Rechercher

Valerie TaylorLa plongeuse écolo qui a inspiré « Les Dents de la Mer »

Valérie Taylor
Repérée par Spielberg pour tourner les "vraies" séquences terrifiantes de Jaws alias Les Dents de la Mer, cette ex-championne de chasse sous-marine repentie a toujours eu à coeur de défendre les requins et regrette que le film ait été contre-productif. Voix pionnière pour la conservation des fonds marins, Valerie Taylor n'a jamais eu peur des profondeurs.

Par Claire Bonnot

Publié le 12 juillet 2020 à 14h00, mis à jour le 28 septembre 2023 à 17h30

«  Je n’ai pas peur ; Je suis juste excitée. Je le referai demain. Rien ne peut remplacer l’aventure pure et dure. » À 85 ans, cette femme au physique toujours impeccable et au tempérament d’acier a conservé le goût du risque…même après avoir été mordue à la jambe en plongeant au milieu de plus de quarante requins bleus – ce qui lui a valu trois-cents points de suture et une chirurgie plastique.

Cet appétit qui ne s’est jamais démenti, Valerie Taylor la cultive depuis son enfance – elle est née en 1935 – passée en bord d’océan à Sydney, en Australie  : «  J’ai commencé à harponner le poisson en plongée libre avant de rejoindre un club de pêche au harpon ». Là, elle fait la rencontre de sa vie. Pas encore avec le grand requin blanc mais c’est tout comme : avec son futur mari et coéquipier d’aventures sous-marines, Ron Taylor.

Ce dernier est alors champion du monde de chasse sous-marine masculine (spearfishing en anglais) et Valérie sera elle aussi, par la suite, trois fois championne nationale.

Valerie Taylor

Mais cette «  équipée sauvage » raccroche bien vite le harpon après avoir réalisé le gâchis de cette activité qui détruit la vie marine. L’époque était à l’insouciance et les considérations environnementales quasi inexistantes. Alors que les requins sont vus comme des menaces, les images et films du couple de plongeurs donnent à voir des animaux dans leur habitat naturel sur lesquels il y a encore tout à découvrir.

Une nouvelle vocation est née et ils en sont les pionniers : à deux, ils deviendront photographes des profondeurs (après un certain Jacques-Yves Cousteau) privilégiant le grand prédateur sous-marin, le requin…

Blue_Water_White_Death affiche

Les Taylor ont ainsi initié l’Australie et le monde entier aux merveilles de la vie marine. « Nous nous sommes concentrés sur les requins. C’était difficile, mais personne d’autre ne le faisait, alors nous avions le terrain pour nous seuls. De nos jours, c’est sacrément respecté. À l’époque, on nous lançait plutôt  des : « Imbéciles ! ». »

Entre autres films et documentaires pionniers en la matière et récompensés – Shark Hunters et Blue Water, White Death -, ils seront les premiers au monde à filmer les grands requins blancs sans la protection d’une cage pour la réalisation du film Blue Wilderness en 1992 ainsi qu’à les filmer de nuit.

Le documentaire à succès Blue Water, White Death sorti en 1971 dans lequel on les voit, hors de la cage de plongée, repousser des requins océaniques en train de se nourrir d’une carcasse de baleine, leur vaut d’être repérés par Steven Spielberg himself. Valerie Taylor racontera des années plus tard à propos de cette séquence choc : « Quelques-uns ont réussi à m’avoir, je les ai juste repoussés très fort. Mais je savais que si un problème arrivait, j’étais finie ! »

Le couple d’experts est vite approché pour tourner les « vraies » séquences du Grand Requin blanc pour Jaws alias Les Dents de la Mer de Spielberg. « Ron a expliqué que nous allions devoir être à l’affut pendant plus d’un an pour obtenir tous ces plans de film car vous ne pouvez pas dire à un requin quoi faire. Et c’est à ce moment-là qu’ils ont décidé de se procurer « Bruce », le requin artificiel. Mais, chaque fois que vous voyez un requin entier dans le film, c’est un requin australien filmé par Ron à 100 % », confiait Valérie Taylor quelques années après la sortie du film devenu blockbuster.

