Isa Grego : « Ma nouvelle vie avec le cancer du sein, c’est faire en sorte que mon corps ne prenne pas trop cher. »

Isa Grego2NB
Malgré mon cancer, je n’ai pas arrêté le sport. Ça me fait du bien, ça me permet de rester femme, de me sentir vivante. Tu t'aperçois que tout te fait mal désormais, mais t'y retournes quand-même.

Par Isa Grego, Crossfiteuse, professeure des écoles*

Publié le 03 octobre 2024 à 16h08, mis à jour le 03 octobre 2024 à 16h23

Il y a deux ans, à 43 ans, lorsque j’ai dû faire face à un cancer du sein, j’étais dans un état d’esprit de guerrière, parce qu’il faut lutter pour ne pas laisser le mal qui te ronge t’engloutir. L’esprit de guerrière, je connais car j’ai toujours été une grande sportive, une grande compétitrice, j’ai toujours aimé dépasser mes limites. Quand on a le cancer, on te dit qu’il faut résister, avoir une positive attitude et c’est ça qui va t’aider à lutter contre cette maladie, et ça a super bien marché.

Mais quand la maladie est partie, de manière anatomique puisqu’on me l’a enlevée par le biais d’une ablation et puis chimiquement pour nettoyer etc, c’est là que ça se complique. J’ai été moins confiante qu’avant, je faisais moins la fière. Parce qu’on te dit que 88 % des cancers guérissent, mais en fait le traitement ne s’arrête pas là. Dans mon cas, le protocole de traitement va durer entre huit et dix ans.

C’est une chimio par médicament, ce n’est pas le cas pour tous les cancers du sein, mais pour ce qui est du cancer hormono-dépendant dont je suis atteinte, tu dois prendre des médicaments qui vont te castrer, donc tu es en ménopause brutalement, ce n’est pas progressif. Et là, tu prends dix ans. Tu prends dans ton corps car tu as plein d’effets secondaires et tu prends dans ta tête car tu perds confiance en toi, confiance dans les capacités d’un corps qui avait des facilités pour l’exercice physique, les récupérations. Tu t’aperçois que tout te fait mal.

©Isabelle Grego

Ensuite, tu peux avoir des complications, ça a été mon cas, et on m’a filé un traitement de choc pendant deux ans, traitement qui vient s’ajouter à l’hormonothérapie, la double peine ! C’est vrai, tu sais que t’es super bien entourée, le protocole est blindé à 100 % pour toi, mais tu le vis dix fois plus mal qu’une chirurgie, qu’une chimio, qui sont temporaires. Là, tu sais que ça va être sur du long terme, que tu vas être diminuée pendant minimum huit ans à cause des effets secondaires.

Pour autant, je n’ai pas arrêté le sport parce que ça me fait du bien, ça me permet de rester femme, de garder une certaine masse musculaire même si elle n’est plus du tout aussi importante qu’avant et que tu dois t’astreindre à un régime alimentaire plutôt strict : réduction de l’apport calorique et beaucoup de protéines. Le sport, ça te permet de te sentir vivante, d’essayer de pallier les conséquences de cette ménopause forcée car ton corps change énormément. En revanche, après chaque séance, t’as des courbatures puissance quinze et t’as mal aux articulations, donc il te faut une récup’ comme si t’avais soixante-dix ans. C’est ma nouvelle vie : essayer que mon corps ne prenne pas trop cher.

©Isabelle Grego

Au début, je pensais que j’allais devoir changer de sport, mais je continue le CrossFit, je m’adapte. J’en fait cinq fois par semaine, l’intensité est moindre, parce que je dois être à 40 % de ce que je faisais avant, parce que je ne peux pas la donner, elle n’est pas là, mais je suis à 100 % de ma capacité actuelle. Je connais mon corps maintenant, il y a des exercices que je ne peux plus faire comme de placer une barre d’haltérophilie derrière ma nuque, sur mes épaules, ça s’appelle l’overhead squat. Tout ce qui est omoplates vers l’extérieur, l’ouverture de la cage thoracique, c’est très difficile, tu n’as plus la même mobilité après l’opération et avec les produits que tu prends.

Je sais que je dois faire attention, ça fait partie du processus, parce que sinon tes hormones elles reprennent le dessus, et c’est ça qui te fait tomber malade, donc tout est une question de savoir driver ses hormones au quotidien, et lorsque tu ne vis pas tout ça, tu ne te rends pas compte que les hormones c’est ce qui te fait être femme, c’est ce qui te fait être en forme, c’est ce qui te fait être mobile, c’est ce qui te fait avoir des muscles, et toi tu dois vivre sans, c’est compliqué.

©Isabelle Grego

Mais le sport, malgré tout, ça aide moralement. Alors, c’est sûr, ça t’appuie là où ça fait mal, parce que tu te dis que t’es une branche toute sèche, t’as mal au début de la séance, t’as mal quand la séance est terminée, mais tu y retournes.

Le plus dur à supporter finalement, ce sont les gens qui ne savent pas, les gens qui pensent que t’es en rémission, que c’est fini et que tu peux reprendre comme avant, revenir en compétition. Mais il existe plusieurs types de cancer et pour moi, les effets secondaires se comptent en années, je ne peux plus faire de perf’, je ne peux plus me comparer avec des filles de mon âge, je suis dans le sport santé maintenant et plus du tout dans la recherche de performance.

Ma vision du sport a changé : avant mon cancer, le CrossFit me permettait d’aller au-delà de mes limites et c’est compliqué de faire une croix sur cet aspect du sport quand tu as autant aimé ça. Tu ne peux pas te dire : « Je serre les dents et je reviendrai plus tard », c’est trop loin pour parvenir à te projeter. Ce n’est pas très réjouissant ce que je dis, pourtant j’arrive à vivre avec.

©Isabelle Grego

Maintenant, j’aimerais parler d’Octobre rose car ce n’est pas uniquement une opé avec des défis sportifs dans toute la France pour promouvoir le dépistage, c’est aussi un appel aux dons et c’est ce qui m’a sauvé la vie. Grâce aux dons d’Octobre rose pour la recherche, les organismes, les hôpitaux, le développement des soins de support, on avance et on combat ce cancer qui touche une femme sur huit. Par exemple, c’est super important ces soins de support. Ce sont des soins esthétiques, de bien-être, cela te permet de t’occuper de toi dans la maladie et pour tenter de contrer ses effets indésirables.

Octobre rose ouvre les yeux sur une maladie qui bouleverse la vie, le corps, le mental des femmes, et les aide à s’en sortir.

*Isabelle Grego a précédemment témoigné dans ÀBLOCK! en 2022, six mois après avoir appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein. Elle partage ses ressentis et ses émotions sur son compte Instagram, isa_ronda-Grego

Ouverture ©Isabelle Grego

Vous aimerez aussi…

Djelika Diallo, le diamant brut du para-taekwondo français

Djelika Diallo, le diamant brut du para-taekwondo français

En à peine cinq ans, cette fusée du para-taekwondo made in France, porteuse d’un handicap de naissance, est devenue une incontournable de la discipline. Double vice-championne d’Europe en 2023 et 2024, elle squatte les tatamis d’entraînement sans relâche pour réaliser son vœu le plus cher : décrocher une médaille olympique !

Lire plus »
Manon Genest, Jeux Paralympiques 2024

Jeux Paralympiques de Paris 2024, le grand récap’

Des rires, des larmes, de la joie et du désespoir. Voilà, c’est fini. Après onze jours de compétition, les Jeux Paralympiques de Paris 2024 ont permis à des milliers d’athlètes de s’exprimer comme jamais auparavant. En particulier, nos championnes. Les Bleues ont tout donné, régalant un public à la hauteur de leur talent. Retour sur ces Jeux historiques.

Lire plus »
Anaïs Quemener : « Au marathon de Séville, j'ai battu mon record et pourtant je n'avais pas la tête à la compétition. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une e-sportive engagée, une championne qui n’a pas peur du contact, une ambassadrice avec qui on fête 1 an de confidences (Anaïs Quemener sur notre photo) et un podcast spécial ÀBLOCK!, c’est le meilleur de la semaine. Séance de rattrapage avant les festivités !

Lire plus »
Kon Hiyori

Kon Hiyori, la little miss Sumo qui lutte pour la cause féminine

Elle a été élue l’une des femmes les plus inspirantes et influentes de la planète par la BBC. Lutteuse de sumo japonaise, connue pour défendre le droit des femmes à concourir professionnellement au Japon, Kon Hiyori est une force de la nature, déterminée à faire bouger les solides traditions de cette discipline ancestrale. Portrait.

Lire plus »
Lil' Viber : « Je suis motarde, je me la joue girly et j’adore ça ! »

Lil’ Viber : « Je suis motarde, je me la joue girly et j’adore ça ! »

Elle s’appelle Aurélie Hoffmann alias Lil’Viber. Mais sur les circuits, on l’appelle aussi « Wonder Lili ». Elle, c’est une super héroïne de la bécane qui se déguise comme ça lui chante pourvu que ce soit haut en couleur. Cette nana qui affole les chronos casse les codes à toute berzingue. Ultra féminine, elle est une motarde jusqu’au bout des ongles. Faites de la place !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner