Philippe Lafrique « Depuis 2017, nous faisons avancer l’Histoire du futsal féminin. »
Membre du Comex, en charge du développement du Futsal à la Fédération Française de Football (FFF), Philippe Lafrique s’escrime, depuis sept ans, à faire évoluer la discipline en France. Et les résultats sont là. Le nombre de pratiquantes et de licenciées augmente et une équipe de France féminine devrait participer, l’an prochain, à la première Coupe du monde dédiée. Rencontre.
Par Sophie Danger
Publié le 09 octobre 2024 à 19h00
La FFF a récemment mis en place un 2e plan pour développer le futsal, le football en salle, sur le territoire national. Ce dernier concerne notamment les femmes, ce qui n’était pas le cas avec le précédent. Est-ce que cela signifie qu’en l’espace de sept ans la pratique au féminin s’est développée ?
Oui, tout à fait. Le premier plan date de 2017 et a été mis en place par mes soins après les élections, sur demande de monsieur Le Graët. À l’époque, nous faisions partie des meilleures nations au monde en football et nous n’étions que 40e en futsal, la FFF ne pouvait pas se satisfaire de ce classement, il fallait avancer d’où ce premier plan.
Il est vrai que, à ce moment-là, nous n’avions pas fait de focus sur le futsal féminin. La discipline était noyée dans la masse, notamment en ce qui concerne le développement sur les territoires, dans les Ligues et les districts. Toutes les opérations de promotion que l’on pouvait lancer à destination des petites catégories sur les plateaux d’animation concernaient les filles et les garçons évidement, mais nous n’avions pas ciblé le plus haut niveau au féminin.
Comment décririez-vous l’évolution du futsal féminin ?
Aujourd’hui, il est courant que les petites filles jouent au football. Certaines ont pu participer à des animations futsal dans les districts et dans les Ligues ce qui a engendré une énorme progression de la discipline dans les territoires. L’arrivée de Coca-Cola et l’avènement de la Copa Coca-Cola, qui a duré trois saisons, a également eu un impact important sur la discipline.
Il existait déjà des championnats féminins dans certaines Ligues – je pense aux Pays de la Loire, aux Hauts-de-France ou à Paris – mais la Copa Coca-Cola a permis des confrontations entre Ligues, ce qui a donné à d’autres l’envie de créer à leur tour des compétitions. Résultat, le futsal féminin a essaimé un peu partout sur l’ensemble du territoire. La Copa Coca-Cola n’existe plus, mais nous avons créé un challenge féminin.
Cette année, nous en sommes à la deuxième édition et, comme l’an passé, les championnes des Ligues vont se confronter sur une phase finale puis une finale nationale. Toutes ces initiatives ont permis de lancer la dynamique féminine et, progressivement, la pratique a pris de l’ampleur. Nous avons à présent 5 000 licenciées sur un total de 45 000.
Vous évoquez le chiffre de 5 000 licenciées mais on évoque 250 000 pratiquants sur le territoire, hommes et femmes confondus…
Oui, nous avons énormément de pratiquants mais très peu sont estampillés futsal par la licence futsal. La raison est simple : dans nos compétitions départementales, voire régionales, on joue encore avec des licences de football traditionnelles.
Il n’y a pas d’obligation, pour le moment, à prendre une licence spécifique mais il va y a avoir, lors de la prochaine assemblée générale, une proposition de modification des textes qui obligera, dans les compétitions régionales notamment, les participants à avoir une licence futsal. L’idée est d’inciter les Ligues à la faire gratuite dans le cas où une pratiquante aurait déjà une licence football, ce qui est le cas pour certaines.
Le futsal est le sport collectif numéro 1 en UNSS. Est-ce que ce faible nombre de licenciées ne peut pas aussi s’expliquer par la difficulté pour les filles de trouver un club hors cadre scolaire ?
Trouver un club peut se faire, ce qui est plus compliqué en revanche c’est qu’il n’y a pas encore de compétitions partout en féminine. L’enjeu majeur actuellement, c’est d’arriver à mettre des compétitions en place dans tous les territoires, dans tous les districts par exemple afin que les filles puissent prendre une licence et jouer régulièrement. Hormis les championnats régionaux dans certaines Ligues, en-dessous, on n’a pas forcément d’occasions de se confronter, ce qui rend la pratique régulière difficile.
Il faut que l’on développe à la base. On a créé l’équipe de France féminine mais le socle n’est pas encore assez important, il faut qu’il soit beaucoup plus large pour pouvoir performer dans les années à venir même si, déjà, avec l’équipe de France, on s’aperçoit que le potentiel est là.
Combien de clubs proposent du futsal féminin sur le territoire ?
Je n’ai pas les chiffres exacts mais il y en a très peu. Il y a plusieurs raisons à cela : le manque de bénévoles dans les clubs en est une mais aussi et surtout, le manque de créneaux dans les gymnases. Même si les clubs veulent créer de nouvelles équipes, et notamment se doter d’une équipe féminine, il y a un problème d’infrastructures disponibles, ce qui est dommageable car les filles ne demandent qu’à pratiquer.
Vous évoquez la création de l’équipe de France féminine de futsal, cette équipe a vu le jour l’an passé. Comment ça s’est passé ?
Personnellement, j’étais impatient. J’avais bien perçu l’engouement des filles or, il n’a pas été facile de faire comprendre, en interne, qu’il fallait créer cette sélection et ce pour différentes raisons. La première est que cela représente un budget : une sélection c’est 500 000 € minimum et il fallait les trouver. La seconde est qu’il y avait également un risque de concurrence par rapport au football féminin qui inquiétait certains d’entre nous.
Une fois l’idée entérinée, les techniciens des Ligues sont allés sur le terrain faire des détections, superviser des tournois, des championnats régionaux existant afin de dresser une première liste de joueuses sélectionnables. Une trentaine de joueuses ont ensuite été convoquées à Clairefontaine pour un premier stage.
C’était un moment historique. J’ai ressenti un engouement incroyable et une joie de la part des filles qui, pour certaines, étaient dans le futsal depuis parfois pas loin de dix ans et qui, jusqu’alors, pratiquaient dans l’anonymat. Pour elle, c’était une reconnaissance… Enfin !
Il y a, en sélection, un mélange de joueuses de futsal et de footballeuses. Est-ce que ce sera toujours le cas ou, à terme, il n’y aura que des futsaleuses ?
Dans l’immédiat, il n’était pas possible de sélectionner uniquement des joueuses de futsal mais ce sera le cas dans quelques années, comme ça l’a été pour les garçons. En équipe de France futsal garçon, nous n’avons plus de footballeurs depuis quelques années.
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Les filles sont motivées. Il y a un potentiel, elles ont des bases techniques solides par rapport à d’autres pays et c’est pour ça qu’on est très optimiste pour l’avenir. On se dit qu’en ayant seulement quelques mois d’existence, on arrive à tenir tête à beaucoup de nations européennes même si on est encore loin du Portugal et de l’Espagne. On a encore beaucoup, beaucoup de boulot pour être championnes d’Europe mais on démarre bien.
D’autres pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre, nations de football, sont encore plus en retard que la France. Comment l’expliquer ?
Certains pays travaillent un peu dans l’ombre et ne s’affichent pas encore. Pour des nations comme l’Angleterre ou même l’Allemagne, aligner une équipe et prendre 7 ou 8 buts à 0 parce qu’on débute n’est pas leur philosophie.
Ceci étant, l’Allemagne devient de plus en plus compétitive, elle est désormais engagée dans les Championnats d’Europe masculins. Pour les filles, le scénario est le même : pour le moment, ils ne se sentent pas prêts mais, en revanche, quand ils vont s’y mettre, ils vont aller très vite.
Quels sont les objectifs de l’encadrement des Bleues à court terme ? Est-ce que la qualification pour la première édition du Mondial en 2025 en fait partie ?
Pas question de mettre de pression aux filles : si on participe à la Coupe du monde, c’est formidable mais on sait très bien qu’on débute, on ne va pas être impatient. Le tout, c’est de participer à ces premières qualifications pour prendre de l’expérience.
Depuis 2017, on fait avancer l’Histoire, chacun à son rythme, ce n’est pas toujours facile mais l’important est de la marquer cette Histoire et de travailler pour l’avenir. Demain, nous ne serons plus là mais la discipline, elle, oui.
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