Le tir sportif est né en France en 1369. À l’époque bien sûr, il n’est pas encore question d’armes à feu, bien qu’elles apparaissent en Europe à partir du XIIIe siècle. Tandis que la guerre de Cent Ans fait rage, le roi Charles V recommande aux Français la pratique de l’arc et de l’arbalète. Les premiers concours de tir sur cible officiels et codifiés sont alors organisés. Des siècles plus tard, en 2021, le tir occupe la 4e place des sport individuel les plus pratiqués au monde. Avec le temps, les compétitions et les stands se sont peu à peu ouverts aux femmes… mais comme elles furent obligées de s’armer pour défendre leur village durant la Guerre de Cent Ans, les femmes durent se battre aussi pour s’imposer dans l’univers du tir sportif.
Il faut dire que ce sport a longtemps été réservé aux hommes. En même temps, l’ancêtre de la Fédération Française de Tir n’est autre que La Ligue des Patriotes. Cette dernière a été créée après la guerre de 1870 (la France perd alors l’Alsace et la Lorraine) et est devenue l’un des mouvements pionniers du nationalisme Français. À l’époque, on est bien loin du tir vu comme un sport… En juin 1886, la Ligue devient l’Union des Sociétés de Tir de France. Son but ? Organiser des Championnats nationaux et scolaires, établir des records et préparer la jeunesse (les garçons, en fait) à l’obtention de leur certificat d’aptitude militaire. La pratique du tir devient véritablement sportive lorsque le fondateur des JO, Pierre de Coubertin, décide d’en faire une discipline olympique, en 1896.
Bon, et les femmes dans tout ça ? Elles doivent attendre quatre-vingt-un ans avant d’être autorisées à intégrer les équipes olympiques… On ne vous parle même pas des premières épreuves 100 % féminines, qui n’apparaissent qu’en 1984. Aux Jeux Olympiques d’été de Los Angeles, le public assiste donc à trois épreuves féminines de tir (contre cinq pour les hommes) et à trois épreuves mixtes. La machine du changement est lancée, mais elle va mettre du temps avant de tirer juste.
Aux JO de 1976 par exemple, l’Américaine Margaret Murdock – pionnière et légende du tir sportif qui a toujours vécu sa discipline entouré d’hommes – participe justement à une épreuve mixte. À la fin des Jeux, elle et son coéquipier, Lanny Bassham, arrivent parfaitement ex æquo. Or, s’il est récompensé de l’or et invité à monter sur la plus haute marche du podium, Margaret doit se contenter de la deuxième place. Margaret, elle, a eu ce qu’elle voulait (tirer) et s’en satisfait (pour l’heure) très bien : « Depuis toute petite, soit je tirais avec les hommes, soit je ne tirais pas. Donc je tirais aux côtés des hommes et je les battais », confiera-t-elle en riant. Lanny, lui, est furieux. « En ce qui me concerne, tu mérites une médaille d’or olympique », lui dit-il avant d’insister pour qu’elle le rejoigne sur la première marche quand retentit l’hymne national.
Le geste est beau… mais ne change absolument rien. Des femmes participant aux compétitions de tir, ça ne passe décidément pas. En 1996, l’Union internationale de tir et le Comité International Olympique (CIO) décident donc de supprimer les épreuves mixtes. Aux JO d’Atlanta, les épreuves féminines de tir disparaissent elles aussi du programme. Un bel exemple d’invisibilisation du sport féminin… Certes, c’était il y a longtemps et les choses évoluent, mais le changement prend son temps. Les compétitions de tir par équipe mixte par exemple, la Fédération internationale de tir a décidé de leur retour il y a seulement six ans ! Heureusement, rien ne semble décourager les amoureuses de la gâchette. Sylvie Couturier, professeur d’histoire-géographie et championne de tir sportif, l’affirme dans une interview à France 3 : « les femmes sont aussi douées que les hommes ». Et les chiffres lui donnent raison : en 2023, 45 % des sportifs de haut niveau au tir sont des femmes.
La FFTir souhaite d’ailleurs insuffler la même dynamique chez les amateurs. Elle a décidé de créer, en 2013, un « plan de féminisation » de la pratique. Depuis, des opérations comme « les mois des ELLES du TIR SPORTIF » sont lancées chaque année à travers la France. Que les détracteurs continuent donc de pointer du doigt les tireuses, elles s’en fichent ! Mathilde Lamolle, Agathe Girard et les autres n’ont qu’un seul objectif : viser, tirer et toucher la cible. On espère que leur détermination parviendra surtout à toucher le cœur des nouvelles générations.