JO 1956 Hal Connolly et Olga Fikotová, love story au temps de la guerre froide

Hal Connolly et Olga Fikotova
Elle était lanceuse de disque, il était lanceur de marteau. Elle était tchécoslovaque, il était américain. En plein cœur des Jeux Olympiques de Melbourne, ils ont connu à la fois gloire et déshonneur en décrochant une médaille d’or et en vivant une histoire d’amour interdite entre bloc de l’Est et bloc de l’Ouest. Récit d’une « olympic romance » qui a enflammé le monde.

Par Valérie Domain

Publié le 21 mai 2021 à 9h23, mis à jour le 27 juillet 2021 à 17h19

Coup de foudre aux Jeux de Melbourne, olympic romance ou love story en or…peu importe comment on l’appelle, si cette histoire d’amour aux JO de 1956 est aujourd’hui romanesque, elle fut d’abord politique.

Quoi de plus romantique en effet qu’un Américain et une Tchécoslovaque, tous deux médaillés d’or en athlétisme, tombant (littéralement) dans les bras l’un de l’autre sur un stade olympique à l’heure de la guerre froide ?

Mais c’est oublié que les Jeux de 1956 étaient eux aussi un lieu de bataille entre les blocs de l’Est et de l’Ouest, Washington et Moscou espérant y prouver la supériorité de leur système de société dans un combat de médailles. Mais revenons aux tourtereaux.

Avant d’être championne olympique de lancer de disque, Olga Fikotová, née le 13 novembre 1932 à Prague, commence le sport dans la rue en tapant dans un ballon de foot avant de pratiquer le hand et le basket en club.

Mais c’est au lancer de disque qu’elle se fait remarquer, un peu par hasard, entraînée sur la piste par un ami, un certain Zdeněk Čihák, le détenteur du record national de l’époque. On est en 1954, deux ans avant les JO, et elle n’imagine même pas se qualifier.

Mais il faut croire que le Beau Danube Bleu de Johann Strauss, valse sur laquelle elle s’entraîne, fait des merveilles. Olga Fikotová remporte le Championnat tchécoslovaque avant de s’envoler pour les Jeux de Melbourne.

Harold Connelly, lui, est un yankee pur jus, né le 1er août 1931 dans le Massachussetts. Sa carrière de lanceur de marteau est quasi miraculeuse : à sa naissance, il subit de graves lésions nerveuses au bras gauche, empêchant le membre de se développer correctement.

Enfant, il se le fracturera pas moins de treize fois. Lorsqu’il commence l’athlétisme, son bras et sa main gauches sont plus courts que du côté droit. Qu’à cela ne tienne, l’homme est un acharné et trouve là le moyen de dépasser son handicap.

Qualifié pour les JO, celui que tout le monde surnomme « Hal » s’envole pour l’Australie avec pour seule ambition : rafler la médaille d’or. Ce sera fait, avec un lancer à 63,19 m. Par la suite, il améliorera à six reprises le record du monde de la discipline, jusqu’à réaliser un lancer à 71,26 m, en 1965.

À quelques mètres de là, Olga Fikotová remporte la médaille d’or au lancer de disque, en battant la favorite russe Nina Romaschkova avec, en prime, un nouveau record du monde : 53,69 m.

Deux médailles d’or pour une love story qui s’est nouée quelques jours plus tôt, au cœur du village olympique : « Le village olympique était petit, racontait, en 2012, Olga Fikotová dans un journal tchèque, tout le monde s’entraînait ensemble, il n’y avait qu’une barrière entre les hommes et les femmes et une sorte de hangar où étaient déposés les accessoires de tous les athlètes. Je venais de faire un bon entraînement et j’allais ranger les disques. Il fallait descendre quelques marches, il faisait sombre, j’étais dans une telle une humeur merveilleuse qu’au lieu de les descendre, je les ai sautées et je suis tombée dans les bras d’Harold, nous nous sommes attrapés et j’ai vu le signe USA sur sa veste. Avec les quelques mots d’anglais que je connaissais, j’ai commencé à m’excuser fiévreusement ! »

L’histoire est charmante, mais elle commence sous de fâcheux auspices : « D’une certaine façon, le destin nous a réunis, confie Olga Fikotová, et nous avons constaté que, même si nous venions des coins opposés ou éloignés du monde, et certainement de systèmes politiques qui semblaient complètement incompatibles, lorsqu’il s’agissait de valeurs et d’observations humaines fondamentales, nous étions extrêmement semblables. Nous parvenions, dans un langage sommaire, à échanger et à rassembler des idées et des points de vue, nous étions étonnamment proches l’un de l’autre. C’est de là qu’est né, outre la curiosité et l’amitié, un sentiment d’amour. Mais nous avons immédiatement su que ce ne serait pas facile. Et ça a commencé quand on m’a reproché d’être en couple avec “un fasciste américain“. »

Par la suite, Moscou aurait interdit à Harold Connolly de venir épouser Olga Fikotová à Prague et seule l’intervention d’un autre champion et ami, le marathonien tchécoslovaque légendaire Emil Zatopek, auprès du Président du pays, aurait permis au mariage de se tenir.

En octobre 1957, le couple put ainsi s’unir à Prague, avec Dana et Emil Zátopek comme témoins, avant de s’établir aux États-Unis. Olga Fikotová eut l’autorisation de sortir de Tchécoslovaquie pour suivre son mari, sans savoir qu’elle ne pourrait y remettre les pieds pendant des années.

Olga Fikotová concouru dès lors sous le nom d’Olga Connolly pour les États-Unis. Elle remporta cinq fois le championnat américain et participa encore quatre fois aux Jeux olympiques sans y remporter de nouvelles médailles.

En 1972, lors de ses derniers JO à Munich, comme un geste symbolique, elle fut le porte-drapeau de la délégation américaine. Hal Connelly participa, lui, aux JO jusqu’en 1968, à Mexico.

Après dix-sept ans de vie commune et quatre enfants, le couple en or divorça en 1974. Non sans laisser un héritier sportif : l’un de leurs quatre enfants, Jim Connelly, fut sacré champion de décathlon de l’UCLA, en 1987.

Harry Connelly est mort en 2010, il avait 79 ans. Olga Fikotová, quant à elle, a pu retourner « au pays ». Sans pour autant lâcher la nationalité américaine.

En 2008, elle reçut le Fair Play Award, à Prague. Pas mal pour une championne à qui on a dit et répété qu’en raison de ses amours américaines, elle n’était qu’une moitié de médaillée d’or…

D'autres épisodes de "Jeux Insolites"

D’autres actus en brèves…

Quiz : connaissez-vous vraiment le sport féminin ?

Connaissez-vous vraiment le sport féminin ?

Vous pensez tout savoir sur le sport féminin parce que vous avez vu un match de foot des Bleues une fois en 2019 ? Vous confondez Allyson Felix avec une marque de baskets ? Ou, au contraire, vous êtes incollable sur les pionnières badass qui ont ouvert la voie ? C’est le moment de vérifier tout ça !

Lire plus »
Manelle Inaho

Le Q&A de la gymnaste Manelle Inaho

Elle fait partie des têtes d’affiche de la gymnastique rythmique. Manelle Inaho, 21 ans, est une des pépites de la fédé française de gym. D’une grâce toute aérienne, elle émeut le public à chacun de ses passages sur le tapis. Elle a répondu à notre Q&A express.

Lire plus »
Pilates, stretching, yoga, c’est quoi la différence ? La question qui tue

Pilates, stretching, yoga, c’est quoi la différence ?

Il parait que Pilates, yoga et stretching est le mix parfait pour se détendre. Moins de stress dans nos vies ? Ici, on dit oui ! Mais c’est quoi exactement ces pratiques qui ont l’air perchées ? Allez, on quitte un instant notre chien tête en bas pour t’en dire plus sur ces sports dans lesquels corps et esprit travaillent en harmonie.

Lire plus »
Pourquoi quand je cours, je suis essoufflée ? La question qui tue

Pourquoi quand je cours, je suis essoufflée ?

Courir, t’adore ça ! Ou plutôt… tu aimerais adorer ça. Le problème, c’est que t’as tout de suite le cardio en PLS. Les poumons brûlent, le souffle est saccadé… Au secours ! Si tu t’es déjà demandé pourquoi t’as l’impression que t’es au bout de ta vie quand tu fais un petit footing, cette mise au point est faite pour toi.

Lire plus »
Il était une fois le karaté...féminin Sophie Berger

Il était une fois le karaté…féminin

Avec plus de 35 % de femmes licenciées, la Fédération Française de Karaté est l’une des premières fédérations sportives féminine du pays. Pourtant, la présence des filles sur les tatamis n’a pas toujours été de soi… Dans le monde de la compétition en tout cas. Petit tour d’horizon de cet art martial conjugué au féminin.

Lire plus »
Il était une fois le kung-fu… féminin

Il était une fois le kung-fu… féminin

Il existe un grand nombre de styles de kung-fu comme le Shaolin, le Taiji-Quan ou encore le Wing Chun. Une légende raconte que ce style de kung-fu, dont le nom signifie « la boxe du printemps éternel », fut inventé au XVIIe siècle par… une femme !

Lire plus »
Le Q&A de la badiste Léa Palermo

Le Q&A de la badiste Léa Palermo

Elle vient de décrocher la médaille de bronze en double aux championnats d’Europe de badminton à Horsen, au Danemark, avec son partenaire de raquette Julien Maio. Léa Palermo, joueuse du Badminton Associatif Choletais, signe ainsi sa revanche après des moments de doutes et des blessures à répétition. Elle a répondu à notre Q&A express en vidéo.

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Maria Sakkari

Roland-Garros 2022 : qui gagnera sur terre battue ?

La 121e édition du tournoi de Roland-Garros est officiellement ouverte ! La grande favorite Iga Swiatek confirmera-t-elle les attentes ? Ou bien ses nombreuses concurrentes, dont Maria Sakkari sur notre photo, renverseront-elles la hiérarchie ? Série à sensation du côté de la Ville Lumière.

Lire plus »
Elena Micheli, la déesse du pentathlon moderne

Elena Micheli, la déesse du pentathlon moderne

Une liane athlétique de 24 ans. Avec sa chevelure couleur d’ébène, l’Italienne Elena Micheli est une star des terrains sportifs. Qu’elle nage, qu’elle court, qu’elle manie l’épée, le pistolet ou saute à cheval, tout semble lui réussir. L’actuelle N°1 mondiale de pentathlon devrait faire sensation aux JO de Paris 2024.

Lire plus »

Le top 7 des Podcasts sur le sport féminin

Histoire de se cultiver, de se motiver et, pourquoi pas, à quelques heures du déconfinement, de réfléchir à un nouveau monde sportif, on poursuit les recommandations culturelles en vous demandant d’ouvrir grands vos oreilles. Place à la parole des sportives avec des podcasts 100% ÀBLOCK!

Lire plus »
Descentes enneigées pour amoureux de VTT

Descentes enneigées pour amoureux de VTT

L’année commencera sur deux roues et sur neige. Les 8 et 9 janvier, la première édition du Championnat de France Kepax Snow Bike se déroulera sur les pistes de la station Pra Loup. Ces mêmes pistes qui ont accueilli une étape de la coupe de monde de ski alpin. Et il est ouvert à tous. Qu’est-ce qu’on attend pour s’offrir de belles sensations ?

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner