Le Tour de France, c’est cet arbre centenaire sous lequel on vient roupiller les après-midis d’été. L’œil à demi ouvert jusqu’à 17h, pour finir les yeux écarquillés, pendus au suspense de la fin d’étape. Voilà cent-vingt ans que le Tour existe, et deux qu’il se réinvente.
Le Tour de France traverse les époques et je pense à mes grands-parents avec qui je l’ai découvert lors des vacances estivales. C’était le temps de l’insouciance et de la fin des devoirs. J’apprenais la géographie l’après-midi avec le Tour et le soir avec la carte au trésor. Que l’on ait 30 ans, 20 ans ou 50 ans, le Tour c’est ce tourbillon de souvenirs. Loin du sport, près de la France.
Au rythme de ce second Tour de France Femmes, j’ai réappris le vélo, tenté de déjouer ses clichés, laisser parler mon cœur pour ne laisser transparaître que la sincérité unique de l’effort. Celle-là même qui m’anime au quotidien, ce pour quoi je monte en selle. Celle-là même qui m’interroge et me renvoie à ma condition d’Homme. Celle-là même qui fait tomber les masques que nous apposons sur nos visages pour traverser le vacarme et la hâte.
La course cycliste de juillet est là où on ne l’attend pas et je crois que c’est ce qui lui confère son pluralisme. Que nous soyons sportifs ou non, « danseuses », « marins », ou « artisans de l’effort », pour reprendre quelques-uns des mots d’Olivier Haralambon, philosophe, écrivain et cycliste, le vélo nous unis, fait tomber nos barrières et avec lui nous rêvons. La France de juillet est belle et nos chœurs attendris se rapprochent en concert.
Alors que le Journal du Dimanche pointe aux abonnés absents, le spectacle de la grande boucle, lui, répond présent dans un dernier baroud. De Pau à Pau, c’est dans les faubourgs de la capitale du Béarn, plombé d’un ciel métallique, que le chronomètre égraina à rebours le compte des minutes et des secondes. 22,6 kilomètres joués à la vitesse de la lumière pour finir de départager ces femmes.
Je ne parlerais pas ici de vainqueure ou de vaincue, de succès ou d’échecs. Car est-ce bien là ce qui nous importe ? J’ai tenté pendant une semaine de m’imaginer à leur place le temps d’un instant, le temps d’un effort. Alors que le Tour ferme ses portes, je me demande à quoi pensent ces héroïnes des temps modernes.
Ce soir je m’interroge sur leurs rêves et leurs envies pour la suite. Ce tour de France féminin n’a cessé de susciter enthousiasme et intérêt, pourtant demain la vie reprendra son cours, les souvenirs de leurs visages s’effaceront sous le sable du mois d’août et leurs noms recouverts de l’écume des jours… Jusqu’à l’année prochaine où le volcan de nos amours reprendra feu comme si c’était hier.
La boucle est bouclée et juillet, une fois de plus, ne ressemble à nul autre pareil.