Adrien Tarenne «  En athlétisme, on n'observe pas de désertion des jeunes filles à l'adolescence. »

Kids Adrien Tarenne : «  En athlétisme, on n'observe pas de désertion des jeunes filles à l'adolescence. »
Il est responsable du service développement des pratiques jeunes, forme-santé et running à la Fédération Française d’Athlétisme (FFA). Adrien Tarenne revient, pour ÀBLOCK !, sur l’attrait de l’athlétisme chez les moins de 16 ans et, plus particulièrement, chez les filles.

Par Sophie Danger

Publié le 24 septembre 2024 à 17h19, mis à jour le 13 janvier 2025 à 16h10

La Fédération française d’athlétisme comptait, jusqu’à cet été, plus de 310 000 licenciés sur tout le territoire. Les Jeux Olympiques de Paris ont-ils eu un impact sur la pratique ?

Au terme de la saison 20232024 qui s’est terminée au 31 août, la Fédération Française d’Athlétisme (FFA) compte 313 000 licenciés. Nous sommes très attentifs à la rentrée puisqu’elle intervient après les Jeux Olympiques de Paris et, pour le moment, les chiffres sont très positifs : la progression devrait être majeure, probablement autour de 10 %, voire plus.

Parmi ces 313 000 licenciés, la FFA compte 40 % de moins de 16 ans. Comment expliquez-vous cet attrait pour l’athlétisme chez les jeunes ?

La principale raison est que nous faisons partie de ces sports reconnus pour proposer un développement assez global des qualités physiques chez les jeunes. Il y a également le fait que l’athlétisme est un sport très accessible : il n’y a pas beaucoup de matériel dans lequel investir pour venir pratiquer, on peut trouver des équipements sportifs un peu partout sur le territoire, même chose en ce qui concerne les clubs avec un beau maillage territorial et 25 000 entités dont 1 600 environ qui proposent « l’athlé de 16 ans ».

On peut également évoquer l’image associée à l’athlétisme – et notamment auprès des parents dont le rôle est primordial dans le suivi de l’activité des moins de 16 ans – qui est également un point qui joue en faveur de la pratique.

Si je devais résumer, nous faisons partie de ces quelques sports qui séduisent grâce à une combinaison d‘accessibilité et dimage et c’est ça qui explique le fait qu’il y ait beaucoup de jeunes qui pratiquent lathlétisme aujourd’hui.

©Pexels/Mary Taylor

Vous évoquez « l’athlé de 16 ans », cela signifie que la pratique est évolutive en fonction de l’âge ? 

Tout à fait. Avant 16 ans, nous parlons d‘éducation athlétique. C’est une pratique qui s’inspire de la pratique des adultes mais qui n’est pas tout à fait la même. La base de l’athlétisme, c’est la pluridisciplinarité, à savoir, le courirsauterlancermarcher. Chez les moins de 16 ans, on explore tout quand les adultes ont la possibilité de se spécialiser.

Parallèlement à cela, nous avons mis au point un programme pédagogique complet, proposé notamment aux moins de 12 ans, que nous avons appelé Pass’Athlète. C’est un programme d’âge avec des contenus très spécifiques adaptés aux diverses catégories qui a été développé par une équipe de cadres techniques, d’enseignants spécialistes de l’athlétisme, et qui s’appuie sur la diversité des pratiques de l’athlétisme.

L’idée est de rythmer la saison à travers une multitude de situations d’apprentissage par le jeu. La compétition n’est introduite dans la pratique qu’à partir de 1213 ans. Avant cet âge-là, on limite cette logique.

©Yonathan Kellerman/FFA

À quel âge, peut-on commencer à pratiquer l’athlétisme et quelles sont les étapes qui vont baliser graduellement la pratique jusqu’à 15-16 ans ?

Nous faisons partie de ces fédérations qui ont développé des programmes spécifiques baby athlé. Nous pouvons accueillir des jeunes dans les clubs qui mettent en place ces sections à partir de 4 ans, à savoir la moyenne section de maternelle. À cet âge-là, on est sur des jeux de motricité, de la découverte du matériel d’entraînement Ça se passe d’ordinaire en salle et ça nécessite un équipement adapté, ce qui explique que tous les clubs ne soient pas en mesure de le proposer.

De 4 à 12 ans, et même encore un peu après, les licenciés ont ensuite la possibilité d’avoir un passeport qui retrace tous les acquis relatifs aux différentes habiletés motrices et aux connaissances liées à la culture et au cadre de la pratique. Ça se présente sous la forme d’un petit livret et ça permet de faire le lien avec les parents, de leur présenter tout ce que l‘on travaille, et les objectifs de chaque saison. Les jeunes reçoivent, pour leur part, un badge qui matérialise leur progression, un peu comme les étoiles en ski

©Yonathan Kellerman/FFA

En quoi ce badge est important pour les jeunes pratiquantes et pratiquants ?

Ça permet de maintenir un fil rouge, année après année, par rapport aux objectifs fixés. Quand, à partir de 15 ans, on introduit un peu de compétition dans la pratique, la motivation des jeunes licenciés se focalise généralement dessus. Chez les moins de 12 ans, on va plutôt chercher à valider les différentes évaluations qui concernent les temps de passage, l’habileté, les compétences motrices proposées à travers le programme pédagogique que j’évoquais précédemment.

©Yonathan Kellerman/FFA

Lorsque l’on amorce le début de la spécialisation, y a-t-il des disciplines vers lesquelles les jeunes filles se tournent plus volontiers ? 

Je vais me référer au témoignage d’une jeune fille qui est venue sur une session organisée avant l’été pour répondre. Pour elle, l’intérêt de sa pratique athlétique résidait dans le fait que quoi qu’il arrive, quelle que soit sa morphologie, sa motivation, sa sensibilité et ses aptitudes, il était possible de trouver un domaine dans lequel on serait forcément bon. Cette notion-là est hyper importante.

Pour le reste, nous n’avons pas de statistiques mais je ne pense pas me tromper en disant qu’il n’y pas de spécialités plus masculines ou plus féminines. L‘impact médiatique joue dans l’intérêt pour une pratique, les aptitudes physiques et la personnalité également. Par exemple, les jeunes très sûrs d’eux se tournent souvent vers le sprint, les profils que l’on pourrait qualifier de plus intellectuels vont chercher du côté des épreuves combinées ou des haies car ils y trouvent une approche stratégique un peu particulière Tout cela reste néanmoins un peu caricatural.

Je pense que ce qui fait qu’une jeune fille ou un jeune garçon s’investit durablement, c’est avant toute chose parce que l’athlétisme lui permet de s’exprimer, de découvrir qu’il est bon dans un domaine donné quelles que soient ses aptitudes et quel que soit son physique. C’est là où l’on se rend compte qu’organiser l’encadrement de la pratique de disciplines aussi différentes est très compliqué mais que c’est également un atout. 

©Yonathan Kellerman/FFA

Traditionnellement, à l’adolescence, on observe un phénomène récurrent à savoir que les jeunes filles se coupent plus ou moins radicalement de toute activité physique. Est-ce que ce constat vaut aussi pour les disciplines athlétiques ?

Non. L‘athlétisme et une pratique très légèrement majoritaire chez les jeunes filles. La saison dernière, il y avait 51,5 % de licenciées chez les moins de 16 ans. Elles sont encore plus majoritaires chez les U14U16 et un peu plus minoritaires chez les baby et les U10-U12. On peut donc dire qu’on a un peu plus de garçons qui pratiquent à l’école primaire, et plus de filles lorsqu’elles sont au collège.

Comment expliquer cet engouement à un âge charnière pour la pratique féminine ?

Je pense que c’est lié à la diversité des profils que l’on peut retrouver en athlétisme. Et puis l’athlétisme permet, pour beaucoup, de favoriser la confiance en soi à un moment, l’adolescence, où, par exemple, la pratique du basket peut devenir complexe si l’on n’a pas la taille adéquate...

En athlétisme, on rencontrera des jeunes gens bien charpentés qui vont peut-être avoir envie de s’exprimer dans les lancers, des profils plus menus qui vont se retrouver dans le demi-fond, des profils très toniques et un peu plus musclés qui vont s’orienter vers les sprints, la longueur, et puis des profils polyvalents qui vont privilégier les épreuves combinées. Ce sont toutes ces raisons qui, je pense, font que, au niveau des statistiques, on n’observe pas de désertion des féminines.

©Pexels/Gaby Lopez

Pour résumer, l’athlétisme est une pratique qui permet à la fois de prendre confiance en soi, de s’épanouir psychologiquement et physiquement ?

Oui et je rajouterai également à cela le fait que c’est un sport individuel, sans opposition directe avec un adversaire mais qui a malgré tout une dimension collective. Lorsque l’on regarde les Jeux Olympiques, les Championnats, on s’aperçoit que les athlètes se félicitent tous une fois la ligne d’arrivée passée ou le concours terminé et c’est très intéressant parce que cela signifie que l’on peut faire une très bonne course ou un excellent concours en étant dernier parce que l’on aura battu son record personnel, que l’on se sera dépassé.

Peut-être que pour les jeunes filles pour qui cette logique de dépassement de soi est souvent plus importante que celle de confrontation avec les autres, c’est une donnée particulièrement intéressante, tout comme ces dynamiques collectives que l’on retrouve à l’échelle des compétitions mais aussi des groupes d’entraînement.

©FFA

Ouverture ©Yonathan Kellerman/FFA

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