Dans le tableau vivant et aquatique de la natation française, un personnage singulier détonne par son parcours, aussi atypique qu’inspirant. Analia Pigrée, étoile de Cayenne, plonge très tôt dans l’univers de la natation. C’est sur le crawl et le papillon qu’elle fait ses débuts. Sa source d’inspiration est Malia Metella, vice-championne olympique du 100m nage libre à Athènes en 2004 et elle aussi originaire de Guyane.
Le destin d’Analia Pigrée se dessine dans les eaux de Font-Romeu, sous l’œil expert de Philippe Schweizer. La nageuse quitte son cocon familial à l’aube de ses 15 ans. Un plongeon dans l’inconnu. Loin de sa Guyane natale, elle cherche, dans l’adversité des eaux métropolitaines, une résistance à la mesure de son ambition.
Très rapidement, elle se hisse au sommet, non sans changer de discipline, se métamorphosant en reine du dos crawlé. « Se transformer chaque jour », telle est la devise de cette championne, sculptant dans l’écume et les vagues son chemin vers l’excellence.
Toutefois, son épopée n’a pas été sans remous. La saison 2021 s’ouvre sur une note d’amertume. Analia manque la qualification olympique pour Tokyo. Mais elle ne laisse pas ce contretemps freiner son élan. À Chartres, lors des Championnats de France, trois podiums nationaux la propulsent sur le devant de la scène.
La Guyanaise écrase le record de France du 50 m dos. Puis elle marque de son empreinte les bassins européens lors de sa première sortie internationale. Aux championnats d’Europe de Kazan, Analia Pigrée récolte l’argent et le bronze.
La finale du 50 m dos aux Championnats du monde en petit bassin 2021 à Abou Dabi, aux Émirats arabes unis, est un spectacle de puissance et de grâce. Analia Pigrée termine au pied du podium. Mais elle brise la barrière des 26 secondes, un exploit inédit pour la France.
Six mois plus tard, elle traverse une épreuve douloureuse en raison d’une blessure à l’épaule, mais elle se jette dans l’arène mondiale, cette fois en grand bassin, à Budapest, pour en revenir auréolée de bronze. Une première historique pour la France sur cette distance. Analia Pigrée, la benjamine du podium, flirte avec l’or à seulement 9 centièmes de la fusée américaine et grande victorieuse des Mondiaux Katharine Berkoff.
Le graal, elle l’acquiert dans la ville éternelle de Rome, lors des Championnats d’Europe 2022. La veille de la finale du 50m dos, la Française confie, un brin inquiète, qu’elle manque de sensation dans l’eau. Pourtant, le jour J, quelque chose de magique se produit. Alors que le coup de départ retentit, Analia Pigrée plonge dans la piscine avec une seule idée en tête : donner le meilleur d’elle-même.
L’exploit est immense. Non seulement elle domine ses adversaires, mais elle bat également son propre record de France, arrêtant le chrono à 27,27 secondes. Miss Pigrée s’offre ainsi son premier grand titre international. De l’inquiétude de la veille, il ne reste plus rien, balayée par l’exaltation de la victoire et la douceur d’un record battu.
La nageuse sort de l’eau, le visage illuminé d’un sourire qui en dit long sur une joie sans limite. Analia Pigrée déclare avec cette humilité et cette fraîcheur qui la caractérisent : « Je fais le record de France, je fais mon meilleur temps… Premiers Championnats d’Europe, premier titre, c’est quelque chose de bien. J’espère pouvoir continuer comme ça. »
La championne du Canet 66 natation, qui s’entraîne toujours au CNEA de Font-Romeu, brille encore lors des Championnats d’Europe 2023 en petit bassin. Fidèle à sa réputation, elle décroche une médaille d’argent au 50 m dos. De bon augure à quelques mois des Jeux de Paris 2024. La Française a réalisé les minima sur le 100m dos.
Analia Pigrée est une source d’espoir et de promesse pour l’équipe de France à l’horizon de ces Jeux. Sa discipline, le dos, n’est pas seulement une technique de nage, mais une métaphore de sa démarche : avancer en regardant le monde sous un autre angle, et toujours, malgré les vagues, malgré les tempêtes, rester fidèle à sa voie.
Avec son audace et sa ténacité, Analia Pigrée incarne l’esprit d’une natation française qui ose, qui innove, et qui, surtout, ne craint pas de nager à contre-courant. La Guyanaise, loin des rivages familiers, a déjà conquis les eaux internationales. Et ce n’est que le début, car elle est ÀBLOCK!