Nicolas Sauerbrey « Les filles veulent faire du beau volley avant d'être efficaces et les garçons, eux, veulent gagner.  »

Nicolas Sauerbrey : « Les filles veulent faire du beau volley avant d'être efficaces et les garçons, eux, veulent gagner. » KIds
Presque la moitié des licenciés de la Fédération Française de Volley sont des jeunes filles et des femmes, un bon point pour cette discipline qui signe des records d'affluence post-JO. Pour autant, Nicolas Sauerbrey, DTN adjoint en charge de la formation et du développement, assure que les filles aiment le volley, mais pas comme les garçons. Il nous explique pourquoi.

Par Sophie Danger

Publié le 22 octobre 2024 à 17h56, mis à jour le 13 janvier 2025 à 16h09

Au mois de juin de cette année, la Fédération Française de Volley a battu son record de licenciés avec plus de 220 000 volleyeurs et volleyeuses rassemblés sous sa coupe. Comment expliquez-vous cet engouement ?

Exactement, nous avons dépassé les objectifs fixés en fin d’olympiades, ils ont été atteints un an après les Jeux Olympiques de Tokyo et depuis, ça n’a cessé de progresser. Je pense que cet engouement vient du fait que la discipline est attrayante parce qu’elle est belle à voir et puis, il y aussi l‘équipe de France masculine qui est à son apogée et cela joue en notre faveur bien évidemment. L‘équipe de France est une vitrine qui attire les jeunes et nous constatons d’ailleurs une grosse progression dans les catégories moins de 15 ans et moins de 18 ans.  

©Meudon Chaville Sevres Volley-ball

Les résultats des équipes de France de volley aux Jeux Olympiques, et en beach volley n’ont pas été aussi fructueux pour les filles que pour les garçons, est-ce que ça, ça va se répercuter sur la pratique cette saison ? 

Non, à partir du moment où une équipe fonctionne bien, qu’elle soit féminine ou masculine, tout le monde veut tester la pratique.

Dans ces nouveaux venus au volley, du moins ces nouveaux licenciés, il y a presque la moitié de femmes

Oui, nous avons toujours été quasi à parité même si, ces derniers temps, c’est un chouïa moins vrai puisque nous devons avoir environ 52 % d’hommes pour 48 % de femmes.

Quand on parle du nombre de licenciés, on parle du volley de manière globale, à savoir l’indoor, l’outdoor, le beach, le loisir et le volley santé. Parmi ces cinq disciplines, quelle est celle qui est la plus plébiscitée chez les jeunes filles ?

Pour le moment, c’est le volley classique, à savoir indoor même si, depuis trois ans, on constate une forte demande de pratique loisir non compétitive à laquelle nous avons toutes les peines du monde à répondre parce que nos modèles, qui sont des modèles compétitifs, ne laissent pas suffisamment la place à ce type de pratique. Ça va être, je pense, le combat de l’olympiade qui arrive

©UNSS Mâcon

Comment expliquez-vous ce désintérêt pour la compétition ?

Quand on a plus de 220 000 licencs, les compétiteurs ne sont pas majoritaires, loin de là, et leur proportion n’évolue pas. L’idée est de proposer un moyen autre de les faire jouer. Cela ne signifie évidemment pas que nous voulons arrêter la compétition, les gens doivent pouvoir participer à un match le week-end s’ils en ont envie, mais il faut imaginer un autre modèle – une compétition en plateau par exemple plutôt que des matches aller-retour – pour laisser également la place aux autres.

En somme, il va nous falloir trouver des modèles d’organisation qui permettent à tout le monde de pouvoir pratiquer le volley dont ils ont envie. C‘est un enjeu majeur du développement si on veut continuer à accueillir les gens. 

Vous évoquiez les U15 et les U18, un âge auquel, généralement, beaucoup de jeunes filles se détournent du sport. La compétition est pour beaucoup dans ce décrochage. Pensez-vous qu’en proposant des modèles alternatifs, cela puisse enrayer ce phénomène ? 

Je pense. J’ai l’habitude de dire que le volley a, dans son ADN, tous les facteurs de la rupture. Cela signifie que le volley a toujours eu à pâtir d’une image de discipline compliquée, de discipline qui fait mal, dans laquelle on ne bouge pas et avec laquelle on ne se fait pas plaisir, tout cela a généralement à voir avec des résurgences de vieux cours d’EPS.

Nous avons travaillé sur le sujet avec quelques collègues et nous avons conclu que ce n’était pas aux joueurs de s’adapter à cette activité qui est codifiée parce que, dans ce cas-là, ça ne fonctionne pas mais que c’est l’inverse qui doit se produire : c’est au volley de s’adapter en prenant garde, bien entendu, à ne pas dénaturer la discipline.

Cela se traduit comment ?

Nous avons proposé de réduire le terrain pour éviter que les ballons n’arrivent trop vite et trop fort, nous avons également proposé de réduire le nombre de joueur pour évoluer en 4-4, 3-3 et puis, récemment en deux contre deux et en un contre un. Nous avons également lancé l’idée d’adapter les manières de jouer en permettant, par exemple, aux gamins d’attraper le ballon, ce qui n’est pas la règle en volley, et de faire évoluer joueuses et joueurs non plus par catégorie d’âge mais par niveau

Est-ce que cela a eu une incidence sur la pratique des filles ?  

Lorsque nous avons commencé à expérimenter toutes ces mesures, nous avons décidé de travailler en mixité. Les U15 et U18 qui nous rejoignent en nombre ont envie de jouer avec leurs copains et avec leurs copines et le volley permet la mixité dans le sens où il n’y pas de contact et la pratique est désormais corrélée non plus à l’âge mais au niveau.

La mixité s’applique à tous les publics ?

Non, elle vaut surtout pour les jeunes jusqu’à 13 ans parce qu’après, les modèles compétitifs entrent en jeu et là, on fonctionne par catégories d’âge et par sexe alors même que les dernières études menées sur le sport montrent que ce que les Français plébiscitent, c’est la mixité et le loisir non compétitif.

En ce qui concerne les sports Co, la compétition arrive en 10e position. Ce sont des choses à prendre en compte, mais elles sont compliquées à mettre en place parce que nos modèles sont indécrottables et parce que nous n’avons pas assez de gymnases pour accueillir tout le monde.

©Volleyclub Hérouville

Est-ce que ces nouvelles manières d’envisager la pratique peuvent avoir une incidence sur le haut niveau ?

L‘aspect formation de la jeune joueuse de volley vers le haut niveau, chez nous, c’est compliqué. J’ai été entraîneur d’un pôle espoir féminin pendant vingt-et-un ans, et il est vrai qu’on ne peut pas travailler de la même manière avec des filles qu’avec des garçons. Cela ne signifie pas que l’on ne doit pas travailler les mêmes choses, mais il y a peut-être des méthodologies différentes à mettre en place parce que les filles veulent faire du beau volley avant d’être efficaces et les garçons, eux, veulent gagner. 

Qu’est-ce que vous mettriez en avant pour inciter les petites et jeunes filles à sauter le pas pour vous rejoindre ?

Quand les gamines arrivent, il faut qu’elles jouent tout de suite et qu’elles aient du plaisir à le faire. Je leur parlerai de la mixité, du plaisir qu’elles auront à jouer, je leur dirai que le volley apprend à accepter l’autre, qu’il n’y a pas de contact donc qu’elles ne prendront pas de grands risques physiques. Dernier point, si l’activité est bien adaptée, elles vont se dépenser physiquement, ce qui est important 

©Decathlon

Ouverture ©Shutterstock

Vous aimerez aussi…

Rikako Ikee

Rikako Ikee, la nageuse qui ne veut jamais perdre, même contre la maladie…

Elle a seulement 20 ans, mais entame déjà sa deuxième vie. Rikako Ikee, grand espoir de la natation japonaise, a bien failli ne pas participer aux prochains JO de Tokyo. Atteinte d’une leucémie diagnostiquée en février 2019, la sextuple médaillée d’or des Jeux Asiatiques de 2018 a dû batailler dix longs mois contre la maladie avant de revenir au premier plan. Portrait d’une battante.

Lire plus »
Charlotte Cormouls-Houlès : « Pour aimer la voile, il faut savoir s’émerveiller. »

Charlotte Cormouls-Houlès : « Pour aimer la voile, il faut savoir s’émerveiller. »

Elle a donné un an de sa vie pour la Transat Jacques Vabre qui vient de s’élancer du Havre. Elle, c’est Charlotte Cormouls-Houlès, 27 ans, navigatrice passionnée qui n’aurait jamais imaginé pouvoir s’embarquer dans pareille aventure. Nous l’avons rencontrée deux jours avant son grand départ. Avec sa co-skippeuse Claire-Victoire de Fleurian, la voilà à flot pour voguer vers un rêve devenu réalité.

Lire plus »

Pauline : « Au sommet d’une montagne, je me sens à ma place. »

Ado, elle pratiquait déjà le ski de randonnée. Et, depuis, elle n’a jamais cessé de grimper les sommets. Le plus souvent, dans sa région d’adoption, Grenoble.
La montagne, Pauline s’y sent bien, loin de tout esprit de compétition ou de performance. Elle nous partage sa passion. Celle qui la fait vibrer, celle qui l’aide à respirer.

Lire plus »
Gwendoline Daudet : « Il y a une part de danger dans le short-track, on fonce et j’aime ça ! »

Gwendoline Daudet : « Il y a une part de danger dans le short-track, on fonce et j’aime ça ! »

Une tête bien faite dans un corps en symbiose, Gwendoline Daudet est une valeur sure de l’équipe de France de short-track féminine. À 23 ans, la patineuse de vitesse sur piste courte a déjà raflé plusieurs belles médailles et s’apprête à conquérir Pékin. Une athlète dans les starting-blocks, prête à passer la vitesse supérieure pour les Jeux Olympiques d’hiver. Conversation on the rocks.

Lire plus »
Il était une fois les courses automobiles… féminines/Hélène van Zuylen

Il était une fois les courses automobiles… féminines

La voiture… Encore aujourd’hui, un objet très vite associé aux hommes. Et pourtant, les filles sont arrivées en force derrière les volants ! Et ce grâce à des pionnières qui ont su éviter tous les obstacles sur des routes bien sinueuses… Retour sur cette histoire écrite au rythme des moteurs.

Lire plus »
Simone Biles

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une pionnière du tennis français restée dans l’ombre, une autre qui s’est offert un doublé pour la postérité à Roland-Garros, une championne folle de volley, la gymnaste la plus titrée de tous les temps (Simone Biles, notre photo), mais aussi une “question qui tue“, un film poignant sur la relation entre des ados et le foot et un nouveau campus sport business, c’est le programme à retrouver sur ÀBLOCK!

Lire plus »
Béatrice Barbusse : « La femme doit prendre possession de son corps. »

Béatrice Barbusse : « La femme doit prendre possession de son corps. »

À la fois vice-présidente de la fédé de handball et sociologue, elle vient de sortir la version enrichie de son ouvrage de référence « Du sexisme dans le sport ». Béatrice Barbusse ne pouvait échapper à notre scope en cette Journée internationale des droits des femmes. Rencontre avec une femme de sport qui s’enflamme, avec une chercheuse éclairante. Et ça fait du bien !

Lire plus »
Bethanie Makett-Sands

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une aviatrice américaine au sacré culot, une joueuse de tennis aussi colorée que ses médailles (Bethanie Makett-Sands, notre photo), une pionnière de la nage qui défiait les eaux en 1900, une autre, toute jeune, sacrée championne de natation, une chronique sur le sport féminin, le fameux 5 infos sur une tenniswoman aux allures de Grand Chelem, une question qui tue, une initiative qui rassemble et un peu d’actu avec l’Euro Basket 2021, vous n’avez qu’à demander, c’est sur ÀBLOCK!

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner