Ming Gherardi Van Eijken « En gym, quand je m'élance pour une figure, je suis mon coeur. »
Ce p'tit bout de 16 ans d'1,51 m est une boule d’énergie. Ce qu'elle veut, c'est gagner. Championne de France 2024, médaillée de bronze aux Championnats du monde junior 2023, vice-championne d’Europe en 2022 et sur la troisième marche du podium en 2024, le tout en saut de cheval… la « Kid » de la gym’ féminine française, Ming Gherardi Van Eijken, ira toujours plus haut !
Publié le 12 novembre 2024 à 17h50
Cet été, à Paris, tu as participé à tes premiers Jeux Olympiques à tout juste 16 ans et c’était ton rêve, quelle a été ta réaction ?
Je ne m’y attendais pas trop parce que je pensais que ça allait être difficile de rentrer dans une équipe aussi solide. Les filles l’avaient prouvé aux Championnats du monde en Belgique (les Françaises ont décroché la médaille de bronze lors du concours par équipe dix mois avant les JO,Ndlr). Je pensais que l’équipe serait la même pour les Jeux Olympiques. Forcément, j’ai été super contente quand on m’a dit que je ferai partie de l’aventure. C’est un rêve, mon rêve de petite fille qui se réalise.C’est une expérience incroyable qui n’a pas de prix, il faut la savourer au maximum.
Tu fais 10e au saut de cheval et 11e par équipe aux Jeux – une désillusion et grande déception pour vous toutes – quels étaient tes objectifs en individuel et quelle a été ton émotion au sortir de la compétition en individuel et par équipe ?
Notre équipe n’a pas fait une bonne performance(l’équipe de France féminine échoue à la 11e place des qualifications sur 12 équipes en lice, seules les 8 premières nations pouvant accéder à la phase finale, Ndlr) mais si je dois revenir sur mes performances individuelles, je pense que j’ai fait ce que j’avais à faire et correctement. Car j‘ai réalisé tout ce que j’avais préparé à l’entraînement.Donc pour ça, j’étais assez contente.
Alors, tu te sens fin prête pour tenter le podium pour LA 2028 ?
Ah, non, pas du tout ! Dans un premier temps, j‘aimerais bien essayer de refaire les Jeux, tout simplement. Après, on verra ce qui se passera à ce moment-là, comment sera mon état de forme physique, mentale, mes performances, etc…
Quel était ton état d’esprit après la période des JO ?
Après les Jeux 2024, j’ai pris trois semaines de vacances et quand je suis revenue à l’entraînement au Pôle France de Saint-Etienne, c’était plutôt tranquille. Ma prochaine compétition se déroulera en 2025 mais on ne sait pas encore sur quelle compétition je vais rentrer.L’idée, en tout cas jusqu’à décembre, c’est de travailler un maximum de nouveaux éléments techniques que je peux essayer de rentrer dans mes prochaines compet’.
Tu es incroyable en saut de cheval, multi-médaillée, et ton autre point fort c’est le sol. Qu’est-ce qui te plaît dans ces deux disciplines ?
Le saut, ce n’est pas mon agrès préféré. J’aime bien ça, mais c’est le sol qui le détrône. Parce qu’il mélange acrobaties et chorégraphie et que cette discipline ne me fait pas peur. Je crois que c’est là où je me sens le plus à l’aise et, du coup, je m’éclate !
Comment tu te sens d’ailleurs quand tu es en l’air, en plein saut, depuis un agrès ou depuis le sol ?
Je ne saurais pas dire. En fait, ça va tellement vite que je n’ai pas le temps de penser à quoi que ce soit ! Avant de m’élancer aux Jeux, par exemple, j’étais forcément stressée parce que c’est une compétition très importante ! Ma famille me voyait à l’écran me parler à moi-même avant de partir pour une figure. Mais quand j’ai dû leur dire ce que je me disais pour me booster, je n’en avais aucun souvenir. Sur le moment, ça vient tout seul, je suis mon cœur…
Tu as l’air d’avoir un super mental. Dans tous les articles qui te citent pour les JO, on peut lire que tu motives ou réconfortes tes coéquipières. Et, pourtant, tu es la benjamine de l’équipe de France !
En fait, j’ai essayé de faire mon maximum parce que ça n’allait pas fort dans l’équipe.Quand on commence une compétition difficilement avec plusieurs chutes, c’est sûr que c’est difficile de se remettre dedans.Après, ce n’estpas mon rôleparce que je ne suis pas capitaine mais j’ai eu cette impulsion, l’envie de leur redonner un boost pour qu’elles aillent bien.
C’était chouette d’être la plus jeune de l’équipe ?
Oui, j’ai été un peu chouchoutée parce que c’est toutes des grandes et des habituées et moi, je suis la petite dernière qui vient tout juste d’arriver… Après, je ne pouvais pas faire grand-chose dans le Village olympique sans des personnes majeures à mes côtés mais bon, c’était cool d’avoir 16 ans et de vivre cette expérience !
Tu en retires quoi de cette expérience aux Jeux Olympiques justement ?
Je pense que j’ai pris de la maturité.Quand on rentre dans un cycle olympique, il faut essayer de se prendre en charge soi-même. Les entraîneurssont là pour nous accompagner dansnotre projet. Ils ne sont pas sur notre dos comme des petites qui font leur première compétition. Quand on est grande, on est beaucoup plus autonome, on connaît son corps, on connaît ses besoins. Donc, si t’as envie de te mettre à fond dans ton projet, tu t’en donnes les moyens, tu fais tout ce qu’il faut pour récupérer au maximum et pour y arriver.
Toi, personnellement, tu arrives à rebondir quand ça ne va pas ?
Je me dis que c’est comme ça, c’est la vie, on va dire. Et même c’est le sport tout court, il faut passer outre.
Est-ce que tu as un coach mental pour accompagner ta pratique dans le haut niveau ?
Oui, j’en avais un juste pour les Jeux. Et je pense qu’il faut que je continuede faire ce travail tout au long de ma carrière, parce que pour un sportif ou même dans la vie en général, c’est super important d’avoir quelqu’un qui vous suit. Moi, ça m’aide beaucoup à être moins brouillon dans tout ce que je fais par exemple. Et côté JO, ça m’a appris à me remettre en question : prendre conscience de ce que je faiset ne plusfaire les choses sans réfléchir.
Comment parviens-tu à jongler entre ton parcours sportif et celui de lycéenne ?
J’ai des horaires aménagés mais c’est quand même difficile parce qu’en dehors de l’entraînement – 30 à 32 heures de gym par semaine – j’ai 15 h de cours. Je suis en première générale. Et puis après, quand je rentre de mes journées, je dois bosser sur mes cours. Je veux être architecte. J’adore dessiner.
Tu ne souffres jamais de ce rythme très soutenu en tant qu’adolescente ?
C’est juste un train de vie à prendre. Et puis quand je me lève le matin, je sais ce que je veux et c’est ce dont j’ai envie. Et décrocher des médailles, ça donne envie d’aller encore plus loin, de faire encore plus d’efforts pour en gagner de plus en plus.
Mais finalement, comment es-tu tombée dans la marmite de la gymnastique artistique étant petite ?
Dès que j’ai su marcher, je ne tenais pas en place à ce qu’on m’a dit. Donc ma maman, qui a aussi été une gymnaste, m’a mise à la baby gym à Hong Kong où je suis née. Après, je me suis défoulée dans des aires de jeux quand on est rentrés et qu’on s’est installés en Belgique car on ne trouvait pas de gymnase à côté de la maison. Et c’est de retour en France que j’ai pu m’inscrire dans un club dès l’âge de 3 ans. J’ai changé de club à 6 ans, pour celui de Gym’Dans’ Francheville.
La gym pour toi, c’était presque inné alors. Tu es d’ailleurs repérée très jeune et tu entres en équipe de France à l’âge de 13 ans…
Je suis rentrée au Pôle France à l’âge de 9 ans, j’étais en CM2. Et c’est en 4e, je me souviens, que j’ai fait ma première équipe de France. Et c’est à ce moment-là que ça c’est un peu enchaîné.
Pourtant, tu ne « rentrais pas dans les cases » pour le circuit du haut niveau français apparemment. Qu’est-ce qui a changé la donne ?
La Fédération ne me voulait pas au départ parce que j’étais trop raide semble-t-il, mais une entraîneuse s’est battue pour que je puisse rentrer au Pôle. Elle pensait qu’on allait faire quelque chose de moi. Et elle m’a fait progresser suffisamment pourque j’atteigne l’équipe de France.
Comment tu définirais tes atouts en gym ?
Moi, je suis explosive et dynamique. Et je performe surtout au saut de cheval et au sol.
Est-ce que ça t’arrive d’avoir peur, de te faire mal par exemple ?
Je n’y pense jamais. Je suis plutôt casse-cou, je n’ai pas peur donc je travaille à équilibrer ça justement. Je n’ai eu que des petites blessures depuis le début de ma carrière et seulement unefracture de fatigue au niveau du tibia l’année dernière.
Être une sportive de haut niveau, ça apporte quoi dans ta vie d’ado ?
Quand on est gymnaste de haut niveau, on est peut-être plus mature que la normale. En fait, je pense qu’on est beaucoup plus déterminé que des personnes qui ne font pas de sport ou pas avec la même intensité, le même projet. Là, on sait déjà ce qu’on veut. On a un but dans la vie, un but précis. Et ça, je pense que ça plaît parce que les entreprises recherchent des personnes qui sont déterminées et qui savent ce qu’elles veulent dans la vie. Je sais qu’en école d’architecte par exemple, ils apprécient particulièrement les sportifs de haut niveau parce qu’onest travailleurs. Disons, pour résumer, que nous avons un avenir, pas tout tracé, mais une vision de notre avenir.
Qu’est-ce que tu aimerais dire aux jeunes filles de ton âge ou à celles qui te regardent déjà comme un modèle ?
Croyez en vos rêves.Donnez tout ce que vous avez.Dépassez-vous au maximum et rêvez grand !
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