Festival Femmes en Montagne 2023, place aux jurés…
Le Festival Femmes en Montagne 2023 dont ÀBLOCK! est partenaire se met en place doucement mais sûrement. Jurés, récompenses… Pour savoir ce qui se profile en novembre, on vous résume tout ça.
Publié le 10 janvier 2023 à 18h15
Tu avais annoncé mettre un terme à ta carrière au mois d’avril dernier mais finalement, tu t’es ravisée et tu as repris le chemin de l’entraînement et du ring. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je n’ai pas mis un terme à ma carrière, c’était simplement un coup de tête comme d’autres sportifs, des artistes, peuvent en avoir au cours de leurs carrières.
J’avais décidé d’arrêter et c’était réfléchi. Sur le moment, j’en avais un peu marre, je ressentais un trop plein. Ça a malheureusement pris plus d’ampleur que ce que je voulais, des articles sont sortis dans la presse.
Il était dû à quoi ce trop-plein ?
Durant les Jeux Olympiques de Tokyo, j’étais blessée au bras et ce rendez-vous a été compliqué pour moi. Au japon, j’ai été sortie directement par la médaillée de bronze, je n’ai jamais compris cette décision et ça m’a frustrée.
Après ça, je suis allée au Canada, je devais boxer, en pro, et finalement ça ne s’est pas fait. En novembre, j’ai perdu ma ceinture mondiale à Las Vegas.
Il y a également le fait que, à ce moment-là, j’étais mal entourée et donc je ne prenais pas forcément les bonnes décisions. En somme, ça a été un tout qui m’a conduite à vouloir arrêter.
Comment es-tu parvenue à retrouver suffisamment de sérénité pour revenir sur cette décision et poursuivre ta carrière ?
Ça a mis énormément de temps. Soit j’arrêtais et je passais à autre chose, soit je reprenais mais de zéro.
Reprendre de zéro, ça voulait dire couper les ponts avec certaines personnes, me fixer de nouveaux objectifs, prendre un nouvel entraîneur… Je ne suis pas quelqu’un qui fait pour faire. Je ne vais pas en équipe de France pour dire que j’y suis. Je m’en moque. Si je suis en équipe de France, c’est pour ramener des titres, aller aux Jeux Olympiques et y faire une médaille.
Je suis entière dans ce que je fais. Il y a eu beaucoup de travail pour tout remettre à plat, savoir ce que je voulais vraiment.
Tirer un trait sur le sport semble difficilement concevable pour une athlète comme toi. Tu expliques que c’est quelque chose de primordial dans ta vie, un moyen de te canaliser, de te calmer. Tu as commencé par le football avant de te diriger vers la boxe car tu n’aimes pas les sports d’équipe. Qu’est-ce qui te plaisait dans le sport et qu’est-ce qui te déplaisait dans les sports d’équipe ?
J’ai 33 ans et, avec le temps, on se dit que l’on va se calmer, se canaliser mais je ne canalise rien du tout ! Heureusement que j’ai des séances de sport tous les jours pour y parvenir. Je mets énormément d’énergie dans le sport et le sport me l’a bien rendu. Si je suis la jeune femme que je suis aujourd’hui, c’est aussi grâce au sport, ça m’a façonnée.
J’ai démarré par le foot et j’étais talentueuse. J’ai toujours eu un gros physique, un gros cardio, je courais beaucoup, je jouais bien mais je n’ai pas trop l’esprit d’équipe. Moi, je suis entière. Sur le terrain, quand tu fais des efforts et que l’autre, à côté, ne les fait pas, tu en payes le prix. Le sport n’a jamais été un jeu pour moi, quand je sens que mes coéquipières ne sont pas dans la même optique, ça ne me convient pas.
Et puis, il y a les comportements extra-sportifs qui m’ont aussi pesé. À 14 ans, les filles ne sont pas toujours très gentilles et moi, je suis assez sensible. C’est tout cela qui a fait que je me suis tournée vers le sport individuel.
Et ce sport individuel, ça va être la boxe. Tu as vu une affiche et tu décides de pousser la porte de la salle. Qu’est-ce qui t’as attirée dans cette salle ?
J’ai quitté l’équipe de football et je cherchais un sport. Je savais que j’avais un potentiel mais je ne savais pas comment l’exploiter ni dans quel domaine. Je suis tombée sur cette affiche de boxe et je me suis dit : « Pourquoi ne pas essayer ? ».
Je suis arrivée un soir pour me présenter et l’entraîneur m’a dit : « Tu as l’air costaude, tu vas passer avec les adultes ». Ça, ça m’a plu tout de suite car il m’a valorisée comme personne ne l’avait fait auparavant. Quelqu’un me regardait enfin.
J’étais très motivée, j’ai commencé la corde à sauter, les pompes, la course à pied. J’ai adoré l’aspect physique de la boxe dès le départ. Il y avait de l’intensité, du cardio, il fallait tout donner au sac.
Il y aussi le fait que j’étais déjà une bagarreuse dans l’âme à l’époque et que, en boxe, je trouvais des gens d’accords pour se bagarrer avec moi. Tout ça a fait que je me suis prise au jeu.
Tu dis aussi que la boxe t’a éduquée. Quelles valeurs t’a-t-elle apporté ?
Dans la boxe, j’ai trouvé un soutien, des repères, des gens qui me guidaient dans mes choix de vie personnelle. Très vite, au lieu d’y aller deux fois par semaine, j’y suis allée quatre fois et puis tous les soirs avec compétition le week-end.
J’ai pris la boxe comme une bouée de sauvetage, ce qui a un effet pervers car ça devient obsessionnel. Tu rates tous les anniversaires, toutes les sorties parce que tu veux t’entraîner et qu’il n’y a plus que ça qui compte. Tu te réfugies dans la boxe comme un autre dans la drogue.
La boxe m’a aussi apporté la discipline. J’avais de bons résultats scolaires mais, de ce côté-là, ça laissait à désirer. Après les entraînements de boxe, j’étais tellement fatiguée que j’arrivais en classe posée, je ne bougeais plus une oreille.
Mon comportement s’est amélioré. J’ai aussi appris le respect, le respect de l’autre. Quand je n’étais pas contente en sparring, que je ne parvenais pas à faire ce que je voulais, je jetais les gants par terre et je quittais le ring. Et là, on m’a dit que ça ne se faisait pas parce que j’avais un adversaire face à moi alors je devais finir le round, attendre la sonnerie. Il a fallu me faire comprendre que je devais me maîtriser.
Tu évoquais les mots de ton premier entraîneur qui t’avait trouvée « costaude ». Ce n’est pas forcément un qualificatif que l’on aime entendre lorsque l’on est une fille. Entre ce choix de la boxe, d’ordinaire plutôt associé au masculin, et ce terme, rien ne t’a rebuté ?
À l’époque, j’étais très garçon manqué, ce que je ne suis plus aujourd’hui. J’ai fait du football parce que j’avais envie d’être avec les garçons. Eux y jouaient beaucoup et pour être avec eux, il fallait en faire, c’est pour ça que je me suis dirigée vers ce sport.
Maintenant, je retrouve la femme que je suis. Ça ne fait que quelques années que je commence à m’occuper de moi, avant, ça ne m’intéressait pas. J’ai de plus en plus besoin d’être féminine.
Avec les années, je me rends compte qu’avant, la boxe, était la première de mes préoccupations, maintenant, elle l’est toujours mais j’essaie d’avoir d’autres choses aussi dans ma vie, de m’ouvrir à autre chose.
Tu vas rapidement te démarquer et briller en compétition en devenant sept fois vice-championne de France en savate et en anglaise. À 19 ans pourtant, il t’a fallu choisir entre les deux. Pourquoi ?
Cette année-là, je faisais les deux championnats de France, savate et anglaise, et j’étais vice-championne de France dans les deux disciplines. C’est la saison où j’ai fait le plus de combats, j’étais arrivée à seize dans l’année, parfois j’en faisais deux dans le week-end, un en française, un en anglaise.
Et puis, un jour, l’entraîneur, Sot Mezaache, m’a dit : « Je m’occupe de toi si tu arrêtes le pied-poings car ce ne sont pas les mêmes appuis ». J’ai fait le choix de m’orienter vers l’anglaise parce qu’il y avait davantage d’opportunités internationales, plus de médiatisation, plus d’enjeux sportifs.
Cinq ans plus tard, en 2013, autre tournant, tu passes pro. C’était la voie logique pour toi ?
J’ai toujours voulu passer pro. J’ai fait un peu d’amateur pour voir ce que c’était mais moi, ce qui me faisais rêver, c’était les carrières à la Manny Pacquiao, à la Juan Manuel Marquez, à la Oscar de La Hoya. Je voulais faire une carrière comme eux.
Je suis une boxeuse professionnelle dans l’âme. Dès que j’ai commencé la boxe anglaise, je n’ai plus arrêté de regarder ces combats-là. Je sentais que ma place était chez les pros. C’est pour ça que je suis passée assez jeune, à 23 ans, car pour monter, ça prend du temps, il faut un promoteur…
Tu vas enchaîner les combats et cumuler les ceintures. En 2015, tu as 26 ans, et premier titre continental, tu deviens championne d’Europe des poids légers. Il représentait quoi ce titre pour toi, la validation de tes choix ?
Oui, c’est ça. Mes premiers titres m’ont montré que j’avais tout à fait ma place là où j’étais, que j’avais bien fait de m’orienter en boxe professionnelle. Quand je suis passée pro, on ne pouvait pas revenir en amateur, je savais donc que je ne pourrais jamais retourner en arrière. C’était un choix, un vrai choix.
L’année suivante, en novembre, tu remportes ton premier titre de championne du monde IBF des super-plumes. Ce titre, c’était une obsession pour toi, tu racontes qu’il te hantait et tu évoques également, après coup, le sentiment du devoir accompli.
C’était un rêve de gosse, un défi que je m’étais fixée à moi-même et ne pas y arriver aurait été plus qu’une frustration. C’était un soulagement quand je l’ai eu, comme une boucle de boucler. Je voulais vraiment être championne du monde et ce titre a été un vrai aboutissement à la fois sportif et personnel.
À partir de là, tout ce qui pouvait arriver ensuite était un plus. La réussite sociale qui a été la mienne, j’y ai accédé grâce au sport, grâce à la boxe et ce titre y a contribué. J’étais devenue quelqu’un grâce à mon titre mondial.
Toi qui dis haut et fort vouloir marquer l’histoire de la boxe, ce titre te le permet. Tu rejoins, dans la légende, Myriam Lamare et Anne-Sophie Mathis, seules avant toi à avoir réussi un tel exploit.
Oui, je rentre dans un cercle très fermé, celui des champions du monde de boxe et, qui plus est, des vrais champions du monde. En boxe anglaise il y a plein de ceintures mineures, moi, je parle des vrais champions, celles et ceux qui ont marqué la boxe anglaise. Ça signifie beaucoup pour moi.
Quand on a atteint son objectif majeur, c’est un bonheur immense mais aussi un moment vertigineux : que reste-t-il à accomplir après ? C’est une question que tu t’es posée ? C’était quoi ton but ensuite ?
Le problème, c’est que je dis que la boucle est bouclée mais, en réalité, je ne suis jamais satisfaite. Moi, je veux une carrière hors norme. Après ça, je réussis à aller jusqu’aux JO alors que la boucle était aussi bouclée de ce côté-là, mais c’est ça qui me permet de me sentir vivante, de donner du piment à ma vie.
J’ai besoin de cette adrénaline, d’aller chercher des titres, d’être en alerte. Je suis dépendante des défis.
©Coll. Maïva Hamadouche/Guillaume Robin
Tu évoques les JO. En 2019, tu intègres l’équipe de France de boxe amateur pour tenter de te qualifier pour Tokyo. Ça signifiait quelque chose pour toi, sportivement, ce rendez-vous ?
J’avais tiré un trait dessus. Je n’avais jamais pensé y aller, je les regardais à la télé. Quand la porte s’est ouverte pour les pros, la Fédération m’a appelée pour me demander si je voulais faire les qualifications en moins de 60 kg.
C’était particulier parce que je n’aime pas la boxe olympique. Je n’aime pas le sport en lui-même, le casque, le format en trois rounds. J’ai réussi à aller aux Jeux Olympiques par le biais d’une discipline que je n’aime pas pratiquer.
Avant de me lancer, j’avais un peu d’appréhension mais il y avait ce défi, aller aux JO et y faire une médaille, alors je me suis dit que j’allais faire un effort. J’ai fait les premiers stages, et, pour moi qui n’aime pas les sports d’équipe, qui suis très solitaire, ça a été compliqué. Il fallait s’entraîner en groupe, être toujours avec du monde, dormir à trois ou quatre dans une chambre, ce n’est pas ma façon de penser, pas ma façon d’être.
Il a aussi fallu que je m’adapte au style de boxe avec le casque qui est de travers au bout de deux minutes, je ne supporte pas ça, je boxe beaucoup mieux et je me protège beaucoup mieux sans.
C’est une boxe bizarre que je n’ai jamais compris, mais je me suis accrochée même si je n’ai jamais vraiment pris de plaisir sur le ring en boxe olympique.
Quelles sont les différences fondamentales avec le style pro ?
C’est comme si tu devais t’aligner sur un 200 mètres et un 800. Moi je suis plus forte sur le 800, à l’usure, sur le physique alors que, sur le 200, ce n’est que de l’explosivité. Les filles vont te mettre un coup et, après, courir dans le ring pour ne pas que tu les attrapes. Si elles sont devant, c’est toi qui cours après et tu prends encore plus de coups.
En olympique, c’est dur de frapper et d’être sans cesse en déplacement. En plus, les filles ne se posent pas, les appuis sont différents, ça bouge énormément, j’ai du mal à trouver mes repères en boxe olympique.
Tu vas malgré tout décrocher ton billet pour Tokyo en début d’année. Là aussi, ça s’est avéré compliqué. Tu as été blessée à un bras, tu n’as pas bien suivi le protocole de soin, ça s’est aggravé et tu as boxé encore blessée.
Je me suis faite opérer trois fois du bras, en janvier, en mars et en avril. J’étais blessée et comme je ne supportais pas le fait de ne rien faire, je me suis entraînée dessus et ça s’est infecté. Derrière, ça a été très compliqué, j’ai failli perdre mon bras et faire une septicémie.
Avant le tournoi de qualification olympique qui s’est déroulé début juin, je n’avais pas fait de compétitions et très peu de sparring avant. J’ai réussi à me qualifier uniquement parce que je me suis entraînée toute ma vie et que, mentalement, je n’ai pas voulu lâcher mais je n’avais rien pour y aller. Ma préparation a été catastrophique.
Tu aurais pu y laisser ton bras et hypothéquer ta carrière sportive, ta vie personnelle aussi. Tu n’as jamais songé à renoncer ?
Quand j’ai vu un infectiologue à l’hôpital de Garches, il m’a dit : « Je ne rigole pas, vous pouvez perdre votre bras ». À partir de ce moment-là, je n’ai plus pensé aux Jeux mais à ma vie personnelle.
Finalement, j’ai quand même pu aller aux qualifs. C’était une expérience dingue. Les qualifs, c’est la seule compétition qui ne ressemble à aucune autre, même pas aux Jeux en eux-mêmes ou à des Championnats du monde. Tu as l’impression qu’à cette occasion, tout le monde donne sa vie. Tu vas rencontrer une adversaire classée cinquantième, elle va te prendre à la gorge pour gagner car travailler quatre ans pour ne pas te qualifier, c’est encore plus dur que de perdre au premier tour du tournoi olympique.
Si tu mets ne serait-ce qu’un pied aux Jeux, cela signifie que ton projet a eu du sens. Et vis-à-vis des gens aussi, quand tu dis que tu es allée aux Jeux Olympiques, tout de suite, ça leur parle, tu es un vrai sportif pour eux. Un championnat du monde ou un Championnat d’Europe, tu te dis que ce n’est pas grave, tu retenteras ta chance l’année suivante. Ce n’est pas la même chose pour les JO et c’est pour ça que tu n’as pas le droit de rater lors des qualifications. Ça, ça change tout.
C’est pour cela que certains, très forts, vont perdre leurs moyens face à l’enjeu, et d’autres vont se transcender.
C’est pour donner du sens à ton choix, que tu as persévéré ?
Oui. Le sens de mon projet, c’était les Jeux. J’aurais bien moins vécu le fait de ne pas me qualifier que je n’ai vécu celui de perdre au premier tour. C’est pourtant arrivé à plein de boxeuses, je suis une des seules pros au monde à m’être qualifiée pour cet évènement.
L’expérience a finalement été belle mais malheureuse avec une élimination prématurée. Est-ce que tu retentes ta chance à Paris l’année prochaine ?
Non, je n’ai pas rempilé. C’est une aventure qui ne m’a pas vraiment convaincue et, si je pense que tout n’est pas réuni pour que je puisse faire une médaille, je n’y vais pas.
C’est pour cela qu’après les Championnats d’Europe en octobre dernier, j’ai décidé de quitter l’équipe de France et de revenir en pro.
La suite, elle s’annonce comment ?
Je dois assurer un combat le 4 février pour faire un championnat du monde d’ici la fin de l’année. Je veux récupérer ma ceinture mondiale en super-plume.
Je veux redevenir championne du monde.
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