« J’étais fatiguée, ma tête était fatiguée, j’avais mal au corps. »
Elle s’appelle Manon Apithy-Brunet. En mars 2022, elle devient N°1 mondiale d’escrime et elle plonge dans des abîmes obscures. « J’ai commencé à douter de mon escrime (…) Je n’avais plus la force de m’entraîner fort. C’était trop dur, trop long. » Il y a quelques semaines, sur ÀBLOCK!, elle confiait ce que bon nombre de sportives ressentent durant leur carrière : le doute, le sentiment d’illégitimité, la dépression qui pointe.
Après un titre de championne d’Europe arraché le mois dernier, notre sabreuse tricolore a chuté, en individuel, le 27 juillet en quart de finale des Mondiaux d’escrime à Milan. Et le fait qu’elle décroche une breloque par équipes a certes été une consolation, mais le cœur était déjà touché.
L’espoir était là, la confiance partiellement revenue, mais la conclusion difficile à digérer. Le sport à haut niveau, c’est aussi ça : devoir sans cesse prouver qu’on est la meilleure, qu’on a sa place dans le top mondial, qu’on est une machine.
Dans ce tourbillon d’exigences que l’on s’inflige, y a-t-il de la place pour la complainte ? Là, maintenant, dans la tête de Manon Apithy-Brunet, que se joue-t-il ?
Depuis trois ans et le lancement de mon média, après avoir donné la parole et écouté toutes ces championnes de haut vol, j’ai le sentiment de les aimer si profondément que je ressens l’envie irrépressible de les prendre dans mes bras.
La défaite de Manon Apithy-Brunet peut sembler accessoire lorsque si souvent le monde s’enflamme, mais sa souffrance intérieure, bien réelle, est un pare-feu à l’indifférence et au ressentiment. Lorsque les sportives partagent leurs joies comme leurs désillusions, c’est un baume qui peut soigner bien des peines.