Les dents de la Mer

Les Dents de la Mer, aujourd’hui iconique, a fait du grand requin blanc l’ennemi public N°1 du genre humain. Une fascination contre-productive que le couple a vite déploré. « C’est une histoire fictive à propos d’un requin fictif. Nous avons fait tous les talk-shows aux États-Unis pour dire aux gens de ne pas avoir peur mais cela n’a pas fait beaucoup de différence. C’était de l’ignorance et un manque de respect pour la vie sauvage », raconte la plongeuse.

Valerie Taylor l’explique encore aujourd’hui : « Je ne dis pas qu’ils sont bons, doux et gentils, mais je dis la vérité : ils ne nagent pas dans l’océan à la recherche de quelqu’un à manger. » Et d’ajouter dans un article du Guardian  : «  Seules environ sept espèces de requins sont potentiellement dangereuses. Les autres sont toutes des sweethearts. » 

Encore faut-il s’appeler Valerie Taylor pour savoir comment affronter ces « adorables » grosses bêtes…

Valerie Taylor
©Universal Studios

Après l’expérience Jaws qui diabolisa les requins – tout en engendrant cependant une fascination qui a suscité l’intérêt autour de cette espèce -, le couple se tourne définitivement vers la conservation des vies marines.

Adieu le docu’ sensation, place à l’observation des comportements des requins dans leur habitat naturel. La belle naïade donne encore de sa personne sous la caméra de son réalisateur de mari et s’engage à se faire « croquer » !

Au début des années 1980, elle porte une combinaison intégrale en cotte de mailles et plonge au milieu des requins avec des filets de thon, découvrant ainsi comment ils attaquent, mordent ou se nourrissent. Valerie Taylor est immortalisée en action sur la couv’ du magazine National Geographic en vraie Queen de l’écologie !

Valerie Taylor

Nommée membre de l’Ordre de l’Australie (AM) en 2010 pour service à la conservation et à l’environnement en tant que défenseure de la protection et de la préservation de la faune et des habitats marins et en tant que directrice de la photographie et photographe sous-marin, Valerie Taylor lutte encore aujourd’hui pour la protection des créatures sous-marines et en particulier le grand requin blanc, le requin nourrice fauve, les otaries, la baleine franche australe et les tortues marines.

Elle s’est aussi battue pour la conservation d’habitats naturels tels que la Grande Barrière de Corail et le parc marin de Ningaloo Reef en Australie occidentale.

Valerie Taylor La plongeuse écolo qui a inspiré « Les Dents de la Mer »

La relève s’inspire de cette femme incroyablement ÀBLOCK! résumant bien son parcours où la peur n’a jamais eu sa place  : « Elle a prouvé que vous n’avez pas besoin d’être un scientifique pour faire la différence. J’aime la façon dont elle engage le public dans ce qu’elle fait, et j’aime la façon qu’elle a eu d’être une femme totalement intrépide et dure à cuire à une époque où c’était rare », confie celle que l’on pourrait présenter aujourd’hui comme son héritière dans la lutte pour les fonds marins et la défense des requins, Madison Stewart alias Shark Girl Madison.

Valerie Taylor

Valerie Taylor, aujourd’hui nonagénaire, plonge encore fréquemment et s’enhardit toujours pour la protection des eaux côtières et internationales et notamment pour la question de la pollution plastique des océans : « Malheureusement, ce ne sera plus jamais comme avant. Nous avons vraiment eu un impact négatif, mais cela peut être corrigé. Pas partout, mais à certains endroits. Je ne parle pas de quelque chose que j’ai lu ou vu sur un ordinateur. Je parle de quelque chose que je connais et que j’ai vu de mes yeux. Et si nous le voulons vraiment, ce peut être corrigé. »

Soutenez ÀBLOCK!

Aidez-nous à faire bouger les lignes !

ÀBLOCK! est un média indépendant qui, depuis plus d’1 an, met les femmes dans les starting-blocks. Pour pouvoir continuer à produire un journalisme de qualité, inédit et généreux, il a besoin de soutien financier.

Pour nous laisser le temps de grandir, votre aide est précieuse. Un don, même petit, c’est faire partie du game, comme on dit.

Soyons ÀBLOCK! ensemble ! 🙏

Abonnez-vous à la newsletter mensuelle

Vous aimerez aussi…

surf

Nouveaux sports aux JO, Tokyo surfe sur la nouvelle vague

Ce sera une première ! Le surf, le skateboard, l’escalade et le karaté seront, pour la première fois de l’Histoire, au programme des JO qui débutent le 23 juillet, à Tokyo, au Japon. Quatre nouveautés et un retour attendu, celui du softball, pour un rendez-vous olympique qui comptera, au total, 48 disciplines. Revue d’effectifs.

Lire plus »
Hélène Pietrenko : « En sport, je me fixe peu de limites. »

Hélène Pietrenko : « En sport, je me fixe peu de limites. »

Elle a marqué les esprits en 2022 en remportant le classement féminin de la NatureMan Explorer. Cette année, cette fondue de sport nature et de défis extrêmes, tentera de graver, de nouveau, son nom dans le marbre en devenant l’une des rares femmes à boucler la French Divide dans les temps, une course de 2 200 kilomètres en bikepacking et sans assistance. Rencontre avec l’impressionnante Hélène Pietrenko.

Lire plus »
Nouria Newman

Nouria Newman : « En kayak extrême, tu es seule face à toi-même. »

Baroudeuse kayakiste, elle maîtrise haut la main les rapides les plus dingues de la planète. À 28 ans, cette championne du monde de slalom en équipe et triple championne du monde de kayak extrême se fait désormais la main et la malle en kayak d’expédition aux conditions extrêmes. Accro à l’adrénaline, elle ne lâche jamais la pagaie. Un vent de fraîcheur sans langue de bois !

Lire plus »
Kim Ng

Kim Ng, la nouvelle boss du baseball qui frappe fort

Elle a su s’imposer dans un monde d’hommes. À 51 ans, Kim Ng est devenue manager général de l’équipe de baseball Miami Marlins. Une vraie révolution dans l’univers, jusqu’alors uni-genré, des sports majeurs aux Etats-Unis. Portrait d’une infatigable battante.

Lire plus »
Magalie Pottier

Magalie Pottier : « En BMX, l’inégalité des primes, ça me rend dingue ! »

Rideuse philosophe, plus artiste que casse-cou, cette multi-championne du monde et de France de BMX Race, 31 ans au compteur, s’éclate aujourd’hui en Freestyle. Première Championne de France de la discipline, Magalie Pottier excelle dans la maîtrise de son vélo, mais aussi de son mental. Favorite, elle prenait le départ ce week-end pour les Championnats de France. Et d’ouvrir la voie pour les futures rideuses dans une discipline en pleine envolée.

Lire plus »
Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine Marie-Amélie Le Fur

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Un slalom XXL, une femme de trempe engagée, un rattrapage sur la culture handisport (avec notamment Marie-Amélie Le Fur sur notre photo), une sirène et une question gourmande et sportive à la fois, c’est le Best-of ÀBLOCK! de la semaine. Go !

Lire plus »
Sarah Thomas

Sarah Thomas, Girl Power au Super Bowl

Plus de vingt ans déjà qu’elle joue du sifflet sur les terrains de football américain. Ce dimanche 7 février, Sarah Thomas est entrée dans l’Histoire de la discipline en devenant, à 47 ans, la première femme à arbitrer un Super Bowl. Portrait d’une fille devenue “the first“ sans jamais l’espérer.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner