Lisa Dagouneau « Quand j’ai découvert le canoë, j’ai eu la sensation d’être libre. »

Lisa Dagouneau
Fraîcheur de la jeunesse conquérante et détermination jusqu’au bout de la pagaie, Lisa Dagouneau, 17 ans, rame à bonne allure dans le canoë-kayak pro. Championne de France en monoplace, cette pépite junior n’a pas dit son dernier mot sur l'eau.

Par Claire Bonnot

Publié le 17 juin 2025 à 7h48

Tu as commencé le sport très jeune, quelle petite-fille sportive étais-tu ?

J’ai commencé par la gymnastique dès l’âge de 3 ans. Et je n’ai pas arrêté jusqu’à mes 10-11 ans, à la fin du primaire. Ce n’est qu’à partir de là que j’ai commencé le canoë. Ce dont je me rappelle pour la gym, c’est que j’avais, déjà, l’esprit de compétition et que j’aimais beaucoup partager la même passion avec mes amis. C’est pour ça que j’ai toujours adoré les épreuves par équipe. Je viens aussi d’une famille qui aime et qui fait du sport : ma mère faisait de la danse, mon père et mon frère font du foot et ma sœur, de l’athlétisme.

Qu’est-ce qui t’a fait abandonner la gym et pourquoi le choix du canoë ?

C’est venu de mes peurs. Par exemple, sur la poutre, je n’osais pas me lancer en flip arrière. J’avais peur que mes mains n’atterrissent pas sur la poutre. Donc, je n’arrivais plus à me lancer sur les agrès. Au même moment, à l’école, on nous faisait faire du canoë. Je viens de Decize, dans la Nièvre, et nous avons la Loire. Mais là aussi, c’était difficile pour moi, j’avais peur de tomber dans l’eau, peur d’être engloutie par des algues ou des poissons…

©Lisa Dagouneau

Plus de peur que de mal, alors ?

Sûrement parce qu’après trois séances d’essais, je me suis inscrite en club de canoë. J’ai eu la sensation d’être libre, pas sur terre et, en plus, j’étais entourée de nature. J’ai vite aimé et le plaisir de la discipline a pris le pas sur mon appréhension.

Quelles sont tes forces en canoë ?

Je dirais mon endurance, parce que je tiens bien niveau cadence comparé à d’autres personnes qui, elles, sont plus puissantes que moi, mais vont tenir moins longtemps.

Quelles sont les épreuves dans lesquelles tu concours et sur quel type d’embarcation ?

Je fais plusieurs distances mais tout va dépendre de l’embarcation, justement. En France, notre distance olympique, pour les féminines, c’est 200 mètres. Aux championnats de France ou aux championnats régionaux, c’est 200 mètres et 500 mètres. J’ai fait ces trois distances en C1, C2 et C4. J’ai fait 1000 m seulement une fois dans ma vie et c’était en C4.

Qu’est-ce que tu préfères sur ton canoë : pagayer seule ou par équipe ?

J’adore les deux, parce que ce sont des dispositifs vraiment différents. En monoplace, je suis toute seule, dans ma bulle. En équipage, je dois composer. Tout dépend de qui monte avec moi sur l’embarcation. Cette année, je vais pouvoir faire un équipage avec une fille de mon club que je connais depuis longtemps, c’est génial. Elle s’appelle Lisa Ruiz et son père, Santiago Ruiz, notre coach, nous a appris à monter assez tôt ensemble. On a la même technique, la même gestuelle quand on pagaie, donc c’est hyper fluide.

Quand tu démarres une compétition, comment gères-tu ton mental pour performer ?

Avant chaque compétition, je ne pars pas forcément confiante parce qu’on ne sait jamais ce qui se passe sur une course en bateau. Par exemple, en course de fond (5000 mètres, Ndlr), on part toutes serrées, donc, à tout moment, on peut tomber à l’eau, avoir quelqu’un qui nous fonce dessus. On ne peut pas faire la course avant la course. En revanche, j’ai toujours la niaque sur la ligne de départ.

Quelle est ta routine d’entraînement ?

Je m’entraîne au Pôle de Nancy, où l’on fait généralement deux semaines de développement et une semaine de récupération. Il y a de la course à pied, deux à trois séances de musculation selon la semaine, beaucoup de pratique bateau, et en hiver, de la natation en piscine parce qu’il fait froid et qu’on monte un peu moins dans les embarcations, ainsi que de la proprioception pour travailler les muscles utilisés dans le bateau.

Comment tu te sens en pleine « course » ?

Quand je pars sur une course de vitesse, j’ai super peur à un moment précis : celui où on nous demande d’avancer dans les sabots dans les lignes d’eau. Après, ce n’est que du bon stress, parce que je me mets dans ma bulle, j’entends juste les gens dire « Allez, allez ! » pour nous encourager, et je fonce, je déconnecte totalement de tout. Et, quand j’ai fini ma course et qu’on me demande comment ça s’est passé, je ne me rappelle de rien !

Comment as-tu gravi les échelons dans le milieu du canoë ?

J’ai été en club durant tout le collège. Je m’entraînais énormément, j’avais un objectif : viser toujours le plus haut. En entrant au lycée, j’ai eu la possibilité d’entrer en Pôle Espoir : celui de Dijon était plus près de ma famille, mais il n’y avait pas la section « Pôle Dames » comme à Nancy. Depuis, je ne rentre chez moi que pour les vacances.

Il y a deux ans, j’ai fait mes premières sélections pour entrer en équipe de France, un peu comme ça tout en sachant que je n’avais pas l’âge, car j’étais cadette 2 et il faut être junior. Je me suis retrouvée en demi-finale à côté de filles qui ont fait les JO cette année… Ça faisait très peur. Je me suis quand même dit que j’allais tout donner et qu’on verrait bien. J’ai été dans les trois premières ! Et pour la finale, j’ai fait quatrième en cadette 1. Ils ne prenaient que les trois premières – elles avaient trois ans de plus que moi, mais je me suis dit que c’était déjà top d’être allée jusque-là.

L’an dernier, pour les mêmes sélections, j’ai fini deuxième et première de mes séries, au milieu de toutes les meilleures céistes filles de France. Il y avait donc peut-être un espoir de rentrer en équipe de France junior même si j’étais une cadette… et j’ai été sélectionnée alors que je n’avais pas l’âge, surclassée, c’était incroyable !

©Lisa Dagouneau

Quelles ont été les compétitions qui t’ont le plus marquée depuis ?

Cette année-là, en 2024, j’ai concouru en C2 aux Mondiaux, aux Europe et aux Olympic Hopes. La course la plus importante pour moi a été celle en C4 sur 1000 mètres aux Olympic Hopes parce qu’on est arrivées premières. En plus, c’est moi qui étais à̀ l’avant du C4, donc je menais la cadence alors que c’était mon tout premier 1000 mètres. Dans ma tête, je me suis dit « C’est comme un 500 mètres mais un petit plus long, quoi ! ». Tout le long de la course, les Polonaises étaient devant nous. On est passés devant à quelques centièmes. Quand on a compris que nous étions arrivées en tête, on s’est toutes mises à pleurer. On était les championnes du monde cadettes !

Es-tu toujours à ce poste de « leader » ?

On peut me mettre partout mais comme je suis une des plus petites, ça fonctionne bien pour moi et pour l’équipe d’être positionnée à cet endroit.

Tu n’as jamais eu un coup dur, des peurs qui ressurgissent, en canoë ?

Non, vraiment pas. La seule chose, c’est que j’ai eu des problèmes de santé il y a quelques mois, j’ai loupé une semaine d’entraînement, et j’ai eu peur que les autres filles me passent devant ! Après, je n’ai pas hésité à me remettre le plus tôt possible à l’entraînement quand j’étais chez moi, à Decize. Mais mon club d’entraînement est à Lille, désormais.

Côté mental, est-ce que tu as un coach ou tu gères cette partie toute seule ?

Non, je n’ai pas de coach mental mais je suis très soutenue par ma famille et mes amis, ça aide. Quand je m’entraîne toute seule, comme dernièrement chez moi à Decize, je n’arrête pas tant que je n’ai pas fini ma course. Même si, honnêtement, c’est hyper dur de tenir les distances sans concurrence, en étant seule. Mais je ne lâche rien !

Quelle est ta routine d’entraînement ?

Je navigue tous les jours, deux fois par jour. Et j’ai mes cours entre-temps, en horaires aménagées. Je suis en première générale, cette année. On est plusieurs sportifs de haut niveau dans ma classe parce que je suis en CREPS : des badistes, des volleyeuses, une autre céiste…

C’est difficile à ton âge de vivre loin de ta famille ?

J’ai su très vite que j’allais devoir être très autonome, comme faire mes machines à laver par exemple. Mais, justement, ça m’a apporté beaucoup de maturité et, en vrai, ça se passe bien. Au début, je pensais que ça allait être dur, mais j’adore être là-bas.

Qu’est-ce que ça t’apprend sur toi cette vie de sportive de haut niveau ?

J’apprends à me dépasser de plus en plus et à développer mon éloquence car on commence à me poser beaucoup de questions !

Quel est ton rêve sportif ?

Mon objectif le plus haut, c’est les JO.

Et quel est ton projet professionnel à côté ?

J’aimerais beaucoup devenir kiné du sport.

Est-ce que tu as grandi avec une icône du sport féminin en tête ?

Quand j’étais petite, c’est en voyant faire Laura Ruiz (aujourd’hui championne du monde junior en canoë, Ndlr) qui s’entraînait au club de Decize, que j’ai eu envie de me lancer moi aussi. Et maintenant, je m’entraîne avec elle, c’est fou ! Et, sinon, en ce moment, mon idole, c’est Nevin Harrison. Une canoë dame américaine de 22 ans qui est championne olympique depuis les JO de Tokyo.

En parlant de JO, tu as déjà fait un pas vers ton rêve en portant la Flamme olympique pour Paris 2024… 

Oui, quand je l’ai su, je n’en revenais pas mais ça tombait le même jour que mon épreuve en monoplace sur 500 mètres pour les Championnats de France ! C’est ma distance préférée, celle où je peux gagner. Et la flamme, c’est une fois dans sa vie… Heureusement, j’ai pu échanger la date avec quelqu’un et vivre ce moment incroyable et unique ! L’ambiance était dingue. C’est un magnifique souvenir et une grande fierté.

Quand tu n’es pas sur l’eau en train de pagayer, qu’est-ce que tu aimes faire ?

Toujours plus de sport ! Par exemple, j’aime courir avec ma sœur, mais sinon j’aime beaucoup prendre soin de moi, me maquiller, m’habiller et faire la cuisine.

Quels sont tes objectifs cette saison ?

Malheureusement cette année, pour les sélections équipe de France, je suis arrivée 4e et seulement les trois premières sont sélectionnées. Je suis très déçue car j’ai été hospitalisée pendant une semaine puis malade à nouveau pendant les sélections. Je n’ai donc pas pu montrer quel était mon réel niveau. Mon président a fait un recours ainsi que le président du comité des Hauts-de-France de façon à demander mon intégration à la sélection équipe de France étant donné ma situation et par équité. En effet, dans toutes les autres catégories (canoë homme junior, kayak dame junior, kayak homme junior), il y a quatre sélectionnés. Je ne lâche rien et je compte bien prendre ma revanche.

Quels conseils donnerais-tu à des jeunes filles qui seraient tentées de « faire carrière » comme toi dans le sport ?

Croyez en vous ! C’est le plus important. Et surtout qu’elles sachent qu’il peut y avoir des obstacles et des échecs sur le chemin, mais que ça les rendra plus fortes. Ce qui drive, c’est la passion. Il ne faut pas hésiter à tout donner pour ça.

  • Palmarès 2024 de Lisa Dagouneau  : Olympique Hopes1re C4 1000m / 2e C4 200m / 3e C4 500m / 6e C4 mixte 500m / 6e C2 500m / 7e C1 500m. Championnat d’Europe Junior : 5e C2 500m et 200m. Championnat du Monde Junior : 7e C2 500m / 11e C2 mixte 500m. Championnat de France : 1re C1 500m, 5 000m, marathon, short race / 2e C1 200m 
Ouverture ©Lisa Dagouneau

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