Kon Hiyori La "Little Miss Sumo" qui lutte pour la cause féminine

Kon Hiyori
Elle a été élue l’une des femmes les plus inspirantes et influentes de la planète par la BBC. Lutteuse de sumo japonaise, connue pour défendre le droit des femmes à concourir professionnellement au Japon, Kon Hiyori est une force de la nature, déterminée à faire bouger les solides traditions de cette discipline ancestrale. Portrait.

Par Valérie Domain

Publié le 15 juin 2020 à 18h26, mis à jour le 12 août 2024 à 15h45

Elle a 23 ans et rien ne semble lui faire peur. Kon Hiyori lutte aussi bien sur le dohyô que sur le terrain des droits des femmes.

Le dohyô, ce cercle de combat devenu son territoire depuis l’âge de six ans, est en effet pour elle le lieu de toutes les revendications féministes. Ou plutôt d’une seule, mais au Japon, ça veut dire beaucoup : obtenir que les femmes puissent participer à des compétitions professionnelles de sumo. À l’heure actuelle, elles sont seulement autorisées à pratiquer en amateurs.

Kon Hiyori

Celle qui fut baptisée « Little Miss Sumo » par le réalisateur britannique Matt Kay, qui filma Kon Hiyori en 2018 pour les besoins d’un documentaire multi primés dans le monde, est une sportive de poids.

Lorsque son frère l’emmena pour la première fois à un match de sumo, elle n’eut plus qu’une idée en tête : combattre. Et lorsqu’elle s’y essaya, le public fut bluffé par cette gamine au talent inné.

Lors de ses trois premières années de pratique, elle ne perdra pas un seul match, y compris lorsqu’il lui arrivera de combattre avec des garçons.

Les femmes, considérées comme « impures », ne peuvent toucher le dohyô…

Elle remportera sans faiblir le Championnat du monde junior féminin de sumo, catégorie poids lourd, en  2014 et 2015, puis décrochera la médaille d’argent aux Championnats du Monde en 2018 et 2019. Des championnats amateurs…

Car impossible pour elle de participer à des compétitions professionnelles  : les femmes n’y sont pas autorisées, une injustice que Kon Hiyori ne cesse de vouloir réparer.

Lire aussi : Rencontre avec la championne de MMA, Lucie Bertaud, jamais aussi libre que dans une  cage.

L’idée : faire évoluer les mentalités dans ce sport japonais qui interdit aux femmes d’entrer ou de toucher le dohyô car elles sont considérées comme « impures ».

Une bataille de longue haleine pour Kon Hiyori à l’heure où l’Association japonaise de sumo (JSA) considère qu’il serait déshonorant de modifier des règles érigées par les Anciens.

Kon Hiyori, la little miss Sumo

Mais Kon Hiyori y croit. À l’université de Ritsumeikan, à Kyoto, elle a étudié les théories du genre tout en pratiquant le sumo dans son club qui ne comptaient dans ses rangs que trois filles.

Peu à peu, elle est devenue non plus seulement une grande athlète, mais une figure du féminisme japonais.

« Il y a même eu un moment où je pensais que je n’étais pas digne d’être la représentante japonaise. »

Aujourd’hui, Kon Hiyori est la seule femme à faire partie de cette équipe de l’université Ritsumeikan, l’une des rares à accepter d’enseigner le sumo à une fille.  

«  C’est une jeune femme qui suit ses rêves mais elle est aussi drôle et timide, et d’une certaine manière assez confiante en elle-même… elle a une grande présence à l’écran  », explique le réalisateur Matt Kay.

Kon Hiyori

Mais elle est aussi d’une grande sensibilité. Lorsqu’elle perd aux Championnats du Monde en 2018 contre la Russe Anna Poliakova qui fait trois têtes de plus qu’elle, elle confie : « C’était vraiment difficile, il y a même eu un moment où je pensais que je n’étais pas digne d’être la représentante japonaise ».

Pour ensuite relativiser : « Il est vrai que les athlètes étrangers, contrairement aux athlètes japonais, ont souvent bénéficié de l’entraînement dans plusieurs arts martiaux. Ce que j’entends souvent, c’est qu’ils commencent le sumo comme passe-temps pour compléter leur entraînement de lutte, par exemple. Ainsi, ils utilisent une variété de techniques dans leurs combats, ce qui les rend très forts. »

Kon Hiyori

Pour autant, gagner en compétition n’est pas le but ultime de Kon Hiyori qui considère sa discipline comme une philosophie, un moyen de se faire comprendre, entendre, estimée   : «  Le sumo n’est pas seulement un sport, mais une forme d’expression », dit-elle.

Et de faire un parallèle avec la vie  : « Même si vous êtes confronté à quelqu’un qui est grand et fort, ce n’est pas quelque chose à fuir, vous devez vous engager, comme à la manière sumo. Il y a tellement de possibilités et de choses qui peuvent naître en vous grâce au sumo. C’est juste un sport merveilleux. »

Vous aimerez aussi…

Nicole Abar

Nicole Abar : « J’aimerais dire que les filles et le foot, c’est gagné, mais il y a encore beaucoup à faire. »

En 2015, l’ex-internationale de foot Nicole Abar participait au documentaire « Femmes de Foot » réalisé par deux adolescentes. Elle y témoignait de son enthousiasme quant à l’évolution des mentalités pour ce qui est des jeunes filles et du ballon rond. Qu’en est-il presque dix ans après ? Elle nous répond et ce n’est pas aussi « merveilleux » que ça en a l’air.

Lire plus »
Alexia Barrier : « En course au large, les multicoques, c’est le dernier bastion des hommes. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une athlète en pleine renaissance, la conclusion d’un défi inédit, une navigatrice qui s’attaque au grand large comme aux préjugés (Alexia Barrier avec sa team sur notre photo) et le portrait d’une pilote historique qui n’a pas connu que la gloire, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Et c’est pour vous !

Lire plus »
boxeuses au mozambique

Boxeuses au Mozambique – Sur le ring pour sortir du K-O

Dans leur pays, la boxe est un sport mineur, où on a longtemps considéré que les filles n’avaient pas leur place. Mais c’était avant qu’elles ne montrent les poings et ne rapportent des médailles. Le photographe français Stéphane Bouquet a shooté les exploits de cette équipe féminine du Mozambique désormais connue comme Les Puissantes.

Lire plus »
louise lenoble highline

Louise Lenoble – Totalement perchée

Grande prêtresse de la highline, elle passe sa vie à marcher sur des sangles au-dessus du vide, là où le vent l’emporte. Le monde lui tend les bras et elle nous raconte son histoire, celle d’une étudiante en médecine devenue nomade pour s’offrir une existence vertigineuse. Zoom sur une fille d’exception. 

Lire plus »
Eileen Gu

Eileen Gu, la crack de la glisse acrobatique

Retour aux sources. Celle qui fut triple médaillée de l’édition 2020 des Jeux Olympiques de la Jeunesse en sera l’ambassadrice, à Gangwon, le 19 janvier. La skieuse acrobatique, Eileen Gu, devenue, depuis, championne du monde et championne olympique 2022, est l’une des stars du ski freestyle.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner