de devenir plus mature plus rapidement.

Ça fait cinq ans que je joue en Europe, j’ai rencontré tellement de personnes, j’ai vécu tellement de situations qui m’ont fait grandir… Je suis extrêmement fière de ce que je suis devenue.

Le sport et le sport de haut niveau, c’est vraiment une belle école de la vie : on se retrouve à devoir faire face à de multiples challenges et c’est à nous de choisir si on le prend du bon côté ou si on reste dans la négativité. C’est un mental qui se travaille avec le temps et le sport nous forge en ce sens !

En général, ce que je vis en tant que sportive de haut niveau, c’est vraiment une expérience très positive pour moi. Tous les beaux moments passés avec mes coéquipières valaient la peine de sauter dans l’aventure !

Dans le journal Ouest-France, tu pointais les différences de traitement des athlètes féminines dans le sport de haut niveau. Quelle a été ton expérience personnelle ? Tu as déjà eu à faire face à des discriminations ou des inégalités de traitement ?

Le journal souhaitait faire des carnets de bord avec une sportive sur les inégalités entre les hommes et les femmes dans le sport. Je trouvais ce sujet très pertinent !

Je n’ai pas directement vécu de discriminations, mais je pense que certains comportements ou règlements sont tellement ancrés aujourd’hui qu’on ne fait plus vraiment attention, même, nous, les femmes.

Sortir des articles sur les inégalités, le manque de considération des athlètes féminines, déclencher des discussions, faire réfléchir les gens, c’est primordial. C’est comme ça que tout le monde réalisera que les choses ne sont pas justes pour les sportives.

Par exemple, suite à mes propos dans Ouest-France, j’étais assez nerveuse. Je me disais qu’en m’étant prononcée haut et fort, il y aurait peut-être des conséquences pour moi, des portes qui se ferment.

Le première retour a été mon agent et il a instantanément partagé l’article, m’a dit m’offrir tout son support. Ça m’a enlevé un grand poids ! Et beaucoup de personnes m’ont ensuite contactées.

Tu évoques notamment la sexualisation du corps féminin de la sportive…

Oui, par exemple, pour médiatiser, qu’est-ce qu’on fait ? On mise sur le corps des sportives… À l’image des calendriers sexy auxquels les athlètes doivent participer… Ce n’est pas pour ça qu’on se lance dans une carrière sportive. À moins d’être mannequin, on n’a jamais demandé à être exposées ainsi…

Tu te bats pourquoi précisément ?

Pour que la femme soit capable de faire ses choix concernant son équipement. Par exemple, au volley, la Fédération internationale de volley demande, très précisément, que le short ne dépasse pas les 5 cm de longueur.

Aux États-Unis, ils ont trouvé une meilleure réglementation : seule la couleur est importante pour relier l’équipe, mais chaque joueuse a l’option de porter ce qu’elle veut.

Ce qui est embêtant, c’est qu’avec ces contraintes d’équipements, on brime la performance des athlètes féminines. Si elles se sentent mal à l’aise, vous pouvez être sûr qu’elles joueront moins bien…

Et puis, bien sûr, il y a la problématique des salaires sur laquelle il faut évoluer : c’est aussi une question de médiatisation du sport féminin et c’est là où les médias peuvent venir faire basculer le game

Vois-tu tout de même des avancées pour les sportives féminines et notamment dans ton sport ?

Dans le volley, je sens que les choses avancent, mais c’est parce que je m’entoure moi-même de personnes qui ont les mêmes opinions, la même volonté de faire avancer les choses pour les athlètes féminines. Il faut encore parler et médiatiser pour que ça avance concrètement !

Quels conseils donnerais-tu à celles qui n’osent pas s’aventurer dans le sport qui leur plaît ?

Je pense que les pires critiques sont les femmes elles-mêmes ! Parfois, personne d’autre ne nous juge aussi mal que nous-mêmes, les femmes !

Il faut, à tout prix, essayer de laisser s’en aller cette petite voix qui nous écrase parce qu’elle a tort, elle nous met des limites qui… n’existent pas !

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