David Maginot « Dans mes photos de championnes, j’essaye de retranscrire à la fois la réalité et l’émotion du moment. »

David Maginot : « Dans mes photos de championnes, j’essaye de retranscrire à la fois la réalité et l’émotion du moment. »
Il a couvert les Jeux Olympiques de Paris 2024 et aiguisé son objectif pour en capturer l’essence, à savoir les émotions. Le photographe David Maginot a sélectionné pour ÀBLOCK ! cinq clichés de championnes qui lui ont permis de figer dans le temps des instants particulièrement marquants de la quinzaine parisienne.

Par Sophie Danger

Publié le 04 avril 2025 à 17h07, mis à jour le 07 avril 2025 à 20h24

Comment la photo s’est-elle invitée dans ton parcours ?

Je suis photographe professionnel et la photo, pour moi, c’est avant tout une histoire de passion. J’aime mettre ce que j’observe en valeur et notamment les gens, les regards et, bien évidemment, les émotions. J’ai débuté lorsque j’étais encore étudiant. J’ai eu un premier appareil, j’ai fait des essais – le terrain est aussi un lieu d’apprentissage – et j’ai enchainé avec des études de communication et de journalisme.

Après cela, j’ai eu beaucoup d’opportunités et dans le domaine du sport, et dans le domaine de l’art, l’art urbain notamment. Dans ce cadre-là, j’ai eu l’occasion de travailler avec beaucoup d’artistes dont certains étaient photographes, ce qui m’a permis d’échanger et de progresser. Pour moi, la photo, c’est un parcours, un cheminement et une volonté, celle d’aller vers de nouveaux challenges.

©Nicolas Giquel

Quelle est, selon toi, la définition d’une belle photo de sport ?

Une photo de sport est belle quand elle dégage de l’émotion. Le fait d’avoir travaillé dans le milieu de l’art m’a permis de jeter un pont entre art et sport. En fonction du contexte, une photo de sport peut avoir un sens complètement différent. Si la photo porte sur une action sportive, elle retranscrit le côté performance du moment, mais malgré tout, il y a toujours aussi la dimension du partage, de l’émotion, le regard.

Est-ce que tu abordes le sport féminin de manière différente lorsque tu couvres un événement ?

Je ne sais pas si c’est exactement pareil de couvrir un évènement féminin ou masculin. Pour moi, le sport pratiqué est le même, mais il est vrai qu’en termes d’émotions, ce n’est pas toujours la même chose. Cet été, lors des Jeux Olympiques, j’ai eu l’occasion d’aller voir les escrimeuses au Grand Palais, j’étais derrière leur famille et j’ai ressenti une émotion différente, un autre impact aussi. Peut-être que c’est une question d’habitude, on voit beaucoup plus de sport masculin que de sport féminin, je ne sais pas. Pour autant, dans mes photos, hommes ou femmes, le regard et l’émotion sont palpables car, au-delà du sexe, il y a des gens qui sont plus dans la retenue, plus ou moins expansifs et d’autres qui profitent de l’instant pour se lâcher.

Tu as sélectionné cinq photos pour nous, cinq photos qui ont pour cadre les Jeux Olympiques de Paris. La première est celle d’Élodie Clouvel très émue, médaille d’argent du pentathlon autour du cou. Elle est enveloppée d’un halo de lumière qui sacralise un peu le moment, on la sent en état de grâce, littéralement…

Oui, j’aime particulièrement cette photo d’Élodie Clouvel car il y avait beaucoup, beaucoup d’émotion à ce moment-là. On le sent sur la photo, on le sent d’autant plus d’ailleurs que c’est une athlète qui aime partager avec le public. Cette scène se passait au club France, c’était le dernier soir des Jeux Olympiques et autour de moi, il y avait une foule immense. Moi, j’essayais d’avoir le meilleur cadrage possible. Élodie venait de faire une Marseillaise, elle interagissait avec le public et il y a ce moment où elle craque un peu. Je trouve que cette photo, avec la lumière, fige ce moment dans le temps.

Tu as également retenu une photo de Cassandre Beaugrand, championne olympique de triathlon, qui elle, semble a contrario totalement sur la retenue…

Oui, j’aime aussi ces émotions que l’on peut ressentir mais qui sont différentes de celles que l’on ressent en regardant le cliché d’Élodie par exemple. Je dirais que le cliché de Cassandre Beaugrand est plus en féminité, en légèreté. On sent qu’il y a un échange de regards, de la fierté aussi. Cassandre Beaugrand est quelqu’un qui se protège. La ferveur était différente. Contrairement à Élodie Clouvel, la rencontre se déroulait en journée et non en soirée, elle semblait un peu intimidée, sur la réserve, mais j’ai senti malgré tout qu’elle profitait du moment. Ça revient à ce que j’expliquais sur la différence entre les photos de sport féminin et les photos de sport masculin : les femmes ont une manière de célébrer qui est parfois moins expansive, ça rend le résultat différent et, pour ma part, j’ai beaucoup aimé le regarde de Cassandre Beaugrand à ce moment précis.

La suivante – les suivantes – tu as choisi de nous partager une photo de groupe cette fois, celle de Charline Picon et de Sarah Steyaert, médaillées de bronze en 49er FX.

Oui, les filles étaient engagées dans les épreuves de voile, à Marseille donc, et la scène se passe après, à Paris, au parc des champions qui était installé au Trocadéro. Ce que j’aime avec ces photos, c’est que l’on sent toute la fierté de se retrouver là, d’avoir réussi un exploit. On voit peu les athlètes qui évoluent dans les épreuves de voile, leur avoir offert cette opportunité de venir célébrer et profiter de leur exploit dans le cœur des Jeux, on sent tout le bonheur qui est le-leur, ce sont des instants de joie immense. Je n’intègre pas systématiquement le drapeau dans mes photos mais là, il avait été donné à Charline Picon et Sarah Steyaert, si je me souviens bien, par quelqu’un dans le public. Moi, je prends la photo juste après qu’elles l’aient pris et soulevé.

Tu as beaucoup suivi les Françaises, mais tu as malgré tout retenue la photo de l’athlète dominiquaise Thea LaFond, sacrée au triple saut. Sa joie est totalement différente de celles que tu as capturées jusqu’à présent, elle semble presque vorace, on sent une détermination immense.

Oui, elle était totalement transcendée. Il me semble que c’est la première médaille qu’elle apporte à son pays et donc je pense qu’il y avait un sentiment de fierté incroyable. Elle courait partout, on sentait qu’elle était émue et fière de son parcours et c’était magnifique à voir. Voilà encore une autre manière de célébrer. Là, on sent la joie intense, on sent aussi toute la pression qui a dû peser sur ses épaules.

La dernière résume un peu ces Jeux parisiens : il y a la Tour Eiffel, les anneaux olympiques, le soleil et cette impression qu’il s’est passé, cet été-là, quelque chose d’unique, il n’y a plus de protocole, juste du partage et de la joie, celle, notamment de l’Américaine Sara Ann Hildebrandt, championne olympique de lutte.

C’est le cliché que tous les photographes voulaient : la Tour Eiffel, les anneaux et un athlète avec un moment de joie un peu hors du temps. Au moment où je prends la photo, elle venait d’esquisser quelque pas de danse et moi, j’essaie de figer ce moment. Cette envie-là, elle me vient beaucoup de mon travail avec les artistes et notamment l’un d’eux qui fait beaucoup d’abstraction et jette de la peinture sur les toiles. Dans ces cas-là, il faut réussir à saisir l’instant qui permet de retransmettre tout à la fois le geste et l’émotion. C’est cette touche-là que j’essaie d’apporter à mes photos de sport, une touche de naturel qui permet de retransmettre ce qui se passe vraiment, qui retranscrit et la réalité et l’émotion du moment.

  • Pour retrouver le travail de David Maginot, direction sa page Instagram @david_beyonder

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