Il y a des victoires qui marquent une saison. Et puis il y a celles qui redessinent la carte du pouvoir. En remportant l’UTMB 2025, Ruth Croft n’a pas seulement franchi une ligne d’arrivée, elle a pris la place de Courtney Dauwalter, là où personne n’osait encore rêver la détrôner. Elle est une force tranquille venue du bout du monde. Ruth Croft ne fait pas de bruit. Elle trace. Néo-Zélandaise, née entre mer et montagnes, elle a grandi loin des projecteurs, mais au plus près de l’essentiel : la nature, l’effort, le silence. D’abord coureuse sur piste, elle bifurque vers le trail en Asie, découvre l’ultra comme on découvre une vocation. Depuis, elle avance. Lentement parfois, mais toujours sûrement.
Sa montée en puissance est maîtrisée. De la CCC à la Western States, en passant par Tarawera ou Cape Town, Ruth Croft a tout gagné. Mais jamais dans le fracas. Elle préfère la stratégie à la démonstration, la lucidité à la fureur. En 2024, elle frôle la victoire à l’UTMB. En 2025, elle revient, plus affûtée, plus calme, plus prête. Et cette fois, elle ne laisse rien au hasard.
Dans son ombre, une autre femme, une concurrente de légende. Pendant des années, Courtney Dauwalter a incarné l’invincibilité. Une reine sans rivale, capable d’écraser les chronos avec un sourire désarmant. Mais à force de dominer, on finit par attirer les regards. Et Ruth Croft, patiente, a observé. Elle a appris. Elle a attendu son moment. Le 30 août 2025, ce moment arrive. Sur les sentiers du Mont-Blanc, la finesse tactique de Croft prend le pas sur la puissance brute de Dauwalter. Là où Courtney vacille, Ruth reste droite. Là où l’Américaine s’éparpille, la Néo-Zélandaise s’ancre. Ce n’est pas une défaite. C’est une passation.
Ruth Croft ne court pas pour gagner. Elle court pour comprendre. Elle parle de santé mentale, de cycles, de respect du corps. Elle refuse l’héroïsation de la souffrance. Elle incarne une nouvelle génération d’athlètes : lucides, engagées, entières.
Ruth Croft n’a pas seulement gagné l’UTMB. Elle a réécrit le récit. Celui d’une femme qui ne cherche pas la lumière, mais qui finit par l’attirer. Celui d’une championne qui ne conquiert pas, mais qui inspire. Et surtout, celui d’une sportive qui nous rappelle que la vraie force, c’est de rester fidèle à sa propre cadence. Une autre idée de la performance en somme.