Adeline Trazic : « Je suis fière d’avoir réussi l’Ironman de Barcelone malgré une saison chaotique. »
Mon état d'esprit pour cet Ironman était assez particulier parce que j'avais en tête une qualification pour les championnats du monde 2025, et lorsque j'ai vu ma place au classement, je me suis dit que c'était foutu, mais la vie parfois...
Par Adeline Trazic*, championne de triathlon
Publié le 23 octobre 2024 à 16h07
J’ai participé à l’Ironman de Barcelone, le 6 octobre dernier. Une course de ce genre, ça se prépare sur plusieurs mois. Je suis revenue des championnats du monde d’octobre 2023, je me suis laissé un mois et demi tranquille, et après, j’ai ré-attaqué ma préparation, ce qui se fait en plusieurs étapes, au rythme de 15 à 20 heures de sport par semaine. D’abord une préparation du corps. On fait pas mal de muscu, de préparation physique pendant plusieurs mois, progressivement, pour laisser au corps et à l’esprit le temps de récupérer des précédentes courses. Puis, j’ai fait monter crescendo l’intensité avec une préparation très légère en course à pied, compensé par des entraînements en vélo, pour ne pas prendre de risques car je sors de blessures. J’ai repris le running seulement un mois, un mois et demi, avant Barcelone.
Mon état d’esprit pour cet Ironman était assez particulier parce qu’avant cette échéance, j’avais en tête une qualification pour les championnats du monde de 2025, c’est quelque chose que j’avais envie de revivre. Et puis, je suis plutôt une battante, donc dans l’idée, je voulais aller faire quelque chose de bien.
Dans tous les cas, je savais que ça n’allait pas être facile, mais mon idée, c’était de donner le meilleur de moi-même tout en me faisant plaisir. J’y allais en battante, mais pour me battre contre moi-même. Est-ce que j’étais capable de le finir, et surtout de finir dans l’état que je souhaitais et avec un bon chrono ? Je n’en savais rien, à vrai dire.
Je me suis donc jetée à l’eau, littéralement, puisque c’est la première épreuve de l’Ironman. Au départ de la natation, le cadre était grandiose, le discours des organisateurs tire des larmes à chaque triathlète. Mais quand la sonnerie retentit, je me lance et je me dis : « C’est maintenant, quoi ! » L’eau est magnifique, transparente, ça passe assez vite. Je me sens plutôt bien, je vois des poissons, des méduses, c’est vraiment chouette. Il y a du monde autour de moi, ça nage bien. Quand je ressors de l’eau, je vois mon chrono, 1h15, je me dis, Waouh ! C’est une natation qui est plutôt correcte pour moi parce que je ne suis pas une bonne nageuse. Mais je suis sur les temps que j’avais réalisés à Nice quand j’ai gagné en juin 2023dans ma catégorie d’âge, donc ça me booste. Il était temps de passer en selle.
Je fais une transition hyper rapide. Ça, c’est quelque chose dont je suis assez fière parce que, du coup, je ne perds pas de temps, je reste confiante. Confiante parce que le cyclisme, c’est ma partie, c’est vraiment le truc que j’adore et dans lequel je suis la plus à l’aise. Je sais que le parcours va être long, mais je ne m’attends pas à ce qu’il soit difficile. Et pourtant… Finalement, je le trouve super dur parce qu’à la vitesse à laquelle je veux rouler, il faut vraiment toujours pédaler en tension. Il n’y a pas de moment de repos. D’habitude, un circuit où ça monte et ça descend, on a quand même toutes les descentes pour souffler, se reposer. Mais là, c’est 180km où il n’y a pas une seconde pour s’arrêter. Je me dis que ça va être vraiment compliqué de garder ce rythme, mais je réussis. Je pose le vélo, je suis également assez contente de cette deuxième partie.
Place au marathon. Et là, je sais que ça va être une vraie bataille parce qu’avec les douleurs d’hernie discale dont je sors à peine, on ne sait pas trop à quel moment ça peut arriver. Premier kilomètre, dixième, vingtième… Ce marathon, je l’ai vraiment pris kilomètre après kilomètre. Chaque kilomètre sans douleur était une petite victoire. Je commence à la sentir au bout du semi-marathon, ça me tire dans le dos et la jambe. Et là, il reste encore 21km. C’est le moment précis où on se dit qu’on ne doit pas lâcher. Ça tombe bien, c’est pas dans ma nature. Je me donne des petits objectifs. Je me dis 21, allez, on va chercher le 25. Au 30e, je me dis, allez, c’est là où c’est le plus dur, mais il faut encore y aller. Va chercher le 35. Au 35, va chercher le 40. Et puis après, au 40, forcément, il reste 2km. Et à l’arrivée, c’est l’euphorie !
Je pensais être capable d’affronter la douleur. Après, j’étais sûre que ça allait me faire diminuer en vitesse sur la course à pied. C’est aussi pour ça que j’ai choisi de ne pas partir très vite, pour me préserver. Maintenant, est-ce que j’étais capable de résister puis d’aller aussi vite ? Ça, ce n’était pas gagné. Mais j’ai réussi, j’ai fait un marathon similaire à celui de Nice, à trois minutes près. Je suis assez satisfaite de l’ensemble de la course et de ce que j’étais capable de faire avec les douleurs et le peu d’entraînement de course à pied.
Je suis satisfaite de mon chrono aussi, je voulais faire moins de 11 heures. J’avais mis 11h47 à Nice. Et là, à Barcelone, je fais 10h39. Quand je passe l’Arche, la finish line, je suis super contente parce que je vois 10h39. Mais à l’annonce finale du classement, je suis dégoûtée : je ne suis pas sur le podium. C’est toujours quelque chose qu’on vise. Et avec une course autour de 11h à Barcelone dans ma catégorie d’âge, ça faisait normalement podium. Mais, cette année, le niveau était très, très élevé. On était nombreux et nombreuses dans ma catégorie d’âge, presque soixante-dix personnes, c’est quelque chose qui se voit rarement. Il y avait vraiment des machines de guerre, et de manière internationale puisqu’on était quatre-vingt onze pays représentés.
En résumé, je suis contente de mon chrono, mais super déçue du classement. Je suis neuvième. À ce moment-là, je ne suis pas qualifiée pour le championnat du monde. Je me dis que c’est foutu. Mais, le soir, je regarde le nombre de qualifications distribuées dans ma catégorie, il y en a sept. Et je suis à la neuvième place. Donc, je me dis que j’ai peut-être une chance de l’avoir si deux filles se désistent ou ne sont pas là. Et, suspense… c’est ce qui s’est passé ! Quand on entend son nom et son prénom à l’annonce des qualifications, c’est vrai que là, on se dit : « Dingue, voilà, c’est fait ! ». C’était hyper-fort en émotions.
Ces championnats du monde se dérouleront le 11 octobre 2025 à Kona, de nouveau à Hawaï, comme en octobre 2023 où j’étais allée y faire ma première compet’ mondiale, mais ça, je vous l’avais raconté… Un an pour se préparer cette fois-ci. Alors là, première étape, c’est de me réparer ! J’ai passé une année 2024 remplie de doutes, de douleurs. Et je ne veux pas recommencer en 2025, hors de question !
Donc, me réparer. J’ai déjà rendez-vous avec un médecin du sport, je vais refaire des examens approfondis, éventuellement une infiltration parce que j’en ai eues cet été… Je vais prendre le temps nécessaire pour que mon corps arrête de souffrir et pour pouvoir repartir sur de bonnes bases. Repartir trop vite, ça voudrait dire repartir exactement comme l’année dernière. Et ça, non. Mentalement, je ne suis pas sûre d’être capable de revivre une année aussi chaotique que 2024. Donc, on se calme.
D’ailleurs, je vous prends à témoin parce que je vous raconterai ma prépa et mes courses avant Hawaï, tous les mois, dans ce Carnet en mode Compet’. En attendant, soyez ÀBLOCK!
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