Auriane Mallo-Breton « À la naissance de mon fils, je me suis sentie forte, je voulais le montrer au monde de l'escrime. »

Auriane Mallo-Breton, vice championne olympique d'escrime
Elle s’apprête à fêter ses 30 ans avec deux médailles olympiques autour du cou. Auriane Mallo-Breton, vice-championne olympique d’épée en individuel et par équipe aux Jeux de Paris, a consacré douze ans de sa vie au haut niveau. La Lyonnaise, maman d'un petit garçon, souhaite désormais prendre du temps pour elle et sa famille. Avant, peut-être, de revenir... si l’envie est toujours là.

Publié le 17 octobre 2024 à 15h28, mis à jour le 17 octobre 2024 à 16h02

Tu as participé, cet été, à tes deuxièmes Jeux Olympiques, un rendez-vous couronné par deux médailles d’argent, une en épée individuelle, une en épée par équipe. Est-ce tu as réussi à digérer cette épopée ou est-ce que tu es toujours sur ton nuage ?

Je ne me suis pas trop posée depuis, ce qui fait que je n’ai pas encore eu vraiment le temps de réaliser que c’était fini. Il se trouve que j‘ai une vie à 1000 à l’heure et un emploi du temps assez chargé : j‘ai trouvé le moyen de déménager entre ma compet’ indiv et ma compet’ par équipe et le retour au quotidien a été, en premier lieu, de défaire les cartons.

Par la suite, tout s’est enchainé : il y a eu l’entrée à l’école de mon fils à gérer, la première pour lui, j’ai également recommencé à travailler, je fais des formations kiné et j’ai des sollicitations à droite et à gauche pour faire des conférences, aller à la rencontre des entreprises…  

©Auriane Mallo-Breton/Facebook

Est-ce que tu es malgré tout parvenue à savourer ou pas vraiment ?

J’ai coupé un peu et j’ai fêté ça en famille, mais je n‘ai pas l’impression d’avoir fait une vraie coupure. Je pense qu’il faut que je me pose un peu, que j’aie un rythme moins effréné si je ne veux pas exploser en plein vol. Quoi qu’il arrive, j‘ai encore des célébrations programmées, celle de mon club, une avec la ville de Saint-Gratien, on essaie de caler une date avec mon département, il y a la Fédération aussi

Tout cela fait qu’on est encore un peu sur la fête et ça, c’est chouette. Mais Paris 2024, on en parlait, nous athlètes, depuis sept ans, c’était un objectif et c’est donc une page qui se tourne. Je suis tellement fière de tout ce qui s’est passé, que ce soit en ce qui concerne les Jeux Olympiques, les Jeux Paralympiques, mais aussi leur impact sur les Français, leur impact sur la place du sport, sur l’inclusion dans le sport, que je ne ressens pas de nostalgie mais de la fierté par rapport à cet héritage et j’espère que ça va durer.

©Auriane Mallo-Breton/Facebook

Ces deux médailles viennent récompenser un parcours initié lorsque tu avais 7-8 ans au club du Masque de Fer, à Lyon. Au début, tu refuses pourtant catégoriquement d’y aller parce que l’escrime est, selon toi, un sport de garçons.

Oui, je ne sais pas pourquoi je m’étais mis ça dans la tête, probablement des croyances de petite fille parce que j’ai deux frères et, à l’époque, j’étais habituée à être avec des garçons. J’ai changé d’avis après avoir fait de l’escrime à l’école. Là, j’ai bien aimé battre les garçons et l’année d’après, j’étais inscrite au club où évoluait déjà un de mes frères. Le second s’y est mis, lui aussi, par la suite ce qui a fait que nous étions trois Mallo, en trois ans, à faire nos débuts à la salle.

Avant l’escrime, est-ce que tu acceptais de pratiquer des sports que tu considérais comme des sports de filles ?

Je faisais de la natation, mais c’était parce que mes parents voulaient que mes frères et moi sachions nager et que l’on soit tranquilles avec l’eau. On a appris très tôt, mais je n‘ai pas pratiqué la natation en compétition, on allait à la piscine une fois par semaine et nos activités se limitaient à du barbotage.

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Quand tu rejoins le club du Masque de fer, tu débutes par le fleuret. L’épée, ce sera l’année d’après et là, ce sera le coup de foudre. Comment tu l’expliques ?

Je pense que c’est avant tout une histoire de caractère. J’aimais l’escrime et, au départ, il est vrai que le fleuret me plaisait bien mais les priorités m’agaçaient un peu : je touchais souvent l’autre en premier et je n‘avais jamais la priorité ! Quand j’ai découvert l’épée, ça a été plus fort encore que le fleuret, je me retrouvais davantage dans cette arme, le fait de toucher sans se faire toucher, le jeu du chat et de la souris me convenait plus. Ce qui est drôle, c’est que mes deux petits frères ont choisi la même arme que moi.

©FFE

Comment s’est passée la suite ? Est-ce que tu as été amenée à intégrer une classe aménagée, un pôle espoir ou est-ce que tu as évolué en club jusqu’à ton entrée à l’INSEP ? 

Après le Masque de fer, on a créé un club d’épéistes parce quil commençait à y avoir des tensions internes avec les fleurettistes. J’ai eu la chance d’avoir Rémy Delhomme, un ancien athlète de haut niveau, pour entraîneur, j’ai également eu la chance qu’il y ait un groupe avec suffisamment de personnes pour pouvoir tirer à l’entraînement.

Parallèlement à cela, j‘ai suivi une scolarité normale avec deux-trois entraînements au club par semaine. Ce qui est drôle, c’est que je ne me suis pas vraiment rendu compte que mon niveau évoluait. Au début, tu fais des compet’ départementales puis régionales et tu les gagnes. Tu enchaînes avec des compétitions qui concernent une moitié de la France, tu les gagnes. Puis ce sont les Championnats de France, tu les gagnes. À partir de ce moment-là, tu intègres les cadettes et tu commences à partir en Coupe du monde, puis il y a les juniorsCet enchaînement fait que l’’escrime prend progressivement de l’ampleur dans ta vie sans que tu ne t’en rendes réellement compte.

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Le haut niveau s’est imposé naturellement à toi ?

Mes parents ne connaissaient rien au haut niveau. On avançait sans trop savoir où on allait mais on y allait quand même. Ça s’est fait comme ça. J’ai intégré l’équipe de France cadette, puis junior et la question de savoir ce que je voulais faire s’est réellement posée au moment de poursuivre mes études. J‘ai eu mon bac en 2011, je voulais devenir kiné, j’ai suivi une année de médecine pour intégrer ma formation et, en 2012, je suis rentrée en école de kiné et, en même temps, à l’INSEP où je suis restée interne pendant quatre ans.

Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que je me suis lancée dans le vrai haut niveau. Je me souviens que, durant mes deux premières semaines à l’INSEP, j’étais carpette ! Je passais de deux-trois entraînements par semaine en club à plusieurs entraînements par semaine, voire par jour ! Je n‘arrivais pas à me lever de mon lit, ça piquait.

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Est-ce qu’en intégrant l’INSEP tu as commencé à nourrir des ambitions sportives plus soutenues ?

J‘avançais à mesure que les choses se présentaient. J’étais une grosse rageuse à l’époque et il m’arrivait d’être insupportable parce que j’avais perdu une compet’. Dans ces cas-là, je prenais des gros taquets de ma mère sur le chemin du retour et il m’est arrivé plein de fois de faire semblant de dormir dans la voiture pour ne pas me faire éclatermais je me faisais quand même éclater ! 

Lors de mon arrivée à l’INSEP, il y a effectivement eu une bascule. En 2013, lors de ma dernière année en junior, je suis sacrée vice-championne du monde et championne d’Europe en individuel. Ces résultats m’ont valu de faire tout de suite les Championnats du monde séniors. Tout s’est enchainé hyper vite et, finalement, assez naturellement. Par la suite, j‘ai participé à tous les Monde jusqu’en 2023. Il y a également eu les Jeux de Rio auxquels je n’aurais jamais pensé participer parce qu’on était un groupe très jeune et que personne ne nous voyait aller au Brésil. J’ai toujours vécu dans l’instant mais il est vrai que, plus j’avançais dans mon parcours, plus j’avais des exigences et l’envie d’aller loin.

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Les débuts ont été, de ton propre aveu, compliqués. Tu gères un double cursus sport et étude ; sportivement, on attend beaucoup de toi, tu dois composer avec les blessures et des résultats qui n’arrivent pas aussi vite que tu le désires. Comment tu apprivoises tout ça ?

Depuis que j’ai 15 ans, j’ai toujours été sur une pente plus ou moins ascendante. Ma progression a pris plus ou moins de temps mais j’ai rarement eu un parcours en dents de scie. Il reste que l’épée est une arme de maturité : plus tu prends de l’expérience, plus tu gagnes les matchs à 1514 mais pour en arriver-là, il faut en bouffer, il faut prendre de bonnes claques pour comprendre comment ça fonctionne.

Pour moi, rien n’allait jamais assez vite même si je suis la seule épéiste à avoir été dans les quatre pendant ces douze ans. C’est pour cela que, même si j’en voulais toujours plus, je ne peux pas trop me plaindre 

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On a l’impression que tu ne t’es jamais sentie totalement légitime ?

Le gros déclic pour moi, ça a été la naissance de mon fils en 2021. À partir de 2015-2016, j’ai réussi à m’exprimer par équipe, ce que j’arrivais moins à faire en individuel, domaine dans lequel je n‘étais pas assez régulière. Je n’arrivais pas à briller toute seule et quand je me suis posé la question de faire un bébé, cette problématique devenait vraiment très pesante dans ma tête. J’ai finalement décidé de le faire ce bébé. Mon retour post-partum a été compliqué, on m’a fait comprendre quil fallait que je reparte de zéro, que tout ce que j’avais fait avant ma pause maternité n’existait pas alors que, Covid oblige, je n’avais pas raté tant de compétitions que ça !

C’est tout cela qui, finalement, m’a donné davantage d’assurance. Je me suis dit que j’étais maman, que je bossais, que je m’entraînais et que j’avais le droit d’être forte et de le montrer au monde de l’escrime. Ça m’a vraiment libérée. La maturité y est pour beaucoup évidemment mais mon fils aussi, c’est lui qui m’a donné de la force sans compter que mon mari, mes parents, mes beauxparents se sont pliés en quatre pour que je puisse repartir en compétition. J’ai compris que j’avais le droit de perdre, mais que je n’avais pas le droit, en revanche, de faire les choses à moitié

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Avant de devenir maman, tu réalises une très belle saison 2016 couronnée par une deuxième médaille aux France et l’argent par équipes aux Championnats d’Europe de Toruń, en Pologne. Et puis, il y a une première participation aux Jeux Olympiques de Rio. Comment tu l’as accueillie cette sélection ?

C‘était fou. On était un groupe de petites nanas : moi, j‘avais 22 ans, la plus vieille en avait 25. Une fois là-bas, on s’est dit qu’on était des outsiders mais que, peut-être, ça pourrait passer. Finalement, Lauren Rembi termine 4e en individuel et par équipe, on mène tout le match face aux Russes qui sont beaucoup plus expérimentées que nous. Ça se joue sur des détails et on termine septièmes. Malgré tout, c’était quand même une super expérience 

Tu enchaînes avec deux autres titres européens par équipe, l’un en 2017, l’autre en 2018. Est-ce qu’on peut dire que les Jeux de Rio ont, en un sens, été fondateurs dans la suite de ta carrière ?

Oui, car je me suis vraiment rendu compte que j’étais un élément fort du collectif et notamment par équipe. C‘est vrai que ces titres aux Europe nous ont fait du bien, c’était la première fois que l’épée dames était championne d’Europe et on l’a fait quatre fois en tout. La seule chose qui m’a manqué entre 2017 et 2021, ce sont ces fameuses médailles individuelles. Il m’arrivait parfois de faire des quarts de finale ou un podium en Coupe du monde de temps en temps, mais ce n‘était pas assez régulier et j‘ai un peu rongé mon frein.

C’est, une fois encore, l’arrivée de mon fils qui a fait la différence. J’ai eu la meilleure idée de ma vie quand j’ai décidé de me consacrer à ma vie de famille, qui était ma priorité à cette période-là. Je ne voulais pas tout mettre de côté, ni sacrifier ma vie personnelle, ma vie de famille, pour l’escrime.

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Décider de faire une pause, quitte à manquer des Jeux Olympiques, n’est pas une décision facile à prendre. Qu’est-ce qui t’a poussée à couper ? 

Quand tu as cette pression de la qualification olympique, il arrive parfois que tu te perdes un peu, que tu oublies l’essentiel, à savoir les raisons qui font que tu fais tout ça. À cette période-là, aller à l’entraînement était une souffrance, partir en compet’ était une souffrance pour la bonne raison que j’avais trop de pression. Quand tu oublies pourquoi tu es là, que tu n’as que la peur de rater en tête, en général ça se passe mal et tu vis forcément un mauvais moment.

Le Covid m’a permis de me rendre compte de la chance que j’avais d’exercer, à côté, un métier qui me plaisait, j’ai réalisé que je pouvais vivre sans escrime, que ce n‘était pas une fin en soi. Tout cela m’a permis de replacer l’escrime dans son contexte - j’aime ça, mais je n‘en fais pas pour souffrir – et d’ouvrir les yeux.

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Tu n’as eu aucun regret à tirer un trait sur Tokyo ?

On ne savait pas encore ce qui allait se passer avec les Jeux de Tokyo et puis, quoi qu’il arrive, nous n’étions pas encore qualifiées. Je me suis dit : soit j’essaie de faire un bébé et je reviens le plus tôt possible pour Paris, soit je tente Tokyo, sans aucune certitude d’y être et avec ce relent de souffrances endurées à cette période de ma vie.

J’ai opté pour l’option numéro 1, j’ai accouché une semaine avant les Jeux de Tokyo et, à sept semaines post-partum, j’étais sur le vélo avec ceux de Paris en tête. À partir de ce moment-là, j’étais dans une dynamique hyper positive. C’est une situation particulière que j’ai souvent vécue dans ma carrière : quand il m’est arrivé d’être au plus bas ou au pied du mur, qu’il fallait vraiment que je me bouge, j’ai toujours réussi à trouver des ressources pour me permettre de revenir à l’essentiel, de retrouver le plaisir et l’envie d’être là.

©Auriane Mallo-Breton/Facebook

Tu évoquais un peu plus haut ton retour de maternité compliqué et le fait que l’on ne t’ait pas facilité la tâche. Tu penses à qui en disant cela ? À l’encadrement fédéral ? 

Lorsque je suis revenue, il y avait eu un changement d’entraîneurs et nous ne les connaissions pas beaucoup. Quand il y a des changements comme ça, c’est comme en politique, tu veux imposer ta vision, tu refuses tout passe-droit. Je pense que nos nouveaux entraîneurs ont voulu remettre tout le monde sur un pied d’égalité, ce qui signifiait oublier ce qui s’était passé avant et demander à tout le monde de refaire ses preuves sans faire de cadeau à quiconque. Je ne pense pas que c’était dirigé contre moi, c’est juste que j’avais décidé de faire un bébé, qu’il fallait que j’assume et que je montre que j’étais plus forte que les autres si je voulais repartir en compétition.  

©Auriane Mallo-Breton/Facebook

Ça faisait beaucoup d’obstacles à surmonter pour renouer avec le très haut niveau

Oui, et ça n’a vraiment pas été une période facile, mais j’ai eu de la chance parce que ma famille me soutenait, mon entraîneur formateur, Rémy Delhomme, a également été très présent. Et puis, tout cela m’a obligée à aller au plus profond de moi chercher les ressources nécessaires pour montrer qu’il allait falloir compter sur et avec moi et c’est ça qui m’a permis d’assumer le fait que j’étais forte.

Un an après avoir donné naissance à ton fils, tu deviens championne d’Europe par équipes à Antalya, en Turquie. Même chose l’année suivante aux Jeux Européens de Cracovie, en Pologne, ainsi qu’une médaille de bronze aux Europe de Plovdiv, en Bulgarie, plus un titre de championne de France, sans compter tes premiers podiums individuels en Coupe du monde

Vivre ça avec un enfant, c’est quand même dingue parce que tu prouves que c’est possible. Ça permet à toutes les femmes de se rendre compte qu’il n’y a pas de bon moment pour faire un bébé, tu le fais et puis après, tu montres à tous les gens qui pensent que tu n‘es pas capable de faire plusieurs choses en même temps, que c’est totalement faux.

©Auriane Mallo-Breton/Facebook

En janvier 2023, tu noues un partenariat qui va te permettre d’arrêter de travailler pour te consacrer à 100 % à ta préparation olympique. C’est un changement de vie radical à quelques mois des Jeux de Paris.  

J‘ai eu la chance de tomber dans la famille Carrefour qui était incroyable. Ce partenariat, tout comme le contrat qui me liait à mon club grâce à l’ANS l’Agence Nationale du Sport, m’a permis d’être détachée à 100 % et de ne faire que de l’escrime. C‘était un luxe et je me suis rendu compte que c’était quand même plus facile de récupérer que quand je rentrais de compet’. Je n’avais pas besoin d’aller bosser le lendemain, ce qui me permettait de profiter de mon fils et de me reposer, je pouvais étaler mes entraînements, je me blessais beaucoup moins… En fait, ça m’a permis d’optimiser mon entraînement et d’être beaucoup plus sereine pour préparer Paris.

Malgré ce cadre plus confortable, tu connais un début de saison 2024 complexe. Tes premiers résultats ne sont pas à la hauteur de tes attentes, tu te blesses à une cheville fin mars et tu as de nouveau du mal à te retrouver dans ce que tu fais. Ces doutes, ce sont les mêmes que ceux que tu avais ressentis avant Tokyo ? 

À partir du moment où j’ai arrêté de bosser, j’ai fait une très bonne fin de saison 2022-2023 : je fais 3e aux Europe en individuel, on regagne par équipe, je suis dans le top 10 mondial, je fais deux podiums en Coupe du monde et on gagne quasiment toutes les épreuves par équipe. Par la suite, on se plante aux Championnats du monde alors qu’on est archifavorites. Ça, ça été une claque et elle m’a fait mal.

Au début de la saison suivante, j’ai une hantise, celle de me dire que j’aurais été dans l’équipe de France toute l’année passée, et même toute ma vie quasiment, mais qu’il est possible que je ne me qualifie pas pour les Jeux Olympiques. Cette peur de ne pas en être a fait que je tirais petits bras. Ma blessure à la cheville, la veille de mon départ en Chine, m’a permis de faire un reset complet. J’ai fait le point sur moi-même, sur mes envies et je me suis dit qu’il fallait que je respecte mon travail. Peut-être que je n’irai pas aux Jeux, mais est-ce que ma vie aller s’arrêter pour autant ? Non ! Est-ce que ma mère ne m‘aimera plusà cause de ça ? Non ! Est-ce que mon fils ne m‘aimerait plusparce que je n’allais pas aux Jeux ? Non ! À partir du moment où j’ai accepté ça, tout est allé mieux.

©Auriane Mallo-Breton/Facebook

La preuve, tu remportes le Grand Prix de Cali en Colombie.

Oui, je gagne à Cali, je gagne quatre matchs à une touche ce qui prouve que, mentalement, j’étais là ! Je me sentais fraîche, j’avais envie de faire de l’escrime. Ma blessure à la cheville m’a obligée à m’arrêter et, quand tu es forcée de faire une pause, tu repars de zéro. Finalement, tu te dis que tu n’as rien à perdre, tu es en bas, qu’est-ce que tu veux qu’il t’arrive de plus ? C’est marrant, ça a souvent été comme ça dans ma carrière.

Quand j’ai contracté cette blessure à la cheville, ma préparatrice mentale m’a dit que mon karma faisait bien les choses et des gens qui ne font pas forcément partie de mon cercle proche ont remarqué que j’avais besoin d’être tout en bas pour rebondir.

Ça a été le déclic qui t’a permis de vivre les Jeux sereinement ?  

Après ça, tout a été plus facile. C’était comme si j’avais eu besoin qu’on me mette un gros taquet, j’ai d’ailleurs l’impression que je ne peux pas vivre sans ! C’est pour cette raison que, pendant les Jeux, je n’ai pas été stressée. Ça avait été tellement dur jusque-là que j’avais juste envie de kiffer, de profiter en me disant que c’était pour des moments comme celui-ci que je faisais tout ça, que c’était pour des moments comme celui-ci que je pleurais sur les cardio de mon préparateur physique parce quil me mettait trop cher

Tu redonnes du sens à tout ce que tu fais et c’était ce que j’avais perdu en début de saison : je faisais ce que j’avais à faire mais sans vraiment savoir pourquoi.  

©Auriane Mallo-Breton/Facebook

Toi qui rêvais de prendre part aux Jeux Olympiques de Paris sous la verrière du Grand Palais avec ton fils pas loin de toi, tu vas être exaucée. En individuel, tu gagnes l’argent à l’issue d’une finale irrespirable : l’or se joue à la mort subite, tu mènes de 5 touches sur la Hongkongaise Vivian Kong, numéro 1 mondiale, avant de t’incliner par 12 touches à 13. Le sentiment premier, c’était quoi ? Le plaisir ou la frustration de ne pas avoir gagné l’or ? 

Ce petit pincement au cœur, je l’ai eu, mais après. Au final, je me dis qu’elle a été plus forte que moi et c’est tout. L’or se joue effectivement à une touche, avant ça je mène, mais je me suis repassée mentalement toute cette journée-là dans la tête et j’aurais très bien pu sauter dès le premier tour, donc il faut que j’accepte. Là, la nana est menée, elle a tout le public contre elle, elle arrive à remonter. Alors, même si ça casse les pieds parce que ça se joue à une touche, cette touche qui fait de toi une championne olympique, j’ai plus facilement accepté cette défaite parce que je suis sortie de mon match.

Comment astu fait pour gérer le public, le bruit ?

Je me suis vraiment préprogrammée avant la compet’ en me disant qu’aucune de nous n’avait l’habitude d’avoir du bruit et du monde, sauf que là, à Paris, je savais que tout le monde allait être avec moi. Je me suis dit qu’il fallait le prendre comme une force. 

Tu es vice-championne olympique en individuel, vice-championne olympique par équipe. Ton petit garçon est là, ta famille aussi, le public te porte… Est-ce tu penses qu’il te sera possible de vivre plus fort que ces Jeux parisiens ?  

J’aurais bien pris une petite médaille en or quand même mais, quand on s’attarde sur notre parcours, les galères que notre groupe a connues, c’est une belle récompense de tout le travail qu’on a fourni toutes ensemble depuis des années. Je suis vraiment fière de ce qu’on a fait, fière d’avoir fait briller l’épée dame. Quand tu entends qu’il y a, dans les clubs, des petites filles et des petits garçons qui s’inscrivent à l’escrime parce qu’ils t’ont vue et qu’ils ont envie de faire comme toi, c’est hyper gratifiant, encore plus quand tu es maman. Tu as participé au développement de ton sport et tu as donné envie à des enfants, et peut-être à de futurs champions, de découvrir ton sport. 

©Auriane Mallo-Breton/Facebook

Est-ce que tu te projettes déjà dans l’après ou est-ce que tu as envie de prendre ton temps pour décider d’une éventuelle suite ?

Pour l’instant, je suis plutôt partante d’une vie au jour le jour. J‘ai fait douze ans de haut niveau, douze années durant lesquelles j’ai été programmée pour la compétition. J’ai vraiment besoin d’avoir du temps pour moi, besoin aussi de reprendre le boulot parce que c’est important. Je suis kiné, référente santé de la femme, dans un cabinet à Paris. J’ai fait des formations durant ma maternité et j’ai envie d’aller plus loin dans ce domaine.

Je n’ai pas encore repris l’escrime au moment où on se parle, je m’entraîne de mon côté et je ne fais que du sport plaisir. Je vais me laisser le temps. Quatre ans, c’est long, il peut se passer beaucoup de choses pendant cette période et je sais que, si je le décide, je suis capable de revenir. Je me connais désormais très bien, je sais optimiser mes entraînements et mon temps et, même si je me dis un jour, par exemple, que je repars pour la rentrée 2026, si je suis à 100 %, j’y arriverai.

La seule chose, c’est qu’il faut que ce retour soit motivé par l’envie et, pour le moment, je n’en ai pas envie.

Ouverture ©Auriane Mallo-Breton/Facebook

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