« Je n’ai pas peur ; Je suis juste excitée. Je le referai demain. Rien ne peut remplacer l’aventure pure et dure. » À 85 ans, cette femme au physique toujours impeccable et au tempérament d’acier a conservé le goût du risque…même après avoir été mordue à la jambe en plongeant au milieu de plus de quarante requins bleus – ce qui lui a valu trois-cents points de suture et une chirurgie plastique.
Cet appétit qui ne s’est jamais démenti, Valerie Taylor la cultive depuis son enfance – elle est née en 1935 – passée en bord d’océan à Sydney, en Australie : « J’ai commencé à harponner le poisson en plongée libre avant de rejoindre un club de pêche au harpon ». Là, elle fait la rencontre de sa vie. Pas encore avec le grand requin blanc mais c’est tout comme : avec son futur mari et coéquipier d’aventures sous-marines, Ron Taylor.
Ce dernier est alors champion du monde de chasse sous-marine masculine (spearfishing en anglais) et Valérie sera elle aussi, par la suite, trois fois championne nationale.
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Mais cette « équipée sauvage » raccroche bien vite le harpon après avoir réalisé le gâchis de cette activité qui détruit la vie marine. L’époque était à l’insouciance et les considérations environnementales quasi inexistantes. Alors que les requins sont vus comme des menaces, les images et films du couple de plongeurs donnent à voir des animaux dans leur habitat naturel sur lesquels il y a encore tout à découvrir.
Une nouvelle vocation est née et ils en sont les pionniers : à deux, ils deviendront photographes des profondeurs (après un certain Jacques-Yves Cousteau) privilégiant le grand prédateur sous-marin, le requin…
Les Taylor ont ainsi initié l’Australie et le monde entier aux merveilles de la vie marine. « Nous nous sommes concentrés sur les requins. C’était difficile, mais personne d’autre ne le faisait, alors nous avions le terrain pour nous seuls. De nos jours, c’est sacrément respecté. À l’époque, on nous lançait plutôt des : « Imbéciles ! ». »
Entre autres films et documentaires pionniers en la matière et récompensés – Shark Hunters et Blue Water, White Death -, ils seront les premiers au monde à filmer les grands requins blancs sans la protection d’une cage pour la réalisation du film Blue Wilderness en 1992 ainsi qu’à les filmer de nuit.
Le documentaire à succès Blue Water, White Death sorti en 1971 dans lequel on les voit, hors de la cage de plongée, repousser des requins océaniques en train de se nourrir d’une carcasse de baleine, leur vaut d’être repérés par Steven Spielberg himself. Valerie Taylor racontera des années plus tard à propos de cette séquence choc : « Quelques-uns ont réussi à m’avoir, je les ai juste repoussés très fort. Mais je savais que si un problème arrivait, j’étais finie ! »
Le couple d’experts est vite approché pour tourner les « vraies » séquences du Grand Requin blanc pour Jaws alias Les Dents de la Mer de Spielberg. « Ron a expliqué que nous allions devoir être à l’affut pendant plus d’un an pour obtenir tous ces plans de film car vous ne pouvez pas dire à un requin quoi faire. Et c’est à ce moment-là qu’ils ont décidé de se procurer « Bruce », le requin artificiel. Mais, chaque fois que vous voyez un requin entier dans le film, c’est un requin australien filmé par Ron à 100 % », confiait Valérie Taylor quelques années après la sortie du film devenu blockbuster.
Les Dents de la Mer, aujourd’hui iconique, a fait du grand requin blanc l’ennemi public N°1 du genre humain. Une fascination contre-productive que le couple a vite déploré. « C’est une histoire fictive à propos d’un requin fictif. Nous avons fait tous les talk-shows aux États-Unis pour dire aux gens de ne pas avoir peur mais cela n’a pas fait beaucoup de différence. C’était de l’ignorance et un manque de respect pour la vie sauvage », raconte la plongeuse.
Valerie Taylor l’explique encore aujourd’hui : « Je ne dis pas qu’ils sont bons, doux et gentils, mais je dis la vérité : ils ne nagent pas dans l’océan à la recherche de quelqu’un à manger. » Et d’ajouter dans un article du Guardian : « Seules environ sept espèces de requins sont potentiellement dangereuses. Les autres sont toutes des sweethearts. »
Encore faut-il s’appeler Valerie Taylor pour savoir comment affronter ces « adorables » grosses bêtes…
Après l’expérience Jaws qui diabolisa les requins – tout en engendrant cependant une fascination qui a suscité l’intérêt autour de cette espèce -, le couple se tourne définitivement vers la conservation des vies marines.
Adieu le docu’ sensation, place à l’observation des comportements des requins dans leur habitat naturel. La belle naïade donne encore de sa personne sous la caméra de son réalisateur de mari et s’engage à se faire « croquer » !
Au début des années 1980, elle porte une combinaison intégrale en cotte de mailles et plonge au milieu des requins avec des filets de thon, découvrant ainsi comment ils attaquent, mordent ou se nourrissent. Valerie Taylor est immortalisée en action sur la couv’ du magazine National Geographic en vraie Queen de l’écologie !
Nommée membre de l’Ordre de l’Australie (AM) en 2010 pour service à la conservation et à l’environnement en tant que défenseure de la protection et de la préservation de la faune et des habitats marins et en tant que directrice de la photographie et photographe sous-marin, Valerie Taylor lutte encore aujourd’hui pour la protection des créatures sous-marines et en particulier le grand requin blanc, le requin nourrice fauve, les otaries, la baleine franche australe et les tortues marines.
Elle s’est aussi battue pour la conservation d’habitats naturels tels que la Grande Barrière de Corail et le parc marin de Ningaloo Reef en Australie occidentale.
La relève s’inspire de cette femme incroyablement ÀBLOCK! résumant bien son parcours où la peur n’a jamais eu sa place : « Elle a prouvé que vous n’avez pas besoin d’être un scientifique pour faire la différence. J’aime la façon dont elle engage le public dans ce qu’elle fait, et j’aime la façon qu’elle a eu d’être une femme totalement intrépide et dure à cuire à une époque où c’était rare », confie celle que l’on pourrait présenter aujourd’hui comme son héritière dans la lutte pour les fonds marins et la défense des requins, Madison Stewart alias Shark Girl Madison.
Valerie Taylor, aujourd’hui nonagénaire, plonge encore fréquemment et s’enhardit toujours pour la protection des eaux côtières et internationales et notamment pour la question de la pollution plastique des océans : « Malheureusement, ce ne sera plus jamais comme avant. Nous avons vraiment eu un impact négatif, mais cela peut être corrigé. Pas partout, mais à certains endroits. Je ne parle pas de quelque chose que j’ai lu ou vu sur un ordinateur. Je parle de quelque chose que je connais et que j’ai vu de mes yeux. Et si nous le voulons vraiment, ce peut être corrigé. »