Sophie Ghorbal « Au bobsleigh, il faut être capable d'encaisser les coups et continuer d'avancer malgré tout. »
Avec ses deux camarades, elle est devenue la première Tunisienne à participer aux Jeux Olympiques de la Jeunesse d'Hiver. À Gangwon, Sophie Ghorbal, 15 ans, est allée chercher la douzième place en bobsleigh. Rencontre avec une jeunette qui était pourtant faite pour le handball...
Par Alexandre Hozé
Publié le 06 mars 2024 à 7h49, mis à jour le 08 mars 2024 à 21h57
Avant de te lancer dans ce projet des Jeux Olympiques de la Jeunesse d’hiver 2024, est-ce que tu suivais les sports d’hiver ?
Pas vraiment, non. À la base, je fais du handball, rien à voir ! Mais j’ai la chance d’avoir une mère européenne, donc je connais un peu le ski, j’y suis allée pendant quelques vacances. Mais je ne m’intéressais pas beaucoup au sujet.
Mis à part le handball et le bobsleigh, tu as essayé d’autres disciplines ?
J’ai toujours fait beaucoup de sport. J’ai essayé le rugby, le tennis, puis six ans de handball avant de découvrir les sports d’hiver.
Est-ce que devenir sportive professionnelle était déjà ton but avant le bobsleigh ? Tu voulais faire carrière dans le handball ?
Oui, je m’étais vraiment projetée dans une carrière pro, je voyais que j’avais les capacités physiques et le niveau pour avoir mes chances. Et encore aujourd’hui, je n’ai pas encore vraiment choisi entre handball et bobsleigh !
Dernièrement, mon penchant va plus sur le sport d’hiver, mais je pense que j’aurais pu faire carrière également dans le hand.
À la suite des Jeux Olympiques d’Hiver de Pyeongchang en 2018, un programme d’accompagnement des athlètes originaires de pays sans neige a été lancé par la Fondation pour l’héritage de PyeongChang 2018, pour les JOJ d’hiver de 2024. Et c’est IhabAyed qui s’est chargé de mettre en place tout ça en Tunisie. Comment as-tu entendu parler de ce projet ?
Grâce à une amie, l’autre fille qui a participé aux JOJ avec moi, Beya Mokrani. On faisait du handball ensemble, et vu qu’elle savait que j’avais déjà fait du ski, elle m’a parlé du programme et m’a proposé de le faire avec elle.
Je n’avais rien à perdre, j’aime le sport en général et Beya aussi. Donc, nous sommes parties toutes les deux en Corée du Sud avec six autres tunisiens et tunisiennes en juin 2022, puis de nouveau en décembre 2022. On a testé toutes sortes de sports d’hiver, du ski de fond, du ski jump, du snowboard… On a aussi fait des tests physiques.
À partir là, il y a eu une sélection après décembre, et on a fini à trois Tunisiens dans le bobsleigh, Beya Mokrani, Jonathan Lourimi et moi.
C’était la discipline la plus abordable pour se qualifier aux JOJ et notre objectif était vraiment que la Tunisie participe à cet événement des sports d’hiver pour la première fois. Pour nous, c’était une occasion à ne pas louper, donc nous nous sommes lancés dans le bobsleigh, nous avions les capacités physiques, et nous avons vite apprécié les sensations de la discipline, c’est un sport amusant !
Nous avons créé la fédération en Tunisie, puis il fallait ensuite participer aux courses de qualification, nous avions à peu près un an pour réussir !
Vous aviez donc vraiment la pression, comment as-tu géré ça ?
Être avec Beya m’a aidée, on a cette compétition saine entre nous qui nous tire vers le haut, et on a aussi une superbe équipe derrière nous, Ihab Ayeb nous a encouragées dès le début.
Il y avait du stress tout de même, c’était notre seule chance, les JOJ ou rien ! La pression était réelle, je pense que c’est ce qui nous a motivées et qui nous a poussées à travailler encore plus dur.
Personnellement, je sais que je me mettais beaucoup la pression, pour moi je ne pouvais pas décevoir mon pays ! Mais en réalité, ça ne servait à rien, c’était notre première expérience, les gens n’ont pas de réelles attentes. C’était une erreur de ma part, même si ça m’a aussi beaucoup motivé.
Heureusement, j’étais bien entourée pour faire face à ça : nos coachs, mes coéquipiers et ma famille m’ont aidée à me canaliser pour rester moi-même.
Tu as été tentée par d’autres disciplines d’hiver ?
J’aime bien tout ce qui est freestyle, mais il faut vraiment de l’expérience dans la discipline pour réussir, c’est ce qu’il nous manquait.
Finalement, qu’est-ce qui a fait que c’est le bobsleigh qui s’est imposé pour jouer la qualification aux JOJ ?
Ce n’était pas le sport le plus simple. Nous trouvions par exemple le ski de fond plus abordable, mais ça ne nous intéressait pas vraiment, et le but reste de faire quelque chose qu’on aime. En plus, la discipline est dure, on prend des risques, mais pour se qualifier aux JOJ, c’était vraiment jouable, il restait pas mal de places.
Aujourd’hui, le bobsleigh est devenu une passion pour nous, entre le physique, le mental, l’adrénaline… Tout se mêle, c’est comme une attraction !
Quelles ont été les réactions à votre engagement dans cette nouvelle discipline ?
En Tunisie, ni le bobsleigh et les sports d’hiver en général ne font partie de la culture. Nous avons dû faire face à des critiques, les gens ne comprenaient pas ce qu’on était en train de faire. Nous n’étions pas pris au sérieux.
T’as vécu ça comment ?
Ça nous a forcément un peu touchés, mais en fin de compte, désolé mais on s’en fout ! On fait ce qu’on aime, nos familles nous ont toujours soutenus, nous n’avions besoin de rien d’autre.
Et puis, quand c’est devenu sérieux, les gens ont commencé finalement à nous encourager.
Après ta sélection, tu avais donc seulement un peu plus d’un an pour être au niveau des JOJ. Comment s’est passée ta préparation ?
En Tunisie, nous ne pouvions que faire la partie physique de notre entraînement. On faisait du renforcement musculaire, de l’athlétisme aussi, pour travailler notre sprint.Puis notre première compétition est arrivée, en février 2023, puis la seconde en mars.
Mais je n’ai pas pu participer à celle de février en Corée du Sud car j’étais blessée, je m’étais fait une entorse au pouce, donc impossible de conduire le bobsleigh. J’étais déçue, après la course, tout le monde échangeait son expérience de cette compét’, et moi je n’ai pas pu vivre ça avec eux.
J’ai dû attendre mars pour aller à New York et faire ma première compétition de bobsleigh. J’étais très motivée, je n’avais pas le droit à l’erreur ! Avant même de partir, je révisais déjà les spécificités de la course depuis Tunis. En fin de compte, ma blessure m’a aidée, je pense. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans ma tête, mais j’étais vraiment à 200 %.
Il faut savoir que la piste new-yorkaise est très difficile et très rapide, donc pour une première expérience, c’était vraiment éprouvant physiquement et mentalement. J’avais des bleus partout !
Après ça, la saison était finie, nous sommes retournés en Corée du Sud l’été pour un stage, et la saison a repris fin octobre. On a enchaîné les courses en Norvège, Corée et Autriche pour se qualifier aux JOJ.
Lors de quelle course t’es-tu qualifiée ?
À la dernière, en décembre 2023 en Autriche. J’avais pas mal la pression : aux premiers entraînements là-bas, je me retournais, je ne validais pas mes courses. Je faisais vraiment n’importe quoi ! C’est à ce moment qu’IhabAyed m’a pris à part, il m’a dit de me calmer, d’avoir confiance en moi, et ça a marché.
Avant cette qualification, comment ça se passait avec les cours, entre préparation et école ?
C’était un peu compliqué, mais je m’en suis sortie ! Beya et moi avons la chance d’être dans la même école. Les cours sont chargés, mais nos professeurs nous ont vraiment soutenues, ils nous envoyaient les cours, on pouvait les avoir au téléphone si on ne comprenait pas…
On a eu de la chance, nos compétitions et stages avaient lieu la plupart du temps pendant les vacances scolaires. Nous avions tout de même des cours et devoirs à rattraper, mais Beya et moi sommes assez à l’aise, nous n’avons pas eu de problèmes.
Avant que tu nous racontes tes JOJ, peux-tu expliquer en quoi consiste l’épreuve de bobsleigh ?
Aux JOJ, il y avait juste la catégorie mono-bob, donc une seule personne dans le bobsleigh. L’habitacle est comme une énorme luge, au début il faut sprinter sur cinquante mètres en poussant le bobsleigh, on saute dedans puis on descend une piste de glace. On pilote grâce à des petites manettes et on peut atteindre une vitesse de 115 km/h.
Il y a deux passages par athlète, le classement est déterminé selon les chronos et, très souvent, il n’y a même pas une seconde d’écart entre le premier et le dernier. Le push du départ est très important pour prendre de la vitesse, mais la conduite joue forcément un grand rôle aussi.
C’est ça que j’apprécie dans cette discipline, il faut être complet. La conduite s’acquiert surtout avec l’expérience, nous étions donc désavantagés sur ce point, mais on s’est quand même bien battus !
Effectivement, Jonathan Lourimi va chercher une médaille d’argent, BeyaMokrani prend la huitième place, tu termines douzième… Est-ce que tu es fière de ton résultat ?
On peut toujours faire mieux ! Et je sais que j’aurais pu mieux faire. Ces JOJ ont un peu ressemblé à des montagnes russes, nous sommes passés par toutes les émotions.
Personnellement, je me loupe à mon premier passage et je finis à la douzième place. Je me rattrape un peu à mon second départ, je prends la huitième place, mais ce n’était pas assez pour rattraper ma première course. Je suis donc un peu déçue, mais c’était une première fois, ça ne va pas définir le reste de ma carrière sportive.
C’était une expérience très intense, peu de personnes ont la chance de vivre ça ! Il y a deux ans, je n’aurais jamais imaginé participer à une compétition de la sorte. Je suis très reconnaissante pour cette expérience que j’ai vécue, le classement vient après, c’est un bonus.
Ça devait être très fort aussi d’être entre copines avec BeyaMokrani pour vivre ces moments-là…
Tout à fait, nous sommes amies de longue date, nous nous connaissons depuis que nous avons 8 ans ! Vivre ça avec elle, c’était un vrai plus. Ça a rassuré nos parents aussi, qu’on soit toutes les deux pour partir en Corée du Sud.
Comment s’est passé l’après JOJ ?
On a reçu beaucoup de félicitations, les gens étaient heureux pour nous ! Ils nous demandaient aussi comment ça allait se passer pour la suite.
Justement, maintenant que le programme pour les JOJ d’hiver est terminé, ce sera quoi la suite dans le bobsleigh pour toi ?
Beaucoup de choses vont changer. Pour les JOJ et la préparation, nos vols étaient pris en charge, pareil pour nos bobsleighs… Maintenant, ces aides ne sont plus pour nous ! Il faut qu’on trouve d’autres moyens de financer tout ça, et c’est très coûteux. On recherche donc des sponsors, des pays partenaires…
En plus, en seniors, les catégories changent. Pour les femmes, le duo se rajoutent, et pour les hommes, l’individuel disparaît, c’est soit à deux soit à quatre. Il faut donc qu’on trouve également de nouveaux athlètes pour pouvoir continuer !
J’ai l’impression que oui. Il faut surtout que l’on trouve des personnes intéressées pour notre projet, et on fait ça tous ensemble. On pourrait croire que c’est impossible, mais il y a deux ans, on disait aussi que c’était impossible pour la Tunisie de se qualifier pour les JOJ d’hiver, pourtant on l’a fait ! Désormais, je pars du principe que tout est possible et qu’il faut travailler pour réussir.
Peut-être que la Fédération Internationale de Bobsleigh nous soutiendra, ils réfléchissent à un programme du même type que celui dont nous avons bénéficié pour les JOJ… Le Comité Olympique International nous aide aussi pour nos déplacements, donc nous avons des solutions pour continuer.
Est-ce que ces nouvelles catégories en senior pourraient vous encourager Beya et toi à concourir en duo ?
Nous sommes toutes les deux des pilotes, donc ce serait dommage de gâcher le talent de l’une d’entre nous en concourant ensemble.
Quelles sont les prochaines échéances pour toi dans le bobsleigh ?
Nous allons avoir un stage en France, à la Plagne, mais sinon je ne suis pas encore inscrite à une prochaine compétition. Mais je ne veux pas m’arrêter là, j’aimerais bien participer aux World Cup, aux Jeux Olympiques…
Peut-être pas ceux de 2026, avec Beya nous n’aurions pas encore 18 ans, et ça tomberait sur notre année du Bac ! On peut voir à plus long terme, on a le temps d’y penser.
Jusqu’à maintenant, quel est le plus beau moment que tu as vécu dans ta pratique du bobsleigh ?
Quand Jonathan Lourimi a remporté la médaille d’argent aux JOJ. On était tous là, on a crié, on était super heureux pour lui ! On était vraiment comme une famille ! Et même les athlètes des autres pays ont célébré avec nous, c’était incroyable, on ne pouvait pas imaginer mieux !
À l’inverse, le moment le plus dur que tu as connu dans le bobsleigh ?
Je dirais à ma première compétition. C’est étrange car c’était à la fois un des plus beaux moments et un des pires. Le début était très dur, très frustrant ! Je me retournais tout le temps, j’avais des bleus, mon mental prenait aussi des coups… Mais en fin de compte, quand j’ai réussi à aller au bout, j’étais super heureuse !
Selon toi, qu’elle a été ta plus grande force pour arriver où tu en es aujourd’hui ?
Le fait que l’on fasse tout ça pour la première fois, et qu’on le fasse pour la Tunisie, ça nous encourage beaucoup. On pouvait être cette personne qui représente la Tunisie aux JOJ d’hiver pour la première fois.
Et puis on a pu voir l’importance du mental, notamment pour la qualification aux JOJ. Il faut être capable d’encaisser les coups et continuer d’avancer malgré tout.
Sur quoi veux-tu encore progresser ?
Plutôt sur le côté physique, je suis encore très jeune, j’ai 15 ans. Aux JOJ, tout le monde avait 16 ou 17 ans. Forcément, je pousse moins fort !
Donc, l’objectif est de progresser sur ça, de prendre plus de masse musculaire, sans oublier aussi d’accumuler de l’expérience pour avancer aussi sur ma technique de pilotage.
Après presque deux années, qu’est-ce que t’a apporté cette nouvelle passion ?
J’ai voyagé dans des pays où je n’étais jamais allée, comme la Corée du Sud. J’y suis allée cinq fois grâce au sport. J’ai aussi fait de belles rencontres, découvert de nouvelles cultures… Maintenant, le but c’est de transmettre tout ce que j’ai vécu, et de montrer qu’il y a d’autres sports que le football ou le handball !
Le bobsleigh apporte de grosses sensations, c’est vraiment comme une super attraction !
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