« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours fait du sport. Pas à haut niveau, mais constamment. Du handball, de la gym, du vélo, je courrais pour le plaisir, je marchais aussi. Je vivais dans l’Ariège où une tante, qui pratiquait le cyclisme sur route à haut niveau, m’emmenait faire de la randonnée, j’adorais ça. J’avais 8 ans et la montagne, je la parcourais à pied, à vélo…
Pourtant, je viens d’une famille modeste, pas très sportive, mais j’avais besoin de bouger, ça me permettait de m’évader. J’étais à l’école, au lycée, lorsque j’ai su que j’entrerais dans l’armée. On se demande alors ce qu’on va faire comme métier et je me suis dit : cohésion, sport, patriotisme, trois mots qui me définissent bien.
Et puis, je n’étais pas faite pour rester derrière un bureau.
Les campagnes de recrutement pour servir dans l’armée m’ont tout de suite plu : les militaires se tirent la bourre, ils ont un côté “tout ce que je fais, je le fais à fond“, ce challenge permanent dans le but de gagner, de se dépasser. Je voulais jouer la gagne, par fierté, certes, mais en faisant les choses avec le cœur.
Je suis entrée à L’École nationale des sous-officiers d’active à Saint-Maixent puis au Centre national d’entraînement commando, à Mont-Louis, dans les Pyrénées-Orientales.
Dans ce centre, je me suis régalée ! On multipliait les stages : brevet d’alpinisme militaire, brevet de skieur militaire, brevet parachutiste et activités commando avec des parcours d’obstacles, des pistes d’audace (exercices d’escalade, entraînements en milieu humide, de jour comme de nuit… le tout visant à lutter contre ses peurs, Ndlr), mise en œuvre d’explosifs, techniques de combat, techniques d’optimisation du potentiel… Il faut aimer se faire mal et c’est mon cas !
J’ai ensuite été mutée dans un Groupement de soutien de la base de défense de Carcassonne. C’était différent, il y avait moins d’action. Mais je poursuivais mon sport. Où que je sois, je continue le sport. Le militaire se doit de s’entretenir un minimum.
En 2016. J’ai rejoint le 3e RPIMa, toujours à Carcassonne. Un régiment para avec des critères exigeants, des tests d’entrée pour devenir parachutiste. Physiquement, il faut tenir la distance, mais c’est possible, la preuve. Il faut du physique, c’est vrai, mais le mental joue beaucoup. Quand les jambes ne suivent plus, la tête fait le reste.
Je m’y sens à ma place. Nous sommes peu de femmes ici, mais le regard des hommes n’est pas un problème. Je pense, qu’à un moment donné, un homme sera plus fort qu’une femme, même si je cours plus vite que certains, la nature est ainsi. Mais les hommes voient tout de suite si vous mettez du votre : celle qui montre qu’elle se dépassent, celle qui est dans l’effort.
Je me rappelle avoir fait des marches pendant mes formations, où les hommes arrêtaient avant moi. C’est une fierté personnelle, c’est vrai. Pour eux, pour leur égo, la pilule est parfois dure à faire passer, mais, derrière, c’est du respect.
Un respect qui vient des deux mondes : militaire et sportif. Le sport aide à être respecté, le résultat impose le tempo. Il y a quelques filles, ici, quand elles mettent des gants de boxe, les mecs viennent les voir sur le ring et les regardent au début comme deux femmes qui se battent, et s’aperçoivent très vite, que ce n’est pas que ça, que ça tape dur.
Je suis plutôt réservée de nature mais, un jour, d’autres coureuses sont venues me voir, dans l’idée de se préparer pour les championnats sportifs militaires par équipe. Ça a « matché » et j’ai dit ok.
Au programme, séance de sport tous les matins, entre 8h et 9h30. On s’entraîne ensemble, pour notre unité. Peu importe le grade. On est en mode sport, la hiérarchie n’est pas un problème.
En 2018, nous avons été Championnes de France militaire par équipe de cross-country armée de Terre et interarmées en 2019. Cette année-là, j’ai aussi décroché la 3e place au championnat de France militaire de duathlon et j’ai été vice-championne armée de Terre de cross-country individuelle.
C’est singulier, on ne court pas face à des athlètes de haut niveau, même s’il y en a certaines. Mais j’en suis fière !
Et puis, il y a les sauts en parachute : j’ai passé le brevet de chuteur militaire. C’est un mode de vie d’être parachutiste. Tout le monde ne saute pas d’un avion en vol. C’est une grande famille, les paras, on est là dans les bons et les mauvais moments : cohésion, dépassement, il faut le vivre !
Mon compagnon est également militaire, ex-parachutiste. Mais on ne fait pas forcément du sport en couple car on pratique des disciplines différentes ou alors en mode détente, même s’il arrive qu’on se challenge, je crois qu’on ne sait pas faire sans ça !
À travers le sport, on en apprend beaucoup sur soi-même, sur nos propres limites. Après treize ans de service, je connais mieux mon corps, c’est aujourd’hui que je fais mes meilleures performances.
Je vais bientôt rejoindre un Groupement de soutien du Gabon. J’espère, là-bas, pouvoir pratiquer mon sport comme ici, participer à quelques compétitions. Je vais emmener le vélo, on va chasser, pratiquer la pêche sous-marine. J’aime l’idée de me renouveler dans le sport. Ça permet de se découvrir.
J’ai déjà fait l’Afrique et je sais qu’il faut le temps de s’adapter au climat, mais ça va le faire, le sport, c’est pas loin d’être ma vie. »
Ouverture ©3eRPIMa