Saviez-vous que le cricket est considéré comme le deuxième sport le plus pratiqué au monde ? Malgré des origines obscures, une chose est sûre : le cricket n’a pas attendu les Jeux Olympiques pour exister. Les JO de Paris 2024 terminés, le Comité International Olympique (CIO) a révélé le catalogue des sports programmés pour les Jeux de Los Angeles en 2028. Parmi ces « nouvelles » disciplines, on retrouve donc le cricket, un des sports emblématiques du Commonwealth. S’il est difficile d’estimer la date exacte de la création du cricket, on sait que la naissance de sa version moderne remonte à 1788. À cette époque, le Marylebone Cricket Club voit le jour à Londres. Encore aujourd’hui, ce club détient les droits sur les règles de la discipline. En parlant de règles justement : à partir de quand les femmes ont-elles été autorisées à fouler le terrain oval ?
Le premier match international de cricket a opposé l’Angleterre et les États-Unis, en 1859. À l’époque, sans surprise, des équipes sont 100 % masculines. Pourtant, le cricket féminin commence à se développer en Angleterre dès le XVIIIe siècle. Le premier match féminin enregistré a été joué en 1745, entre les équipes de deux villages du Surrey, Bramley et Hambledon. À l’époque, on distingue les équipes par la couleur des rubans attachés dans les cheveux des joueuses. L’un des premiers clubs féminins de cricket, le White Heather Club, a été fondé en 1887 par des dames de l’aristocratie du comté du Yorkshire. Les femmes ne lâchent pas la batte, mais il faut tout de même attendre le XXe siècle pour que le cricket féminin connaisse un véritable essor.
Dans son livre Cricket for Women and Girls (1934), la joueuse de cricket Marjorie Pollard écrit : « Après le jeu, nous nous sommes assises au Park Hotel à Colwall… et avons discuté de la façon dont le cricket pourrait devenir une réalité pour nous – qu’il ne soit plus une chose insaisissable, que l’on pratique à moitié par crainte du ridicule. Nous avons réfléchi, médité, discuté. » Cet épisode datant de 1926 a marqué un tournant dans l’histoire du cricket féminin, puisqu’en a résulté la création de la Women’s Cricket Association.
L’histoire du cricket féminin ne s’est pas écrite qu’Outre-Manche. Apporté par les missionnaires anglais dans les colonies britanniques, ce sport devient rapidement très populaire dans les pays du Commonwealth. En Nouvelle-Calédonie, les femmes pratiquent un cricket « de type traditionnel » dès la fin du XIXe siècle. La discipline est considérée, avant d’être une discipline sportive, comme l’un des « moteurs culturels » de la société kanak. Dès les années 50, chaque tribu possède d’ailleurs sa propre équipe féminine. À Nouméa, principale commune du pays, une certaine Anna Gowete a réuni en 1949 une cinquantaine de filles, créant ainsi l’équipe du Wetr. C’est aussi à Nouméa qu’en septembre dernier, France Cricket a signé une convention pour intégrer des joueuses locales chez les Bleues. Une bonne nouvelles pour les Calédoniennes, puisque la pratique du cricket international restait jusqu’ici l’apanage des hommes.
Mais revenons un peu en arrière, en 1934, année du premier match international de cricket féminin. Il a opposé deux équipes pionnières : l’Angleterre et l’Australie. C’est dans ces équipes qu’évoluaient les premières grandes championnes de cricket, comme Betty Archdale, une des premières capitaines de l’équipe d’Angleterre féminine. Elle a mené ses coéquipières lors de la première tournée officielle de cricket féminin, en Australie et en Nouvelle-Zélande, entre 1934 et 1935. Face à elle à cette époque, également capitaine de son équipe, l’australienne Mollie Dive a elle aussi marqué l’histoire du cricket féminin. Avec Edna Barker, Peggy Antonio ou encore Kathleen Smith, ces premières championnes ont joué un rôle crucial dans le développement et la reconnaissance du cricket féminin à une époque où le sport était largement dominé par les hommes.
La Fédération internationale de cricket féminin (IWCC) est créée en 1958 pour pérenniser la place des femmes sur les terrains de cricket internationaux. Grâce à son investissement, la première Coupe du Monde de cricket féminin a eu lieu en 1973, seulement deux ans après la version masculine. Pour la finale de la Coupe du Monde T20 de cricket féminin, qui a opposé l’Australie et l’Inde le 8 mars 2020, 86 174 spectateurs étaient présents. Les femmes manient (bien) la batte et n’ont pas l’intention de laisser le sexisme gagner du terrain ! En Hexagone, si seulement 25 % des licenciés de France Cricket sont des femmes, la fédération française affiche une volonté claire : « (..) accélérer la croissance du cricket féminin et atteindre 250 millions de fans et de pratiquants supplémentaires d’ici 2032 ».
À travers le monde, les femmes jouent au cricket pour le plaisir, pour la compétition… mais aussi pour s’émanciper. En Inde par exemple, ce sport est un véritable symbole de la lutte pour l’égalité des sexes. Dans les villages, le cricket est devenu un moyen pour les jeunes filles d’échapper à leur condition. Au niveau national, l’objectif est le même pour toutes désormais : participer aux Jeux Olympiques de Los Angeles 2028. On devrait d’ailleurs y voir jouer la star indienne Chamari Atapattu.
Cent-vingt-huit ans après sa première (et seule) apparition aux Jeux, le cricket revient sur le devant de la scène olympique et les femmes sont, cette fois-ci, conviées à la fête.
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