Tu as été championne du monde en 2022 de para-badminton* et tu es une des favorites pour les JOP de Paris, pourquoi le para-badminton ?
Quand j’ai découvert le para-badminton, c’est comme si mon cœur me disait qu’il fallait que j’en fasse. J’aime le badminton, et il m’aime aussi !
Tu t’es tout de même essayée à d’autres sports avant le para-badminton, comme le volley-ball ou le powerlifting… Quels souvenirs tu gardes de cette dernière discipline ?
Le souvenir le plus marquant quand je pense au powerlifting, c’est lors d’une compétition où je concourais avec des valides. Malgré mon handicap, j’ai réussi à gagner, c’était un de mes premiers succès de la sorte dans le sport en général !
À l’époque où tu t’entraînais encore en Ukraine, avant la guerre, comment étais-tu médiatisée ? Les journaux parlaient de toi ?
Au moment où j’ai gagné le tournoi international de Dubaï en 2021, oui, je me suis fait un peu connaître, on parlait de moi. Mais, depuis que je suis partie, les journalistes ukrainiens me suivent moins, voire plus du tout ! Et beaucoup d’autres sportifs ukrainiens se sont retrouvés dans la même situation que moi, une fois partis du territoire. C’est sûrement à cause du conflit, la situation n’est facile pour personne.
Comment la décision de quitter l’Ukraine et de venir en France s’est-elle imposée à toi après le début de l’invasion russe ?
C’est quelque chose qu’évidemment nous n’avions absolument pas anticipé ! Mais la chance a voulu que lors de différentes compétitions internationales, j’ai sympathisé avec un membre de la Fédération Française de Badminton, qui s’occupe du para-badminton. C’est lui qui m’a proposé ainsi qu’à mon entraîneur de venir, avant le début de la guerre. À ce moment, nous avions refusé.
Mais lorsque le conflit a débuté, nos amis français nous ont de nouveau proposé, à toute l’équipe ukrainienne de para-badminton, de venir en France pour s’entraîner. Ils nous ont assuré que tout serait possible, c’est pour cela que nous sommes venus.
Ça fait maintenant deux ans que tu es arrivée, comment ça se passe ? Tu es satisfaite de ton choix ?
Oui ! Tout va bien, je suis très reconnaissante, notamment envers les personnes qui nous accompagnent, qui nous permettent de nous entraîner le mieux possible.
Le bémol, on va dire, c’est que forcément, nous ne faisons pas réellement partie d’un club, c’est donc un peu compliqué à certains moments d’avoir une salle pour s’entraîner autant qu’on le souhaiterait. Dans mon cas, je manque aussi de sparring partner, même si je suis consciente que ce n’est pas simple à trouver.
Mais, honnêtement, on est sur du détail à ce niveau, nous sommes avant tout très reconnaissants.
Tu es devenue championne du monde à Tokyo en novembre 2022, comment ça s’est passé ? Qu’as-tu ressenti au moment de la victoire ?
Ce championnat a été très étrange pour moi, surtout au niveau des émotions. Juste avant le début de la compét’, j’ai un ami proche qui est décédé. C’était très dur.
J’ai beaucoup prié, j’ai demandé à Dieu de m’aider, et quand j’étais sur le terrain, j’avais l’impression qu’il était à côté de moi, qu’il me soutenait. J’avais l’impression de voler ! Et quand j’ai gagné, je n’ai pas réalisé, c’était extraordinaire ! J’étais tellement heureuse.
Comment se passe ta préparation pour les Jeux Paralympiques ? Tu auras pu suffisamment t’entraîner pour jouer la médaille d’or ?
Je vise le titre de toute façon, je vais tout donner pour cela, tout est possible ! Je suis très croyante, Dieu sait ce dont j’ai envie et les efforts que je fais pour y parvenir. Je crois en mes chances.
Comment ta situation actuelle, loin de ton pays, t’affecte-t-elle ? Ce n’est pas trop dur de garder espoir ?
J’ai loupé beaucoup de compétitions, surtout au début du conflit. Ça entraîne forcément que mes adversaires me dépassent au classement, sont davantage préparées… Tout ça m’inquiétait pas mal.
Mais je me suis ressaisie. Tous les matins, je me réveille avec l’hymne ukrainien, et ça me donne confiance en l’avenir.
Est-ce que tu as déjà pensé à l’après Jeux Paralympiques ?
C’est forcément difficile de se projeter sur ça, mais une chose est sûre, c’est que je continuerai le para-badminton. Je me projette aussi sur de l’extra-sportif, sur fonder une famille…
- Oksana Kozyna, victime d’une malformation de la jambe, joue avec une prothèse en carbone, en catégorie SL3.