Lis Hartel La cavalière pour qui aucun obstacle n’était trop grand

Lis Hartel La cavalière pour qui aucun obstacle n’était trop grand
Légende du monde équestre, elle a raflé plus d’une médaille alors même qu’elle luttait contre une poliomyélite. Première cavalière médaillée aux Jeux Olympiques, la Danoise Lis Hartel était une dresseuse hors pair. À cheval et en béquilles, ses combats sont encore aujourd’hui source d’inspiration. Retour sur le parcours d'une pionnière méconnue.

Par Manon Gimet

Publié le 25 juin 2021 à 10h20, mis à jour le 21 août 2024 à 9h51

Née en 1921 dans un pays, le Danemark, où l’équitation de haut niveau est alors pratiquée en majeur partie par des hommes, la carrière sportive de Lis Hartel est tout simplement étonnante. Entourée de chevaux et d’une mère instructrice à l’école d’équitation de Copenhague, elle est initiée, toute jeune, au seul sport individuel qui se pratique…à deux. Très vite, Lis Hartel ne fera plus qu’un avec son cheval.

Entre ses cours de sauts d’obstacles et ses balades en selle, elle s’intéresse aussi et surtout aux différentes figures de la discipline du dressage. Voltes, piaffer, changements de pied et appuyer, la voilà passionnée !

Définitivement mordue de cheval, Lis Hartel n’a pas encore 20 ans lorsqu’elle se lance dans la compétition. Sa mère, Else Holst, laisse alors la place à un autre entraîneur, l’ex-cavalier professionnel Gunnar Andersen. Avec lui, elle remporte ses premiers prix : deux médailles d’or au championnat national de dressage, deux années consécutives, en 1943 et 1944.

Elle devient ainsi une cavalière reconnue dans son pays et la suite va donner raison à ceux qui voient en elle une cavalière de feu. L’impressionnant destin équestre de Lis Hartel se dessine, elle est dans les starting-blocks (ou plutôt les étriers) pour galoper de victoire en victoire.

Elle ne sait pourtant pas encore que cette belle destinée va lui jouer des tours. Lis Hartel a 23 ans, elle est mère d’un enfant de 2 ans et enceinte du second. Pendant cette deuxième grossesse, en 1944, elle est soudainement paralysée. Verdict des médecins : elle est atteinte de la poliomyélite.

Après plusieurs mois d’hôpital, elle donne naissance à un bébé en bonne santé mais, pour elle, c’est la descente aux enfers. Remonter un jour à cheval ? Les médecins sont plus que pessimistes. Si Lis Hartel parvient à remarcher, plusieurs mois plus tard, ce sera avec deux cannes et elle demeure paralysée en dessous des genoux.

Lis Hartel, pourtant, n’a plus que cette idée en tête : reprendre le fil de sa carrière. Elle se fait alors hisser sur la selle de son cheval, Jubilee, et adapte sa monte à son handicap. Les chutes se multiplient, elle tient bon. La cavalière apprend à diriger son animal, lui fait réaliser des figures au poids du corps, sans utiliser ses jambes. Une technique de dressage inédite.

Trois ans plus tard, en 1947, de retour à la compétition, elle termine deuxième des championnats scandinaves. Mais, c’est en 1952 qu’elle marque définitivement le monde équestre. Lis Hartel fait partie des premières femmes à disputer la compétition de dressage, alors seulement réservée aux officiers, lors des Jeux Olympiques d’Helsinki.

Lis Hartel avec Henri Saint Cyr

Malgré son handicap, elle décroche la médaille d’argent en individuel et c’est une championne émue qui monte sur le podium olympique, aidée par le cavalier suédois, Henri Saint Cyr, vainqueur de la compétition.

Lis Hartel est de nouveau dans la course et ne s’arrête pas là : la même année, elle remporte le championnat du Danemark de dressage. En 1953, 1954 et 1956, elle rafle encore l’or aux championnats nationaux et décroche son billet une nouvelle fois pour les Jeux Olympiques de 1956 à Stockholm, en Suède. Lis Hartel est la cavalière danoise la plus capée des Jeux de son époque. Un air de déjà vu…elle s’adjuge la médaille d’argent en individuel.

Après un dernier championnat national de dressage avec l’or au cou et un nouveau cheval au nom prédestiné, Limelight (Feux de la rampe), la cavalière quitte… la selle.

Pour autant, son cœur est chevaleresque. Lis Hartel ne cessera pas de galoper et offrira au monde des démonstrations et autres spectacles équestres afin de récolter des fonds pour la recherche sur sa maladie, la poliomyélite. Le combat mené pendant des années pour continuer à concourir et sa notoriété lui permettent de promouvoir l’équitation thérapeutique, notamment via sa fondation, la Lis Hartel Foundation.

Les bottes et les éperons raccrochés, en 1992, elle est intronisée au Temple de la renommée du Danemark et devient la première Scandinave à intégrer le Women’s Sport Hall of Fame à New York, en 1994. Lis Hartel fait partie des dix meilleurs athlètes du Danemark de tous les temps.

C’est plongé dans le froid hivernal, le 12 février 2009, que le Danemark apprend le décès de sa cavalière émérite. Lis Hartel a 87 ans et laisse un bel héritage : son histoire forte, à la fois dramatique et pleine d’espoir, cette histoire de résilience qui donne aux malades, aux personnes handicapées, la force de monter à cheval et prouve que l’équitation peut servir de thérapie pour combattre la maladie.

Mais aussi un élan formidable : des associations pour les cavaliers en situation de handicap voient le jour partout dans le monde tandis que perdurent son engagement et son travail pour promouvoir l’équithérapie via sa fondation, au Danemark.

On disait d’elle qu’elle avait « défriché les terres vierges du dressage ». Lis Hartel était davantage qu’une pionnière, elle était et demeure un modèle dans le milieu du sport.

Vous aimerez aussi…

Iga Swiatek

Roland-Garros : les 7 dernières killeuses de la terre battue

Les Internationaux de France de tennis s’ouvrent porte d’Auteuil et avant de savoir qui soulèvera la coupe Suzanne-Lenglen (les paris donnent gagnante Iga Swiatek sur notre photo), zoom sur les championnes de ces sept dernières années, celles, souvent inattendues, qui ont brillé sur les courts du plus grand tournoi parisien.

Lire plus »
Martina Caironi, la Charlie’s Angel italienne du para-athlétisme

Martina Caironi, la Charlie’s Angel italienne du para-athlétisme

Superstar et pionnière du para athlétisme dans son pays, la double championne olympique italienne Martina Caironi, 34 ans, s’apprête à prendre d’assaut la piste des Jeux Paralympiques de Paris 2024. Amputée de la jambe gauche à 18 ans, elle a su se reconstruire grâce au sport, le sport qui a réenchanté sa vie. Une inspiration !

Lire plus »
Alice Modolo

Alice Modolo : 100 mètres, le rêve !

La divine descente en eaux troubles d’un poisson nommé Modolo. L’apneiste française vient de réaliser son rêve de toujours : plonger à plus de 100 mètres dans les profondeurs. Et, hop, un nouveau record de France !

Lire plus »
La Traversée Marthe Robert 2021

À l’eau pour Marthe Robert !

En maillot ou en combinaison, le Lac de Neuchâtel, en Suisse, accueille ce week-end des nageurs prêts à se mouiller pour rendre hommage à la pionnière Marthe Robert. Organisée par la Société de Sauvetage et de Vigilance Nautique de Neuchâtel, la première édition de la Traversée Marthe Robert se jette à l’eau. À vos lunettes et bonnets !

Lire plus »
Senda Berenson, celle qui a conjugué le basket au féminin

Senda Berenson, celle qui a conjugué le basket au féminin

Longtemps réfractaire à l’éducation physique, Senda Berenson s’est servie du sport pour renforcer sa constitution fragile. Devenue professeure de sport à Boston, elle s’est mise en tête d’y convertir ses élèves en les initiant à une discipline toute jeune, le basketball. Retour sur le parcours d’une pionnière qui a su saisir la balle au bond.

Lire plus »
Tessa Worley

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Quelques idées pour entretenir sa culture du sport féminin, un trail nocturne et enneigé, des descentes à 250 km/h, une délégation olympique française qu’on espère bientôt en or aux JO de Beijing 2022 (dont Tessa Worley sur notre photo), le retour de notre fameuse « question qui tue », une rugbywoman qui défonce les préjugés et une athlète qui les prend de vitesse, c’est le Best-of ÀBLOCK! de la semaine. Enjoy !

Lire plus »

Il était une fois le judo… féminin

Art martial, il a longtemps été une « histoire de bonhommes ». Les compétitions de judo, littéralement « voie de la souplesse », ne se sont ouvertes aux femmes qu’en 1980. Une certaine Rena « Rusty » Kanokogi trouva pourtant un subterfuge pour fouler les tatamis bien avant l’heure…

Lire plus »
Raymonde Cornou : « Lorsque j’ai commencé à courir, certains hommes me bousculaient, me criaient de retourner à ma cuisine. »

Raymonde Cornou : « Quand j’ai commencé à courir, des hommes me criaient de retourner à ma cuisine. »

Son histoire est pour le moins épique. Elle est la première Française à s’être alignée au départ du marathon de New York, l’une des pionnières des courses longues distances sur route en France. Raymonde Cornou a ouvert la voie à une époque où les femmes n’étaient pas autorisées à courir un marathon. Radiée à vie de la Fédération Française d’Athlétisme pour avoir bravé les interdits, rien ni personne n’a pu l’arrêter. Rencontre avec une athlète au caractère aussi acéré que les pointes de ses chaussures.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner