« On joue la sirène, on l’incarne, mais en même temps, on est plongé au sens propre du terme dans un autre monde. On s’y croit vraiment le temps de quelques secondes sous l’eau ! »
Claire alias Claire la sirène est la toute première sirène professionnelle française.Elle a débuté en 2011 quand la vague monopalmée et costumée avait déjà envahi les États-Unis, dès 2009. Le début d’un enchantement pour une communauté de sirènes (mais aussi de tritons) qui ne cesse de croître avec pour délicieux but de s’immerger dans son « rêve d’enfant ». Un rêve qui se travaille, l’aspect sportif est en effet essentiel.
Un, deux, trois, plongez !
Il était une fois un rêve…
Oui, Ariel la petite sirène est bien une inspiration. Andrina la sirène, showwoman de l’Océarium du Croisic, assume totalement jouer sur « le côté princesse » de la sirène.
Vanessa Simian, nageuse synchronisée, propose, elle, des cours de sirène via sa structure « Mademoiselle Synchro ». Et partage le rêve secret de ses élèves : « J’essaye toujours de proposer quelque chose de ludique car les personnes sont contentes de faire du sport, mais viennent surtout pour jouer les sirènes en costume. C’est vraiment Disney pendant une heure, un rêve de princesse qui se réalise. »
Claire la sirène, passionnée de fantasy depuis toute petite, explique quant à elle avoir recherché depuis le début à faire vivre une sirène en vraie via une incarnation aquatique : « J’avais fait une année de théâtre et j’avais l’habitude de voir sur scène des fées, des sorcières ou des anges et je cherchais de nouvelles idées de personnages. C’est en pensant aux bassins d’eau qu’il y a parfois dans les restaurants ou autres lieux conviviaux que je me suis dit qu’il ne s’y passait jamais rien et que j’aimerais y voir une sirène nager. »
Ces deux sirènes professionnelles, Claire et Andrina, se produisent chacune dans des aquariums, réalisant des numéros féériques et spectaculaires…
Claire la sirène propose notamment à l’Aquarium de Paris un spectacle d’une dizaine de minutes adapté d’un conte pour enfants qu’elle a elle-même écrit : dans un tourbillon de looping, de vrilles ou de toupies marines, sa sirène est emprisonnée par un roi qui exige d’elle le plus beau chant qui existe sur terre.
Andrina la sirène ondule, elle aussi, avec charme depuis l’épave romantique de l’Océarium du Croisic n’omettant pas d’envoyer ses bisous bulles très prisés.
On pense à Annette Kellermann, nageuse australienne, qui, en son temps, dans les années 1910-1920, plongeait dans un bassin d’anguilles et de poissons, alors recrutée comme « sirène », ou, plus récemment en 1991, au spectacle Sirella de l’ancienne championne de natation synchronisée française, Muriel Hermine.
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Claire la sirène est heureuse de cet engouement pour le “mermaiding”, espérant toutefois que l’aspect « magique » ne disparaîtra jamais des radars de ces sirènes amateurs…
Le “mermaiding” est un plongeon dans l’imaginaire lorsque les cours en mer ou en piscine troquent la monopalme contre une nageoire. Une nageoire qui s’agrémente volontiers d’accessoires féériques et pailletés pour mieux s’enfoncer dans les profondeurs de l’enfance.
Mais entrer dans la peau d’une sirène a un prix. Le costume est un sésame. Aux États-Unis, c’est devenu un business. Les fabricants sont nombreux et réalisent des queues de sirène mirifiques pour la modique somme de 3 000 dollars…
En France, depuis que la vague a déferlé, les fans et les professionnels se mettent à la couture. Ainsi, Claire la sirène qui crée ses propres costumes d’écailles scintillantes en néoprène, latex ou silicone depuis ses débuts ou encore le triton Richard Van Loot de « The Mermad Tails » (les hommes aussi aiment les contes de fées !) qui se la joue styliste pour dessiner sa propre métamorphose ainsi que celle de nombre d’adeptes comme Andrina la sirène.
Être une sirène, c’est du sport !
Mais alors, nager comme une créature mi-femme mi-poisson, est-ce une discipline sportive ou artistique ? « J’essaye de tenir une minute en apnée pour trente secondes de récupération pour un spectacle d’une dizaine de minutes », nous explique Claire la sirène.
Même rythme chez Andrina qui se produit « pendant dix minutes dans un aquarium au milieu des raies et doit enchaîner plusieurs apnées – entre quarante-cinq secondes et une minute – en privilégiant les mouvements lents, plus jolis esthétiquement. »
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Résultat ? Ces deux créatures de rêve sont bel et bien des sportives. Du sport, donc, pour faire naître la magie ! « Oui, j’ai un métier de sportive, relève Claire la sirène. Mes amis ont beaucoup ri lorsque je me suis lancée…parce que je séchais les cours de sport au lycée. Même si je n’ai jamais appréhendé mon métier comme un sport, mais plutôt comme un jeu artistique, il faut s’entraîner solidement à l’année. »
La réalité derrière la belle vitrine ? L’entraînement pluridisciplinaire : « On utilise des mouvements gracieux empruntés à la danse et à la natation synchronisée, des méthodes apprises en cours d’apnée, des mouvements en monopalme…, explique encore Claire la sirène. C’est vraiment primordial d’avoir et de travailler une bonne apnée car on sera plus à l’aise ensuite sous l’eau pour développer tout le versant artistique, ces expressions d’acteur et les poses façon photos de mode. »
Autre aptitude à bosser : « Avoir un minimum de muscles et d’abdos parce qu’il faut pouvoir soulever ses costumes, une nageoire en silicone pèse de douze à vingt kilos ! »
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Même écho du côté d’Andrina qui cumule les exercices en salle de sport -pour cultiver le cardio et parfaire la musculature, les cours d’apnée – elle prévoit de passer son baptême de plongée – et les entraînements en piscine pour mieux maîtriser les ondulations.
Vanessa Simian parle, elle, d’un « sport plutôt complet » : « ça fait travailler tout le corps, de la tête pour les ondulations en passant par les abdominaux jusqu’à la pointe des pieds, les bras venant en assistance pour déployer des mouvements artistiques. »
Tout le monde peut-il se transformer en sirène ou en triton ? « Tout ce que ce sport demande c’est d’être vraiment à l’aise dans l’eau parce qu’une fois qu’on a les deux pieds ensemble dans la monopalme, on vit des sensations différentes de la nage classique, note Vanessa Simian. Et je dirais aussi : savoir lâcher prise. Les adultes ont un peu plus de mal à apprendre les mouvements que les enfants par exemple. »
Cette activité de légendes aquatiques est désormais reconnue officiellement par le monde des Humains… Le sport de sirène (ou activité sirène) a été admis dans les activités fédérales et intégré dans les formations subaquatiques de la Fédération française d’études et de sports sous-marins (FFESSM) sous le nom de « sirenage ».
Concernant la profession de formateur/moniteur/encadrant des activités de “mermaiding” (sirènes et tritons), la fédération rappelle que « pour encadrer en France une activité subaquatique quelle qu’elle soit, aussi bien en scaphandre qu’en apnée, il faut avoir un diplôme d’État (BEES, BP-JEPS, DE-JEPS ou DES-JEPS) avec une mention ou une option plongée, ainsi qu’une carte professionnelle dont la première condition d’obtention est justement la détention de ce diplôme d’État. Les cours de formation aux activités de Sirène exercés contre rémunération entrent dans ce cadre. »
Autre possibilité pour devenir pro ou enseignant : la Scuba Schools International (SSI) qui propose des programmes spécial sirènes & tritons partout dans le monde ainsi que la possibilité de valider une certification reconnue de « mermaid instructor ».
Vanessa Simian a d’ailleurs repris ses études et passé un brevet professionnel des activités aquatiques et de la natation pour pouvoir dispenser ses cours.
On plonge dans le grand bain
« Je peux pas, j’ai cours de sirène… » Oui, l’excuse est désormais plausible tant les cours et les addicts se multiplient en France.
Vanessa Simian, notre nageuse synchronisée, entraîne depuis de nombreuses années. Elle a plongé dans le “mermaiding” en 2015 lorsqu’elle a créé sa société d’événementiel « Mademoiselle Synchro ». Après avoir animé cérémonies de mariage et EVJF (comprenez : enterrement de vie de jeune fille), elle a partagé son savoir-nager dans la région lyonnaise : « Je propose des activités d’apprentissage de l’ondulation qui est la technique sirène ainsi que des exercices plus ludiques et plus artistiques : faire le dauphin, partir en roulade arrière, faire claquer la nageoire sur l’eau, passer dans des cerceaux, nager sur le ventre et sur le dos avec des mouvements de bras… ».
Quel équipement est donc requis avant de sauter dans la piscine ? « Je fournis moi-même tout l’équipement, à savoir la monopalme et la nageoire de sirène en lycra. À associer à son maillot de bain », précise Vanessa.
Le hic ? La plupart des piscines n’autorisent pas à venir onduler en nageoire. D’où l’intérêt de prendre des cours encadrés qui offrent toute liberté de rêver !
« Il ne faut pas avoir honte de ses envies, même si les gens pensent que c’est enfantin, conclut Claire la sirène. Si on assume ce qu’on aime, peu importe que les gens se moquent, ils n’auront pas de prise sur vous. Je souhaite à tout le monde de pouvoir retourner à ses rêves d’enfant. »
On se jette à l’eau ?
- Ouverture : ©Olivier Sar Photographie
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Tout savoir sur les activités de sirène sur le site de la Fédération française d’études et de sports sous-marins (FFESSM)
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